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Critiques de Chester Himes (177)
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La reine des pommes

La Reine Des Pommes, comment vous dire ? Imaginez : c'est un peu comme si vous étiez à bord d'un drôle de corbillard noir lancé à vive allure dans le populeux marché du Harlem des années 1950.



Laissez-moi d'abord vous parler des personnages de ce roman qui sont tellement attachants qu'on a peine à les voir malmenés. Jackson, d'abord, un rondouillard un brin trop crédule, bonne pâte, mais un peu trop maladroit pour se frotter aux caïds de Harlem.



Ensuite, son frère (jumeau dans l'histoire mais tellement différent de caractère qu'il ne peut être que faux jumeau), nommé Goldy, qui passe ses journées déguisé en mère de charité à vendre des billets pour le ciel, indic à ses heures perdues, plutôt malin et déluré.



Il y a aussi Imabelle, beaucoup trop belle et maligne pour être simplement la poule de Jackson. Ajoutez encore deux inspecteurs, aimables comme des fils de fer barbelés, versions noires de l'inspecteur Harry, canardeurs patibulaires et mal embouchés, les inévitables Cercueil et Fossoyeur, personnages récurrents des romans de Chester Himes.



Mais La Reine Des Pommes, c'est aussi un pasteur à mourir de rire, un croque-mort radin, des voyous toujours prêts à trancher des gorges, des maquerelles travesties, bref, les ingrédients essentiels pour un bon petit cocktail explosif.



Chester Himes nous fait vivre le Harlem de cette époque à fond de train dans un style parfois proche du burlesque mais toujours suffisamment fort et juste pour nous faire sentir tant la violence que la misère et la condition noire de ce New-York-là.



Vous ne vous ennuierez pas une seconde, la description très cinématographique et la construction temporelle de la seconde partie peut faire penser et/ou avoir inspiré des films plus récents comme Jackie Brown de Quentin Tarantino.



Bien sûr, il faut un peu aimer ce genre d'intrigues, mais ce n'est pas une littérature spécifiquement dévolue aux inconditionnels du roman noir ou policier (peut-être même que les aficionados du polar trouveront à redire avec tel bouquin plus ceci, tel auteur plus cela, mais il demeure, à mon avis, un bon roman, haletant et très agréable à lire).



Ces considérations étant à prendre dans leur jus puisqu'en matière de pommes, je ne suis peut-être pas la reine mais j'en connais un rayon et que donc, cet avis ne signifie-t-il peut-être pas grand-chose.
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La reine des pommes

J'ai découvert Chester Himes à la faveur de mes veilles sur Babelio, notamment grâce à quelques billets enthousiastes. Si j'ai très vite été tenté, c'est en grande partie en raison de la personnalité de l'auteur, il faut dire que son parcours sort un peu de l'ordinaire...

Né dans une famille d'enseignants, il étudie à l'université de l'Ohio dont il est rapidement exclu pour avoir entraîné d'autres étudiants dans des salles de jeux clandestines, il traîne parmi les arnaqueurs et les maquereaux de Cleveland et fume de l'opium. En 1928 il cambriole la maison d'un riche couple après avoir volé une voiture. Il est pris et condamné à vingt ans de prison. Durant son séjour carcéral, il commence à écrire. Je vous invite à lire sa petite biographie, notons encore qu'il s'installe en France en 1953 où il vivra jusqu'en 1969 avant de partir en Espagne où il décèdera en 1984.

"La Reine des pommes" paraît en 1957 et obtient le grand prix de littérature policière 1958.

Ce qui m'a attiré vers Chester Himes et ce titre, c'est avant tout le contexte de la ville de Harlem, raconté par un auteur afro américain qui a fait de la prison, un gage de crédibilité en somme.

Autant le dire tout de suite, j'ai adoré cette lecture !

j'ai aimé le rythme trépidant, aimé le contexte de Harlem et du Bronx, aimé l'évocation de certaines arnaques comme celle de "l'explosion" ou encore de la "mine d'or", sans oublier soeur Gabrielle dont je ne dévoilerai rien ici afin de garder la surprise pour celles et ceux qui seront tentés de lire ce livre.

