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3.77/5 (sur 3706 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Dijon , le 06/11/1957
Biographie :

Camille Laurens, de son vrai nom Laurence Ruel-Mézières, est une romancière française.

Agrégée de Lettres modernes, elle a d'abord enseigné en Normandie, puis à partir de 1984, au Maroc, à Casablanca et dans les Classes préparatoires aux grandes écoles de Marrakech. Elle a vécu douze ans au Maroc, partageant son temps entre ses cours, l'animation d'un ciné-club, le théâtre (elle a interprété notamment l'Araminte des "Fausses confidences" de Marivaux) et l'écriture : ses trois premiers romans ont été écrits à Marrakech.

Son premier livre, "Index" est publié en 1991 aux éditions POL. Il ouvre une tétralogie, dont les autres parties sont : "Romance" (1992), "Les Travaux d'Hercule" (1994) et "L'Avenir" (1998).
Entre le troisième et le quatrième volet, survient le drame personnel qu'elle a vécu en 1995, avec la mort de son nouvel enfant. Cette douleur sera à l'origine de "Philippe" (1996). Elle reviendra sur ce décès dans "Cet absent-là" (2004).

En 2000, avec "Dans ces bras-là", elle obtient le prix Femina et le prix Renaudot des lycéens. Son essai "La petite danseuse de 14 ans" (2017) reçoit le prix David de l'expertise et le prix Eve-Delacroix de l'Académie Française en 2018. Son roman "L'Amour" (2003) fait partie de la sélection des 100 romans qui ont le plus enthousiasmé "Le Monde" depuis 1944.

Parallèlement à son entreprise romanesque, Camille Laurens poursuit un travail littéraire qui se veut avant tout textuel. C'est ainsi qu'elle publie d'abord "Quelques-uns (1999)", puis elle rassemble dans "Le Grain des mots" (2003) les textes de la chronique qu'elle a tenue pendant deux ans dans le journal "L'Humanité". Enfin, "Tissé par mille" (2008), Prix Bourgogne de littérature 2008, reprend l'ensemble des émissions qu'elle a produites sur France Culture entre janvier 2005 et juillet 2006. Depuis septembre 2015, elle tient une chronique mensuelle dans "Libération".

Elle a co-écrit le texte " Comateen 1 " avec Nicola Sirkis sur l'album " Paradize ". Sublime texte sur la détresse d'un individu penché sur le corps comateux, endormi ou mort de l'être aimé. Regret, douleur, questionnement, solitude, appaisement et espoir sont exprimés simultanément en quelques lignes avec une force évocatrice terriblement poignante.
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Entretien avec Camille Laurens à propos de son ouvrage Celle que vous croyez :


07/04/2016



Claire, l’une des héroïnes de votre roman, 48 ans, se créé un faux profil Facebook et devient une jeune femme de 24 ans, incarnant tous les fantasmes de l’homme qu’elle cherche à séduire. Pourquoi avez-vous choisi d’aborder la question de l’identité sur les réseaux sociaux ?



Les réseaux sociaux, et particulièrement Facebook, sont un extraordinaire outil romanesque non seulement pour l’écrivain que je suis mais pour chacun d’entre nous. C’est le lieu où l’on peut s’inventer une autre vie, se créer une identité nouvelle, comme si l’on était un personnage de fiction. Cela démultiplie notre imaginaire, nos fantasmes, mais aussi nos possibilités de mentir et de trahir, ce qui modifie notamment nos comportements amoureux. Et puis le virtuel tend à nous faire lâcher la proie pour l’ombre. J’ai trouvé intéressant de rendre compte dans un roman de nos usages les plus contemporains, même si ce n’est pas Facebook qui a inventé le mensonge !



Claire est plutôt remontée contre les hommes et les voit comme des machistes égoïstes et incapables de fidélité. Vous considérez-vous comme un écrivain féministe ?



