Comme s'il avait perçu ses pensées, Cash se tourna vers elle et la chaleur de son regard l’empêcha presque de respirer. C'est comme si, soudain, ils s'étaient retrouvés seuls dans la salle. Les ouvriers s'affairaient, discutaient, les scies tournaient, mais le bruit ne parvenait plus que de très loin à ses oreilles. Jordan n'avait plus qu'une idée en tête : que Cash l'embrasse.
Il lui suffirait de s'approcher encore de quelques petits centimètres, et sa bouche recouvrirait la sienne. Elle éprouvait encore ce plaisir aigu qu'elle avait connu au bord de la route, quand il l'avait embrassée après leur course poursuite. Elle fit un pas.
- Si je t'embrasse, je ne serais peut-être pas capable d'arrêter, la prévint-il à voix basse. Veux-tu que j'aille voir si on peut louer une chambre ?
Elle fut terriblement tentée d'accepter. De passer le reste de la journée seule avec lui. De se concentrer uniquement sur le plaisir qu'ils pourraient s'apporter l'un l'autre. Ce serait extraordinaire. Et impossible. Maddie comptait sur elle.
- Je ne peux pas.
Il lui pressa encore la main et la lâcha.
-Plus tard, alors. Je t'en fais la promesse, Jordan.
– Le fait de tirer parti de la réputation croissante de Hattie Haworth et de son amant pour permettre aux gens de se rencontrer n'est pas une pratique illégale, que je sache, répliqua Avery après avoir étudié Nate un bon moment.
– Ce n'est pas sur leur aura d'amoureux que tu comptes. Depuis l'instant où ont filtré les informations sur cette boîte, on dit partout dans le village que ces morceaux de parchemin contiennent tous des messages très crus.
– Et quel mal à cela ? fit Avery en lui adressant un clin d’œil. Comme pour Vegas, ce qui se passe à Haworth House reste à Haworth House.
Elle vit le rouge monter aux joues de Nate.
– Le mal, c'est qu'un pilier de notre communauté, miss Emmy Lou, a l'intention de tirer une de ces fantaisies sexuelles. Elle approche tout de même des soixante-dix ans !
– Y aurait-il un âge limite pour s'amuser... une sorte de loi dont je n'aurais pas pris connaissance ? ironisa Avery.
- Allez, viens, dit-il en lui prenant la main pour sortir du lit. Tu as besoin de voir les bijoux de Maddie, et puis on devrait partit pour Santa Fe.
- Tu changes de sujet, tout d'un coup ?
- Il commence à se faire tard et, si je reste près d'un lit et de toi, Santa Fe pourrait bien tomber aux oubliettes.
La gorge brutalement sèche, elle ne répondit rien. Car elle était tentée de l'attirer de nouveau sur le lit. Ou par terre. Cet homme l'avait-il transformée en nymphomane ?
Jordan jeta un vague coup d’œil un manoir de Long Island en claquant la portière du taxi derrière elle. Plus lugubre que jamais sur ce fond de ciel gris, la bâtisse paraissait receler son lot de mystères. Jordan avait toujours pensé, d'ailleurs, qu'elle aurait pu servir de décor à la littérature gothique qu'elle affectionnait dans sa jeunesse.
Au moins la demeure familiale n'avait pas changé. Au contraire de tout le reste ou presque dans sa vie, en l'espace d'une semaine.
– [...] Je pense que quiconque a organisé cette dernière agression contre Brie va tout faire pour protéger sa peau. Si Radtke avait réussi à nous faire faire le grand plongeon, ce serait peut-être passé pour un accident.
– Je ne pense pas que j'aurais omis de remarquer les câbles sectionnés ! se défendit Nate.
– Radtke ne vous connaissait pas, objecta Cody. Elle a cru avoir affaire à...
– Un cul-terreux de shérif de province, termina Nate pour lui.
Elle avait eu beaucoup de petits amis dans sa vie, tous très différents : un joueur de football, un professeur d'université, un négociant d'art qui lui avait transmis sa passion, un pilote de course. Mais tous avaient un point commun : ils s'étaient fatigués d'elle et ils étaient partis.
Parfois, elle avait l'impression de porter une date d'expiration.
Maddie Farrell avait les mêmes yeux bleu-violet, les mêmes traits et la même teinte de cheveux, mais elle les coiffait différemment. Jordan gardait les siens à hauteur de menton alors que Maddie les portait tressés en une longue natte, comme leur mère. Combien de fois Jordan avait-elle tenté de persuader Éva d'adopter une coiffure plus moderne ?
Il était bien plus simple de collecter des informations sur internet que d'interroger les gens. Face à un ordinateur, il était inutile de mentir.