Côté scénario, on peut dire sans hésiter que cela tient la route, notre ami Jackson est vraiment la "reine des pommes", difficile d'en dire trop. Je pense que l'essentiel du plaisir de lecture se trouve dans le contexte sociétal de cette ville si particulière où tout le monde ou presque est coupable de quelque chose à différents degrés.

Nous allons côtoyer des individus extrêmement dangereux et l'ensemble se révèle plutôt brutal et délétère, gangsters et policiers n'ayant finalement pas grand chose à s'envier en terme de violence. D'une certaine façon, ce thriller policier et son intrigue pourraient s'appeler, "chroniques ordinaires d'une journée à Harlem", c'est vraiment une lecture agréable et quasi documentaire.

Pour conclure, si j'ai été ravi, j'ai tout de même une certaine réserve à formuler, j'ai éprouvé un sentiment d'anomalie que je pourrais traduire de façon imagée, j'ai eu un peu le sentiment avec cette "pomme" dans ce contexte, d'avoir vu le film "réservoir dog" avec le Pierre Richard de "La chèvre" dans le rôle principal, c'est... perturbant d'une certaine façon.
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La reine des pommes

Mortel ce polar !



Bonjour mesdames et messieurs. Je vous ai fait venir aujourd’hui pour un casting un peu spécial. Nous recherchons des profils résidant à New York et côtoyant de très près la mort sous toutes ses coutures.



Présentez-vous un à un et énumérez vos qualités et défauts :



- Bonjour, je m’appelle Jackson et suis conducteur de corbillard pour les pompes funèbres. Par conséquent, je connais Harlem comme ma poche, de jour comme de nuit… et surtout la nuit. Mon seul défaut est d’être trop gentil, surtout avec ma sublime femme Imabelle, d’où mon surnom de « Reine des pommes ».



- Hello, nous sommes deux flics de New York et nous pensons correspondre complètement aux profils recherchés. On nous surnomme Fossoyeur Jones et Ed Cercueil Johnson. Pas besoin de vous faire un dessin, la mort ça nous connaît !



- Salut, moi c’est Chuck, alias Goldy. Mon frère Jackson a toujours besoin de moi lorsqu’il est dans la panade. J’exerce deux métiers qui devraient vous intéresser drôlement : la quête de jour sous le déguisement de Soeur Gabrielle et indicateur la nuit auprès des flics. Je prêche la bonne parole mais je peux aussi prier pour ceux qui vont mourir à cause de moi.



- Nous, on forme un dangereux trio d’escrocs : Hank, flingueur et faussaire qui peut transformer un billet de 10 en 100 dollars en un clin d’œil, Joedi manieur de couteau impitoyable, et Slim, roi de l’arnaque et des mallettes pleines de pépites d’or. Pour coller à nos profils, nous vous suggérons que Jackson tienne le rôle du parfait pigeon qui nous filerait tout son pognon et sa femme en échange de billets de 100 dollars imaginaires. Qu’en pensez-vous ?



Pas mal effectivement. Vous correspondez tous parfaitement à notre casting mais il me manque une petite touche de morale et d’humour noir. J’ai besoin d’un moment unique qui permettrait d’absoudre les pires horreurs et faire rire comme jamais ! Plutôt à la fin de notre récit, si possible…



- Révérend Gaines. Je suis pasteur et l’homme de la situation. Je connais depuis des lustres Jackson et je suis prêt à confesser tous les péchés de la terre pourvu que j’obtienne le rôle.



Merci à tous, vous êtes conviés pour jouer dans un polar américain, signé Chester Himes. Personnages loufoques et actions à gogo doivent rimer avec argent en toc et mort à plein pot.



Je compte sur vous pour nous faire passer un très bon moment de détente et en même temps de jeter un œil critique sur la communauté noire et la croyance religieuse qui l’accompagne dans les années 50.