Je ne poserais pas la question de cette façon, car la formulation suppose que le féminisme serait forcément dirigé contre les hommes. Or, il ne s’agit pas pour moi d’opposer les deux sexes, il n’y a pas d’un côté les méchants et de l’autre les gentilles. D’ailleurs, Claire est elle-même infidèle, manipulatrice, voire perverse. Si elle est si remontée envers les hommes, c’est qu’elle a été ravagée par une histoire violente avec l’un d’eux, jusqu’au délire, et qu’elle étend sa douleur personnelle au monde entier : c’est là son enfermement et sa folie.
Je suis féministe mais je ne suis pas un écrivain féministe, au sens où le propos principal de mon roman n’est pas militant ni sociologique. Simplement, j’écris à partir de moi, de mon expérience, à partir de ce que j’observe et de ce que j’éprouve du féminin. Que le désir féminin soit largement tabou par rapport au désir masculin, que le patriarcat le plus éhonté ait encore largement cours, voilà ce que je constate et ce que je dénonce par le biais d’une fiction qui a aussi d’autres horizons.



La première partie de votre roman présente une discussion entre Claire et son psychiatre mais vous avez choisi de ne transcrire que les paroles de Claire, proposant alors une sorte de monologue. Les deux autres parties de votre roman sont en majorité des transcriptions de lettres. Pourquoi ces choix narratifs à une seule voix ?



Dans la première partie, je souhaitais qu’on entende seulement la voix de Claire, le flot de ses paroles qui témoigne de son énergie vitale, de son rythme propre. Je ne voulais pas que ce flux soit interrompu par les questions du psychiatre, qu’on devine d’ailleurs facilement aux réponses qu’elle donne. Elle est sur une sorte de scène tragique, comme dans une longue tirade théâtrale.
Les deux autres parties font entendre chacune une autre voix après celle de Claire : celle de Marc, son psy, et celle de Camille, l’écrivaine qui anime l’atelier d’écriture à l’hôpital psychiatrique. Je cite souvent cette phrase de Mallarmé : « Toute âme est un nœud rythmique ». Dans ce roman, je voulais que chaque personnage révèle son nœud rythmique, donc son âme. Le personnage s’est construit à travers le souffle et le rythme de son monologue oral (l’entretien, l’audition) ou écrit (la lettre).
Le point commun à chacun, c’est qu’il s’adresse à quelqu’un, il sait qu’on l’écoute, qu’on l’entend, il a un destinataire – silencieux mais présent. Je crois qu’au-delà de la fiction, je voulais, d’une certaine manière, faire entrer le lecteur dans l’histoire.



Avez-vous dû faire des recherches concernant le milieu psychiatrique en amont de votre roman ? Souhaitez-vous dénoncer quelque chose grâce à ce récit ?



Je m’intéresse depuis longtemps à la psychanalyse et aux maladies de la psyché, aux névroses, aux psychoses. Parallèlement à l’écriture de chacun de mes romans, en tout cas depuis Dans ces bras-là (2000), je lis des textes psychanalytiques – de Sigmund Freud et Jacques Lacan, mais aussi d’auteurs vivants. Ce qui m’intéresse particulièrement, sans doute parce que j’en observe les effets en moi-même, c’est la question du clivage. Le moi n’est pas fixe, nous n’avons pas une identité simple et monolithique, nous sommes faits de tensions entre nos différents avatars intimes. « Je sommes », devrions-nous dire.



Si l’on mentionne souvent la crise de la quarantaine, vous avez choisi de mettre en scène celle de la cinquantaine. Pouvez-vous nous dire pourquoi cet âge est une frontière selon-vous ?



