Les éditions érès lancent "Les lundis d'érès" :
venez retrouver nos auteurs et autrices autour de leur livre en écho avec l'actualité dans ce nouveau rendez vous !
Rencontre autour du livre de Charles Melman et Jean-Pierre Lebrun
LA DYSPHORIE DE GENRE
À quoi se tenir pour ne pas glisser ?
Ce n'est plus l'économiste, ni le stratège, ni le sage, ni le prêtre qui tient la première place, c'est l'homme de communication. Est-ce qu'on n'est pas là en plein dans un système psychotique ? C'est ce qui garantit l'efficace de cette manipulation mentale : le sujet n'a plus de recul possible face au discours qui lui est tenu, il est happé, pris dans les filets, enveloppé.
La nouvelle philosophie morale prône que chaque être humain
doit trouver dans son environnement
de quoi le satisfaire pleinement !
Si ce n’est pas le cas c’est un scandale!
La fonction du père est de priver l'enfant de sa mère, et ainsi de l'introduire aux lois de l'échange ; au lieu de l'objet chéri, il devra composer plus tard avec un semblant. C'est cette opération qui prépare l'enfant à la vie sociale et à l'échange généralisé qui la constitue : qu'il s'agisse d'amour, donc, ou de travail.
Mais le problème du père, aujourd'hui, c'est qu'il n'a plus d'autorité, de fonction de référence. Il est seul et tout l'invite en quelque sorte à renoncer à sa fonction pour simplement participer à la fête.
La figure paternelle est devenue anachronique.
Nous passons d’une culture fondée sur le refoulement des désirs, et donc la névrose, à une autre qui recommande leur libre expression et promeut la perversion. La « santé mentale » relève ainsi aujourd’hui d’une harmonie non plus avec l’Idéal mais avec un objet de satisfaction. La tâche psychique s’en trouve grandement soulagée, et la responsabilité du sujet effacée par une régulation purement organique.
Si la mise en place d’un impossible est le passage obligé, nécessaire, de l’accès au désir sexuel, cette mise en place d’un « qui ne se peut pas » est vécue et du même coup interprétée comme un interdit. Or le père, en fait, n’est pas du tout celui qui interdit le désir, bien au contraire, comme on l’a déjà dit : il est celui qui rend possible l’accès au désir. Il y a donc tout lieu de penser que cette vindicte qui s’est dégagée de fait contre le père, et qu’a entretenue la psychanalyse, à travers les conclusions qu’on tirait d’œuvres comme Moïse et le monothéisme, a surtout permis que se développe une vindicte contre le désir sexuel. C’est là-dessus qu’il y a erreur et malentendu.
Ce que le psychanalyste entend actuellement
dans son cabinet, exprimé par les patients
ne peut que l’amener à vouloir partager ses impressions
avec des observateurs dans tous les domaines du social
Nous avons, grâce à ce régime [le matriarcat], le bonheur de participer à un monde qu’il faut bien dire positif, un monde simple où le mot, le signifiant, renvoie directement à la chose, n’a pas d’autre signifié que la chose elle-même. Et où la fonction de l’antécédent résume ce qu’il en est de la causalité : ce qui est avant est la cause de ce qui vient après. Nous sommes là dans le registre de la métonymie, c’est la contiguïté qui organise l’ensemble de notre monde. L’invocation du père comme métaphore, caractéristique du patriarcat, vient effectivement introduire une rupture dans cette simplicité apparemment heureuse, où tout est « naturel ».
[…] pour les névrosés, tous les objets se détachent sur fond d’absence. Mais les pervers, quant à eux, se trouvent pris dans un mécanisme où ce qui organise la jouissance est la saisie de ce qui normalement échappe. Ils s’engagent de ce fait dans une économie singulière, ils entrent dans une dialectique, très monotone, de présence de l’objet en tant que total – l’objet absolu, l’objet vrai, véritable – et puis de son manque, de son absence. C’est : ou bien la présence totale de l’objet ou bien son absence. Et c’est cette économie de son organisation libidinale qui règle la vie du pervers, quelle que soit sa perversion.
Le signe, on l’a dit, renvoie à la chose, alors que le signifiant renvoie à un autre signifiant. Le mot qui fait signe renvoie directement à ce qui est désigné alors que le mot comme signifiant renvoie sans cesse à un autre mot.
En se déplaçant dans n’importe quelle région, on voit très bien comment les existences ont cherché à s’organiser dans une sorte de clôture confortable, avec la petite maison bien protégée, bien chauffée, à l’abri, à l’écart, avec un rapport à l’autre, je ne dirais pas qui est établi une fois pour toutes, mais où finalement la relation sexuelle devient parfaitement secondaire. En revanche, le désir c’est l’inconfort maximum. S’il n’y a pas d’inconfort, il n’y a pas de désir.