Et vous les deux flics, si vous voulez que l’on vous embauche pour plusieurs numéros, il va falloir être caustique et même acide (1) s’il le faut !





(1) Des jets d’acide intempestifs vont avoir des conséquences fâcheuses pour deux de nos personnages.
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L'Aveugle au Pistolet

Qu'on ne s'y trompe pas. Ceci n'est pas un roman policier. Bien sûr il y a des morts, des flics, des innocents, des coupables... mais à vrai dire, cela nous est bien égal.



Non, ce que Chester Himes a écrit en 1969, c'est un roman social, noir dans tous les sens du terme, où il s'interroge, où il NOUS interroge, sur la condition noire des États-Unis de cette époque-là (n'oubliez pas que Martin Luther King, le promoteur de l'action pour le respect des droits civiques, avait été assassiné un an auparavant et dont je vous conseille chaleureusement au passage Minuit, Quelqu'Un Frappe À La Porte), mais, bien au-delà des frontières de Harlem, sur le sort et le brûlot que constitue n'importe quelle minorité non respectée dans un pays, par ailleurs prospère.



Changez juste la couleur et vous aurez une vision et une analyse pénétrante du ressenti des communautés maghrébines en France, turques en Allemagne, etc. Le message de Chester Himes tient sa force dans ce qu'il a d'universel (voir aussi à ce propos les articles sur le hooliganisme dans Sport Et Civilisation de Norbert Elias).



Ce message, cette parabole sur le mal-être des minorités ethniques, est à méditer dans n'importe quel pays où il y a une minorité raciale, sociale, religieuse ou ethnique qui se retrouve ou qui se sent méprisée, qu'on parque, qu'on entasse, qu'on mure, volontairement ou involontairement, dans des ghettos qui sentent trop fort la misère et la discrimination.



C'est donc un regard intègre, sans parti pris, bienveillant mais lucide que nous offre Chester Himes sur les noirs de Harlem, son Harlem qu'il connaît sur le bout des doigts. Il y dépeint des noirs bourrés de défauts mais attachants, il y dépeint une situation sanitaire et sociale invivable, il y dépeint les ferments de la révolte qui, telle une cocotte-minute sans soupape risque d'exploser au visage de tous à chaque instant.



Ses deux héros récurrents, presque des anti-héros, les deux flics noirs surnommés Cercueil & Fossoyeur, aux méthodes rugueuses, qui ne savent pas toujours de quel côté ils doivent se placer dans les conflits entre noirs et blancs, eux qui sont toujours là pour se prendre des coups (voir comment Cercueil s'est fait brûler le visage dans La Reine Des Pommes) et qui commencent à se demander si tout cela en vaut vraiment la chandelle. Pour quel ordre établi bossent-il finalement ?



L'histoire est intriquée comme les rues de Harlem et l'auteur entrelace plusieurs scènes qui concourent toutes à amener la parabole finale de l'aveugle au pistolet.



L'aveugle, c'est bien évidemment le peuple noir de Harlem, et le jour où il se servira de son pistolet, d'une part cela fera mal, mais d'autre part, personne ne sera à l'abri des coups lancés au hasard. Cela ne vous rappelle rien ?... enfin, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire celui d'une pas tout à fait aveugle sans pistolet, autant dire pas grand-chose.
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Qu'on lui jette la première pierre

James Monroe, 19 ans, entre au pénitencier pour y purger une peine de 20 ans de prison. Il y rencontrera le meilleur, l'amitié, une forme de respect humain, etc., et le pire, la violence physique, la violence sexuelle, le mépris de l'institution pour les prisonniers, la mort de camarades dans un incendie volontaire...

Mais le plus difficile reste l'ennui, que l'on cherche à tromper par les relations avec les autres ou via des activités plus ou moins encouragées ou tolérées, comme le travail, le sport et les jeux d'argent.



Dans ce qui est son premier roman, Chester Himes s'incarne dans un jeune blanc de son âge pour revenir sur son expérience de la prison.

