Quand Internet absorbe un média, il le recrée à son image. (Cédric Biagini)
On pourrait penser qu'enrichir un texte implique d'en améliorer l'écriture, de peaufiner une argumentation, de le rendre plus émouvant, plus profond... Pas du tout. L'enrichissement en question consiste à y ajouter du multimédia (vidéos, sons, photos, etc.) et des liens vers d'autres textes ou contenus. Bref, l'avenir du livre est qu'il n'en soit plus un! (Cédric Biagini)
[...] l'envahissante automobile qui engloutit en moyenne 6000 à 8000 euros de budget de son conducteur chaque année, entre achat, carburants, assurances, réparations, péages, stationnements... Ce qui signifie qu'un Français qui gagne 1712 euros par mois (le salaire médian, selon les statistiques de l'INSEE) consacre plus d'un trimestre de travail à l'alimentation de cet objet dévorant, qui lui permet en retour de rouler jusqu'à son poste. Alors que la publicité fait miroiter à l'acquéreur d'une voiture la possibilité de rouler "toutes griffes dehors", d'aller où il veut et de faire ce qu'il veut, de ne pas respecter les règles mais de les fixer lui-même et d'éprouver le plaisir de conduire, en bref d'être un surhomme au-dessus de la mêlée mécanique, puissant et affranchi, la réalité ressemble davantage à celle d'un endetté engoncé dans les bouchons qui stresse pour trouver une place de stationnement et enrage devant le prix du plein d'essence. L'automobiliste dépendant, emprisonné dans une boîte en tôle qui lui pompe ses ressources, gagne un salaire pour tourner en rond...
A cet égard, l'accélération de la numérisation de l'école et de l'université aura, à moyen terme, des conséquences importantes sur les relations entre le livre et les nouvelles générations. (Cédric Biagini)
[...] Les industries culturelles, pour se développer pleinement, ont pris l'habitude d'intégrer leur critique afin de dénigrer les stades antérieurs de leur développement et valoriser leurs nouveaux produits - par exemple : démonter la télévision comme média passif, vertical, abrutissant... pour mieux promouvoir les technologies numériques, interactives, organisées en réseaux et ludiques.
Le sens de l'existence ne s'achète pas dans un rayon de supermarché.
Épisode après épisode, saison après saison, l'accoutumance est là. Accoutumance à l'«imaginaire stéréotypé produit par le capitalisme industriel», écrivions-nous plus haut : la vie réelle ne fonctionne pas comme le capitalisme industriel le voudrait, donc il la façonne - tel est (entre autres) le rôle de la culture de masse.
Plus besoin de sortir de chez soi et de croiser des gens, plus d'efforts à faire : la série télévisée est l'expérience suprême de cette domestication - elle assigne le téléspectateur chez lui, pour une durée, saison après saison, a priori non définie.
Cerné de toute part, le livre est sommé de rentrer dans l'ordre numérique. Après le cuisant échec du livre électronique lancé en fanfare au début des années 2000, les conditions semblent aujourd'hui réunies pour que start-up, géants de l'électronique et multinationales du Web mettent fin au règne de ce petit "cube de papier". Les laboratoires du futur, plus innovants que jamais, oeuvrent de concert pour faire diaprait cette objet venu d'un autre âge, faisant figure de fossile à l'heure où la culture numérique s'impose partout et qu'une part croissante des activités humaines est transférée aux machines. (Cédric Biagini)
Alors que la fusion entre marché, divertissement, émotion et créativité a opéré, il est plus que jamais nécessaire de développer une pensée critique. Or c'est comme si la puissance de ces mutations avait anesthésié les esprits.