L'itinéraire de ces quatre femmes courageuses, de ces filles de Jules Verne, d'une personnalité exceptionnelle, est comme une longue fuite réussie de toutes les conventions vers la réalisation de soi dans une œuvre ; nos contemporaines, leurs descendantes, ont pris la relève.
Pourquoi seule ? Je suis plus sensible, plus réceptive à la nature et aux rencontres. Ce qui m’intéresse dans le voyage, dans l’ailleurs, c’est la perte des repères. Pour approcher l’autre, il faut, au moins, l’espace d’un instant, oublier d’où l’on vient. Cette perte d’identité est comme une initiation à autre chose. Ne pas pouvoir parler ma propre langue me plonge dans un état de conscience qui m’intéresse. Je me sens alors comme en osmose avec le monde, je me sens pleinement être. Cela donne une grande liberté : on peut s’efforcer de communiquer ou au contraire se replier. C’est ressourçant. C’est comme un privilège
L’idée de sa mort, seule, sans que personne la retrouve jamais, l’envahit brusquement, sorte de peur à retardement, car elle a traversé des situations bien plus dangereuses. « Qu’est ce qui me conduisait ainsi aux quatre coins du monde ? se demandait-elle. Mes exploits étaient-il destinés à me donner confiance ? jusqu’à quand me faudrait-il continuer à m’affirmer ? Comment maîtriser sa peur ? Je ne pouvais pas faire ce faux pas mortel, il fallait que je vive, que je trouve ce que je cherchais…
Ôte-t-elle son gant pour ajuster sa boussole ? Grave erreur. La tempête s’est levée, il fait -40°C. Le froid paralyse sa main, son réchauffement est un calvaire. Ce serait à en pleurer si les larmes n’étaient interdites. Les cristaux ainsi formés, comme des silex coupants, l’aveugleraient immédiatement, comme gèlerait la transpiration, qui l’envelopperait d’une dangereuse pellicule de glace, si elle faisait trop d’effort
Les jours passent. La douleur a envahi Laurence : dos, jambes, poignets, doigts dans les gants hurlent qu'ils en ont assez. Ils veulent qu'elle s'arrête. Mais s'arrêter, désormais, c'est mourir. Il lui reste à trimbaler sur ses skis ce corps qui dit "stop !", comme un fardeau qui s'ajoute au poids qu'elle doit déjà tirer.