Qu'on lui jette la première pierre est donc un roman autobiographique, dont la forme permet à l'auteur de dénoncer, simplement en les décrivant, les violences faites aux prisonniers dans les USA des années 30 et 40. Ce n'est sans doute pas un hasard si Chester Himes s'est campé en jeune taulard blanc : cela lui permet d'éviter le piège du jeune black qu'on soupçonne toujours d'en faire ou d'en dire un peu trop.

C'est aussi un roman sur les rencontres humaines, celles qu'on aurait préféré éviter, celles qu'on a pu développer et celles qu'on regrette de ne pas avoir su approfondir. Rencontres qui vont au-delà du cercle des prisonniers et qui montrent qu'il peut parfois y avoir de la bienveillance entre gardiens et détenus. Si l'auteur a sans doute pu inventer certaines des péripéties touchant les protagonistes, il est probable qu'au plan relationnel le roman soit au plus proche de la réalité, de son vécu et de son ressenti.



Un très beau roman autobiographique, très fort, que j'avais lu il y a environ 40 ans (mon édition date de 1978 !) et que j'ai relu avec beaucoup d'intérêt et de plaisir.
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S'il braille, lâche-le--

Il est pas jouasse, le Bob.

Le problème c'est qu'il se lève pas content, va au taf pas content et semble avoir adopté cette humeur comme composante unique et durable de tout son être.



Faut dire qu'être noir en Amérique, en 1943, (même si la date importe peu au regard de certains esprits, voir dirigeants chagrins essaimant encore et toujours cette petite planète) n'est pas franchement gage de plénitude absolue.



Alors oui, Bob a un travail.

Alors oui, Bob semble être à la colle avec une régulière même si le doute reste permis.

Alors oui, de par son boulot, Bob est un heureux sursitaire en ces temps guerriers.

Seulement voilà, tout ces petits bonheurs du quotidien ne suffisent pas à lui voiler la face : il est un moins que rien pour les blancs, tout au plus un fantasme finalement repoussant pour les blanches et ça, ça commence sérieusement à entamer son quota de patience à la jauge frôlant dangereusement la panne sèche. Il s'fait d'la bile, Bob, un truc vraiment pas fait pour réaligner tous ses chakras.



Photographie d'une époque pas si lointaine et toujours lamentablement d'actualité, ce Chester Himes détonne de par son phrasé argotique et la justesse de ton usité pour souligner les affres sans fond d'un être miné au dernier stade, rongé jusqu'à l'os par une rancoeur tenace et inaltérable.



Difficile, pour ce sanguin, de courber l'échine journalièrement.

Compliqué d'encaisser la servilité de ses proches.

Inimaginable de se laisser salir, insulter, avilir sans piper mot.

Bob est une cocotte minute qui n'attend qu'une seule chose, l'ultime persiflage pour laisser exploser toute sa rage.



S'il braille, chantez-lui une berceuse, on sait jamais, sur un malentendu...
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Un joli coup de lune

D'habitude, Chester Himes c'est chez Gallimard.

D'habitude, Chester Himes c'est aux États-Unis.

Quelle ne fut pas ma surprise (comme quoi, et c'est heureux, on ne connaît pas tout) de découvrir ce Himes de chez Points, avec point de personnages noirs... Et point et pas aux States.

Cela ne gâte rien, en dépaysant le lecteur routinier de l'oeuvre de Himes, lui offrant une histoire très noire de blancs américains;..complètement noirs!

Joe, au sortir d'une méga-cuite au Gin, va tenter de recoller les morceaux de sa mémoire mise à mal.

Entre vomissures et crâne au marteau-piqueur, le lecteur partage le triste dégrisement de Joe peuplé d'images glauques et de flashs sordides.

Il y a comme un parfum de consul "completamente boracho", dans l'épilogue de ce Joli coup de Lune... Un zeste d' Irish, aussi.