Au XIXème siècle, Honoré de Balzac écrivait La Femme de trente ans. A cette époque, comme il le soulignait lui-même, la vie d’une femme se terminait à 30 ans alors que celle d’un homme commençait. Aujourd’hui, la frontière s’est déplacée, disons que nous avons gagné vingt ans. Ce n’est pas moi qui ai choisi 50 ans comme âge limite, ce sont les statistiques ! Elles montrent que sur les sites de rencontres comme d’ailleurs dans le milieu du cinéma, 50 ans est l’âge butoir pour les femmes : au-delà de cette limite, leur ticket n’est plus valable ! Regardez le nombre d’acteurs de plus de 50 et même 60 ans qui jouent encore de grands rôles d’amoureux à l’écran, avec des partenaires féminines beaucoup plus jeunes qu’eux. Est-ce la même chose pour les actrices ? Evidemment non. Cette dissymétrie existe aussi dans la société, c’est une injustice ancrée dans nos façons de penser, mais pourquoi ?
La seule explication que j’y voie, c’est que 50 ans est aussi l’âge moyen de la ménopause. Inconsciemment ou non, beaucoup d’hommes (et aussi pas mal de femmes qui intériorisent la norme) associent fin de la capacité de reproduction et fin de la séduction, du désir. « Ménopausée », c’est souvent une injure dans la bouche des hommes, et une honte dans celle des femmes. Il y a heureusement des exceptions, mais ce n’est pas en niant le constat qu’on changera les mentalités.



La littérature est pour votre héroïne un repère, une sorte d’oxygène. Elle compare même l’écriture au désir amoureux. C’est votre définition de la littérature ?



Que l’acte de création ait à voir avec l’Eros n’a rien d’étonnant. Selon Freud, la pratique artistique est une dérivation de la libido, une sublimation de l’instinct sexuel. C’est vrai pour les hommes comme pour les femmes. Claire, mon héroïne, n’aime pas trop la notion de sublimation, qui établit une hiérarchie et laisse entendre qu’on abandonne l’érotisme au profit de la création. Dans l’idéal, pour elle, l’un ne va pas sans l’autre. Le rapport amoureux est son moteur, ce qui lui donne l’énergie vitale pour écrire. De mon côté, je suis déchirée entre l’affirmation de Marcel Proust, « la vraie vie, c’est la littérature » et le refus de séparer l’écriture de la vie vécue, charnelle, sensuelle.



Votre roman est construit comme un jeu de miroir, donnant la parole tour à tour à des personnages fictionnels et réels. Cette construction vous est-elle venue naturellement ? Pourquoi avoir choisi de troubler le lecteur avec une frontière floue entre réel et fiction ?



Non, ce sont tous des personnages fictionnels ! Il y a certes un écrivain qui s’appelle Camille, mais pourquoi serait-ce moi ? D’ailleurs à la fin, quelqu’un mentionne son nom : « Camille Morand, quelque chose comme ça ». Je vous accorde que le doute subsiste, et que Morand est l’anagramme phonétique de « roman ». Mais si je joue toujours beaucoup sur le rapport entre réalité et fiction, c’est parce que la question se pose pour moi dans la vie, et pas seulement dans la littérature : qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est fantasmé ? Qu’est-ce que la vérité d’un être ? Une histoire aussi peut avoir plusieurs versions, qui varient selon les narrateurs, comme dans le film de Kurosawa, Rashomon. Depuis mon 1er roman, Index, j’interroge cette frontière floue entre le réel et la fiction, le vécu et le raconté. Du reste, tout écrit devient fiction ; dès que je me raconte par les mots, je m’invente. Et puis j’en avais assez que certains m’identifient à l’autofiction dans ce que le mot a de plus réducteur - une écriture du moi étriquée -, alors que c’est bien autre chose. Celle que vous croyez est aussi une façon de répondre à ce genre de critique. Je ne sais pas qui est « moi » sinon un miroir à facettes, je ne suis pas figée dans une identité, la question de la vérité me hante, mais une chose est sûre : je ne suis pas celle que vous croyez ! Et vous n’êtes pas non plus celui que vous croyez, vous, lecteur. Comme le disait Lacan, le moi ne peut s’appréhender que « sur une ligne de fiction ». J’aime faire miroiter cette énigme humaine jusqu’au vertige.



Camille Laurens et ses lectures :



Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?



Les faux-monnayeurs, d’André Gide. Ou L`amour fou d’André Breton.



Quel est l`auteur qui aurait pu vous donner envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?



Marcel Proust



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?



Les poèmes de Victor Hugo, à l’école primaire. Et Jean Racine, au collège.



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?



