Charles Albert Cingria : Portraits
Olivier BARROT présente l'ouvrage de
Charles Albert CINGRIA "Portraits" paru dans la collection Poche Suisse l'Age d'homme dans lequel il raconte la vie d'hommes célèbres contemporains de son époque.
Il n'y a rien de plus fructueux ni de plus amusant que d'être distrait d'une chose par une autre chose.
Si l'on ne trouve pas surnaturel l'ordinaire, à
quoi bon poursuivre ?
Ceux qui ont la lourde stupide prunelle policière qui vrille, et ceux qui ont l'inactuel absurde ton de commandement, il faut bien vite les pousser et les cantonner et les empoigner et les maintenir - c'est facile si on ne croit plus au prestige-, puis leur broyer systématiquement comme à coups de crosse les doigts de pieds dans leurs bottes ou leurs bottines. Cela fera du fromage sanglant.
Il faut en tout cas habituer le peuple à voir les influences dues au prestiges ravalées à ce qu'elles sont, qui est excrément. Du fait qu'il n'y a point d'idéal, point de découverte, rien de nouveau, d'urgent, à signifier au monde toujours stupidement nationaliste et capitaliste, du fait surtout qu'il n'y a point d'hommes - ceux qui se prétendent tels ne sont que des Césars de Cinéma - nulle obligation n'existe de trembler, ni d'acclamer, ni de se ranger en marche et en bel ordre devant l'excrément qui est cela qu'ils sont et qu'ils resteront dans la mémoire de ces temps de décri de l'esprit humain que résume le faux bond en avant des jeunesses actuelles.
Il faut que le poète - l'individu sans monde - puisse à nouveau respirer divinement. Il faut que l'officialité qui a besoin de de médiocrité et la médiocrité qui a besoin d'officialité soient ravalées, et que, de nouveau, l'on puisse faire quelque pas hors Paris - j'ai le cœur d'appeler Paris terre d'opinion - sans qu'une race d'aquarellistes-espions ou de fliquesses qui prennent des notes aux chiottes dans une conversation libre ne s'attachent à vos syllabes comme des vampires.
Il ne faut plus de ces trous que font dans la conversation certains visages - des bellâtres -, ou un art qui ne s'explique pas.
Bien que, à vrai dire, il y ait des tantes plus jeunes et aussi jolies que leurs nièces, je ne pense pas que Laure ait eu l'idée de s'encombrer de la sienne, ni que les dames en question aient été celles-ci. De grands noms ne signifient rien sur le divan de l'amour. la dernière fille de catin de la plus basse ruelle - disons une rouquine aux cheveux forts et aux pâles yeux comme l'eau où filent les vidures de brochets vers les saules - est quelquefois la plus exquise déesse de la terre et des tapis des ciels où s'ébrouent, chevauchés par archers nus, onagres à selles d'or.
L’homme-humain doit vivre seul et dans le froid : n’avoir qu’un lit-petit et de fer obscurci au vernis triste-une chaise d’à côté, un tout petit pot à eau. Mais déjà ce domicile est attrayant : il doit le fuir. À peine rentré, il peut s’asseoir sur son lit, mai tout de suite repartir. L’univers, de grands mâts, des démolitions à perte de vue, des usines et des villes qui n’existent pas puisqu’on s’en va, tout cela est à lui pour qu’il en fasse quelque chose dans l’œuvre qu’il ne doit jamais oublier de sa récupération.
(extrait de Canal exutoire)
Sur la mousse étaient déposés comme intentionnellement, comme en l'honneur d'un génie, des minerais aux feux splendides. On aurait dit des pendeloques. Il n'y avait dans l'air pas une libellule, pas un moucheron, pas un oiseau. Le petit lac était parfaitement calme. Le soleil allait se coucher et, déjà en juillet, il faisait froid. J'ai appris par la suite que ces pierres ainsi que que cette disposition et cette taille - les unes étaient en forme de coeur, d'autres en forme de trapèze ou de pentagone - n'étaient qu'un accident naturel.
Entre le néant et le surnaturel, ce qu'il y a de stupéfiant est le réel.
" Dites donc.
- Quoi ?
- Etes-vous là ?
- Oui.
- Préférez-vous les chiens ou les chats ?
- Les chats.
- Pourquoi ?
- Parce que le chat a de solides qualités morales, et puis il ronronne.
- Et le chien ?
- Le chien ne ronronne pas.
- Ah ! ... Mais le chien est fidèle.
- C'est très relatif, et puis ce n'est guère une qualité si son maître est le dernier des sacripants de la terre. Pas mal de chiens feraient mieux de mordre leurs maîtres.
p. 54
Ah ! mais nous disions adage. En effet, ce n'est qu'à partir de 1850 que les peuples disaient : Au bon temps que Berthe filait. Ils ont répété cela de bouche en bouche toujours - depuis le très vieux temps. Les Lombards disaient aussi : Al tempo che Berta filava ... Cela évidemment, puisque non seulement les reines, mais toutes les femmes filaient à cette époque. Ce qu'il y a d'étrange, c'est qu'on (les érudits) veuille à toute force que Berthe n'ait pas filé. C'est comme si on nous disait qu'une baleine n'a jamais pris de bain dans sa vie, ou que, du moins, étant donné tel cas, par manque de documents - il faudrait des diplômes - c'est historiquement insoutenable.
pp. 113-114
LE VIN
le vin, c'est comme l'amour, il vaut mieux le boire qu'en faire un trhème d'exaltation continuelle