... Et, comme l'actualité rejoint la fiction, les Baléares viennent de prendre des mesures restrictives contre le tourisme alcoolique!

Alors, Un joli coup de lune...et un Himes insolite.
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S'il braille, lâche-le--

1943, Californie. Deux ans après Pearl Harbor, les Etats-Unis sont pleinement engagés dans la seconde Guerre-Mondiale. C’est pourtant le cadet des soucis de Bob. Lui il a sa propre guerre à mener. Son problème à Bob c’est qu’il est noir. Traduisez toujours sur le qui-vive, ravalant sa fierté à longueur de journée et constamment soumis à la soi-disante supériorité des blancs. L’esclavage a été aboli, oui, la connerie, non. La ségrégation bat son plein et les affronts des petits blancs prétentieux sont le quotidien quand on est noir.

A bien y réfléchir, le problème de Bob ce ne serait pas plutôt les blancs ?



Le tour de force de ce livre c’est l’immersion. Chester HIMES ne vous raconte pas l’histoire de Bob il fait de vous un homme noir aux Etats-Unis dans les années 40. Le lecteur est malmené, bousculé, persécuté, dans sa vie, dans ses rêves. Partout, tout le temps. L’ambiance est anxiogène, inconfortable. La peur, le stress omniprésents. Quand on est noir c’est 24h/24 et les persécutions aussi. Pas de répit, pas d’issue de secours.

N’espérez pas vivre, au mieux vous pourrez survivre. Comment ? En vous aplatissant jusqu’à ne plus pouvoir vous regarder dans une glace sans que la honte ne vous étreigne. Ne comptez pas être accepté, au mieux vous serez toléré tant que vous saurez rester à votre place. Bob sait que les blancs gagnent toujours alors il a essayé de rentrer dans le moule. Mais on ne va pas contre sa nature et celle de Bob c’est d’être un homme à part entière quoi qu’il en coûte.



Ce livre est un cri d’indignation, de rage et de fierté. Il n’est pas question de combat idéologique, de théorie, ou de réflexion sur le manque de fondement de tout ceci. Rien n’est intellectualisé, l’injustice on la ressent dans les tripes, dans les mâchoires contractées, dans les poings serrés, dans la gorge nouée et dans l’envie de hurler qui fait battre les tempes.

Quand les choses en arrivent à ce degré d’absurdité, de cruauté et de non-sens il n’est même pas besoin d’en appeler à la raison et aux arguments. L’évidence créée le malaise jusque dans nos veines. Essayez et vous verrez.



PS : si vous voulez profitez pleinement de votre lecture zappez la quatrième de couverture beaucoup trop loquace…

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Un joli coup de lune

Un Chester Himes déconcertant, dont l'action ne se déroule pas aux Etats-Unis mais en Espagne, et dont le héros (comme les autres personnages), est blanc. Joseph Britton, alias Joe, est un étudiant américain de 32 ans qui parcourt l'Europe. Arrivé via Paris, dans les îles Baléares alors que le pays est encore une dictature, il passe ses journées à boire en compagnie d'autres citoyens américains, sa maîtresse Pam Grabs, Roger Shannon, et Douglas Mueller. Un matin, après une cuite d'anthologie, il est réveillé par un dénommé Sabater, des services secrets, qui lui réclame de l'argent pour sa protection et lui apprend que des choses graves se sont déroulées la nuit dernière. Sa maîtresse aurait disparu, et des Américains seraient morts.

Un joli coup de lune est le récit de la cavale de Joe qui tente de sortir de l'amnésie alcoolique dans laquelle il est plongé pour reconstituer le fil des évènements passés et prouver son innocence. Craignant pour sa vie, Joe n'a aucune confiance en la justice locale: « Il se souvenait de ce qu'on lui avait dit sur la façon dont les Espagnols traitaient les étrangers: ils les enfermaient dans des geôles introuvables, affirmaient ne rien savoir de leur existence, refusant de dire qu'ils les détenaient, et cela pouvait durer des jours, des semaines, des mois… » De plus, le consulat le plus proche est à Barcelone et il est coincé dans une île dont les pêcheurs vont sûrement l'assassiner pour une poignée de pesetas.