Bérénice, de Jean Racine. Et aussi Les Fleurs du Mal. Et A la lumière d`hiver. Leçons. Chants d`en bas. Pensées sous ..., de Philippe Jaccottet. Et Quelque chose noir, de Jacques Roubaud. Et Mrs Dalloway, de Virginia Woolf.



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?



L`Homme sans qualités, tome 1, de Robert Musil. Je ne l’ai jamais fini.



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?



Agatha, de Marguerite Duras.



Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?



Je n’ai pas beaucoup de goût pour les romans de Emile Zola, sauf exception.



Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?



« Ne sacrifie pas aux idoles » (André Gide). Mais aussi « Le contraire est toujours vrai », un aphorisme absurde de Georg Christoph Lichtenberg



Et en ce moment que lisez-vous ?



Je viens de lire deux très beaux livres : Mémoire de fille, d’Annie Ernaux, et Une fatalité de bonheur, de Philippe Forest



Entretien réalisé par Marie-Delphine

Découvrez Celle que vous croyez de Camille Laurens aux éditions Gallimard :


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Librairie généraliste crée en 2018. Avec Charline Corbel, directrice. Coup de coeur : "Fille" de Camille Laurens édité chez Gallimard. 17 cours Saint-Louis à Bordeaux https://asso.librairies-nouvelleaquitaine.com/librairies/librairie-des-chartrons/ Inédite édition de l'Escale du livre, du 24 au 28 mars 2021 et durant tout le printemps https://escaledulivre.com/ Suivez nous Youtube : Escale du livre - Bordeaux https://www.youtube.com/channel/UCPVtJFeOHTTNtgQZOB6so1w Facebook : escale.dulivre https://www.facebook.com/escale.dulivre Instagram : escaledulivre https://www.instagram.com/escaledulivre/?hl=fr Twitter : escaledulivre https://twitter.com/escaledulivre © musique : Hectory - Réalisation et sound design : Grenouilles Productions - création graphique : Louise Dehaye / Escale du livre 2021 - Inédite édition

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Le désir veut conquérir et l’amour veut retenir. Le désir, c’est avoir quelque chose à gagner, et l’amour quelque chose à perdre.
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« Voilà la plus belle preuve d’amour : prendre la liberté de rester alors qu’on pourrait s’en aller. »
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La seule façon de se sortir d'une histoire personnelle, c'est de l'écrire.
Marguerite Duras
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Pour les gens comme moi, Internet est à la fois le naufrage et le radeau : on se noie dans la traque, dans l'attente, on ne peut pas faire son deuil d'une histoire pourtant morte, et en même temps on surnage dans le virtuel, on s'accroche aux présences factices qui hantent la Toile, au lieu de se déliter on se relie.
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Ça lui aurait fait une belle jambe, c’est le cas de le dire, de savoir qu’un siècle après sa mort on tournerait encore autour d’elle dans les hautes salles des musées comme ces messieurs au foyer de l’Opéra, qu’on la considèrerait de haut en bas et de bas en haut comme ses clients dans les bouges où elle vendait son corps sur ordre de sa mère — son corps frêle devenu bronze.

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Le célèbre baron Haussmann par exemple, défraie la chronique par la liaison scandaleuse qu’il entretient avec une jeune ballerine. Dans cette époque vénale et jouisseuse, il est de bon ton d’« avoir sa danseuse ». Des fils de famille se ruinent pour elle, se suicident, sont ravagés par la syphilis.

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Vous avez beau savoir ce qui se passe, ce qui s'est passé, vous n'en êtes pas sauvé pour autant. Quand vous avez compris ce qui vous fait souffrir, vous souffrez toujours. Aucun bénéfice. On ne guérit pas de ce qu'on rate. On ne reprise pas les draps déchirés.
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La vie m'échappe, elle me détruit, écrire n'est qu'une manière d'y survivre – la seule manière. Je ne vis pas pour écrire, j'écris pour survivre à la vie. Je me sauve. Se faire un roman, c'est se bâtir un asile.
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Les hommes mûrissent les femmes vieillissent.
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Je ne pouvais ni renoncer ni entreprendre, seulement attendre. Mais attendre quelqu'un, n'est ce pas un moyen d'être avec lui ?
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