AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Ledraveur


Les déplacements des hiérarques et autres maîtres dans des lieux où ils disposent d'un sangha organisée mais aussi dans le cadre de conférences ou d'enseignements publics, sont des « marqueurs symboliques » du pouvoir, et, en même temps, ils peuvent servir pour séduire de potentiels fidèles et augmenter par-là leur audience et leur influence. Ils sont synonymes d'une mission, caractérisée par la volonté de « propager le dharma » afin de l'apporter au plus grand nombre. Pour L. Obadia, c'est à une action « pastorale » à laquelle se livrent les moines (lamas) tibétains.
Désormais, une concurrence pour le monopole des biens de salut est observable, il faut dire que le nombre de maîtres présents en France ou venant y enseigner s'est décuplé. Les voyages aux quatre coins du monde des maîtres diffèrent nettement des voyages tels qu'ils se pratiquaient au Tibet et plus largement dans toute l'aire d'influence tibétaine. Désormais, les moyens modernes de déplacement leur permettent de visiter les nombreux centres du dharma qu'ils ont créé de par le monde et de rencontrer des sangha internationales. Aujourd'hui, un lama peut se rendre et enseigner sur plusieurs continents différents en quelques semaines. Des tournées mondiales ou européennes sont organisées, comme celle du Karmapa Trinlay Thayé Dorjé en 2004, qui l'a amené dans plus d'une dizaine de pays. Entre le mois de février et le mois d'août 2007, le chef de l'école Drikung-Kagyü, le Gyalwang Drukpa s'est rendu au Népal, en Chine, en Indonésie, en Inde, au Pérou, au Mexique et en Amérique du Nord. Le transport aérien, mais plus encore, les moyens techniques et matériels en général permettent une diffusion et un développement rapides des organisations bouddhistes tibétaines transnationales grâce à la présence du maître. Ces moyens techniques sont des supports précieux. A. Leroi-Gourhan a démontré de manière magistrale comment la technique influence le social, comment le matériel influence la vie des hommes.
Même si le maître n'est pas présent physiquement, il l'est tout de même, grâce à l'internet qui permet aux fidèles de recevoir les instructions et les transmissions à travers un écran*, parfois en direct lorsque leur lama enseigne à des milliers de kilomètres. Le lien entre le maître et la communauté doit être constant pour que celle-ci garde sa cohésion interne. Cela ne nécessite pas forcément la présence physique du maître ; il peut avoir délégué d'autres maîtres comme résidents, certains peuvent y venir enseigner régulièrement ou ponctuellement et d'autres ont pu être formés sur place. Le besoin de la présence physique du maître est variable chez les fidèles. Elle est plus accentuée (de fait) dans les centres où le maître réside.
La ferveur avec laquelle certains maîtres déploient leur activité, tant au niveau mondial qu'au niveau local, renvoie encore une fois aux actions prosélytes qui sont constamment déniées en tant que telles. Les lamas n'auraient donc pas recours au prosélytisme, connoté péjorativement car renvoyant aux missions chrétiennes, mais plutôt aux moyens habiles (upaya), pour le bien de tous les êtres. Les tournées mondiales, souvent décrites par plusieurs bouddhistes comme des « tournées dignes d'une rock-star » mobilisant des foules de dévots, doivent être perçues comme une chance unique de pouvoir rencontrer un maître de sagesse ou encore comme un « événement qui représente une précieuse opportunité de rentrer en contact avec la sagesse du bouddhisme tibétaine ». A plusieurs occasions, lors d'un passage en France d'un hiérarque important ou d'un maître ne foulant pas souvent le sol français, des fidèles me presseront d'aller l'écouter : « Il faut vraiment que tu le vois, tu ne peux pas louper ça » ; « Fais tout pour le rencontrer, c'est une bombe ! », « Si tu arrives à avoir un entretien avec lui, tu verras ce que c'est qu'un bouddha ».
---
*Dans de nombreux cas, on peut accéder à des vidéos en ligne, parfois payantes. Des transmissions de pouvoir ont été réalisées par l'intermédiaire d'internet par Kyabjé Trulshik Rinpoché. On peut parler de « cyber-lama ».
p. 208 et 209
Commenter  J’apprécie          20









{* *}