Un joli coup de lune est un polar au final grand-guignolesque qui m'a semblé bien inférieur aux autres romans de Chester Himes. L'auteur ne nous épargne aucun cliché. Les Américains, comme d'habitude, courent un grand danger quand ils s'éloignent de la civilisation: la Méditerranée est un coin hostile et sauvage! Dans ce polar, les Espagnols sont tous intéressés par les devises des touristes, les bonnes ne foutent rien, les bohémiennes racolent les étrangers, l'eau n'est pas potable et vous rend malade. Quant aux lits, ils grouillent de vermine. Bref, heureusement que le roman ne fait que 120 pages.
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La reine des pommes

A Harlem, le roi des naïfs, la reine des pommes, c'est Jackson. Imabelle, sa petite amie, n'en veut qu'à son argent. Pour arriver à ses fins, elle s'acoquine avec trois malfrats, rois de l'arnaque, violents mais maladroits. Jackson n'a d'autres recours que Dieu, qui ne lui est pas d'un grand service, et son frère Goldy, petit escroc et bonne soeur à la ville, qui, flairant le bon coup, tente lui aussi à le posséder. Comble de malchance, Jackson tombe sur les deux flics les plus impitoyables de Harlem, Ed Cercueil et Fossoyeur Jones. Mais Il a la foie Jackson, en Dieu et en Imabelle, et il est prêt à aller jusqu'au bout pour sortir, croit-il, sa belle du pétrin...



La reine des pommes est le premier roman policier de Chester Himes, un roman écrit en anglais, mais initialement publié en Français (l'auteur vivait à Paris et c'est Marcel Duhamel qui l'a convaincu de se lancer dans le polar). Il inaugure la série Ed Cercueil et Fossoyeur Jones.



J'ai lu, et aimé, ce roman il y a plus de 30 ans (mon exemplaire a été imprimé en 1984 !), et je viens de le relire avec un très vif plaisir.



Le texte est porté par une écriture extrêmement imagé, avec beaucoup d'humour, un humour souvent grinçant ; une écriture truculente, que Pagnol a certainement appréciée s'il a lu C. Himes.



L'intrigue, noire et violente, totalement délirante, n'est qu'un prétexte pour :

- analyser une psychologie simplifiée des personnages, autour de deux grands traits de caractères : crédulité/roublardise et bonté/violence, le versant noir l'emportant le plus souvent...

- dénoncer le sort réservé aux noirs par les blancs, dans les années 50, sans quasiment jamais en parler ; un tour de force ! Harlem, un monde noir, est ghettoïsé, on le devine, par les blancs, mais ceux-ci sont quasiment absents du roman, à l'exception de quelques policiers figurants et, personnages plus marquants, du très intéressé entrepreneur de pompes funèbres et du district attorney qui synthétise l'affaire dans les dernières pages.

- dénoncer l'attitude des noirs qui répondent aux violences subies des blancs, par la violence entre eux, reproduisant, à l'encontre des plus faibles d'entre eux, le comportement de "l'oppresseur" blanc.

Certains disent que ce roman est daté, et il faut bien reconnaître que le Harlem du début du 21ème siècle n'as plus grand chose à voir avec le Harlem de Chester Himes. Mais peut-être n'a t'on fait que déplacer le problème un peu plus au nord, vers le Bronx ?



Je trouve pour ma part le sujet encore très d'actualité : combien de Jackson se sont faits plumer dans les magouilles financières de cabinets tels que Mossack-Fonseca (voir le film The Laundromat : L'Affaire des Panama Papers, de Steven Soderbergh, sur Netflix) ? Sans parler des islamistes, dont l'argent ne vient ni ciel ni de la sueur du travail, qui croient reproduire les violences subies lors de la colonisation, et qui ont tué plus de musulmans que de chrétiens...



Une satire truculente de l'Amérique des années 50 qui pourrait être transposée sur des sujets au coeur de l'actualité.


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S'il braille, lâche-le--

Les États-Unis, début des années 40 : la ségrégation, le racisme, la guerre, l'antisémitisme, la violence, l'injustice, tout y est. Tout pour préparer un bon cocktail bien explosif et c'est réussi.



C'est une histoire presque banale, celle d'un Noir, Robert Jones, chef d'équipe dans un chantier naval, qui vit dans un monde de Blancs, fait pour les Blancs, pensé pour les Blancs.

Le malaise de Bob, palpable à chaque page du roman, paraît au début presque démesuré. À l'instar de sa petite amie Alice, métisse à la peau très claire, on se dit qu'il devrait composer, faire avec, réussir à faire son chemin malgré tout ça, malgré les embûches semées volontairement ou pas un peu partout sur son chemin par tous les Blancs bien pensants et sûrs de leur bon droit. Et pourtant, comme on le comprend Bob, c'est incroyablement difficile ce qu'on lui demande, inhumain même. Pourquoi devrait-il composer après tout ? Pourquoi devrait-il se soumettre aux Blancs pour avoir le droit de vivre sa vie ? Pourquoi accepter de ne pas dîner dans un restaurant réservé aux Blancs ? Pourquoi accepter de ne pas pouvoir donner d'ordres à un subalterne blanc ? Pourquoi accepter d'être sans cesse rabroué, repoussé, évincé, surveillé, de devoir faire ses preuves, de montrer qu'on peut exister sans déranger, dans le respect des règles des Blancs et sans pouvoir attendre la moindre égalité de traitement ?



Alors quel choix Bob va-t-il faire ? Va-t-il ruer dans les brancards, tenter de renverser l'ordre établi, se rebeller ou va-t-il choisir d'écouter sa raisonnable et raisonnée petite amie pour rentrer dans le rang ? À vous de le découvrir mais avec Chester Himes on n'est pas dans un roman d'Enid Blyton, essayez seulement d'échapper cinq minutes à la réalité et vous verrez à quelle vitesse elle vous rattrape.

Un roman poignant à lire de toute urgence si ce n'est déjà fait ;-)



N.B. : Carton Rouge pour l'édition Folio que je détiens qui dévoile l'intégralité de l'histoire sur la quatrième de couverture.
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La fin d'un primitif

Années 50, New York lors d'un chaud, alcoolisé et long week-end. Une femme blanche qui, parce qu'on ne la respecte pas, ne se respecte plus. Un homme noir, écrivain qui peine à faire publier son troisième roman et dont les deux premiers ne lui ont pas ouvert la reconnaissance attendue de la profession.

Voilà en gros (très très gros) pour la règle des trois unités. Parce que si ce n'est pas à proprement parler une pièce de théâtre qu'a écrit Chester Himes avec La Fin d'un primitif, ça y ressemble tout de même furieusement.



Pour ce livre et comme à son habitude, il s'attache à nous dépeindre la misérable existence de ceux qui, dans une société dogmatique et formatée, ont beau y aller à coups de bélier, jamais ils n'y seront invités, acceptés ni même tolérés et Himes choisit pour nous démontrer cette règle immuable deux protagonistes qu'au départ tout semble séparer : un africain-américain qui subit la ségrégation de plein fouet (quelques petites scènes bien senties viennent illustrer le propos) et une femme caucasienne, presque la quarantaine, quasi alcoolique, pas mariée et qui (non mais on croit rêver) couche avec des Noirs ! Le combo gagnant pour la mettre elle aussi et sans égard à sa couleur de peau au ban d'une collectivité qui préfèrerait avaler un bol de glaires tièdes tous les matins plutôt que d'accepter une telle déviante dans ses rangs.

Une fois ces deux laissés pour compte présentés, il ne restait plus pour Chester Himes que de les faire se rapprocher, le temps d'un week-end crucial dans la vie de ces deux parias.



Authentique ouvrage tragi-comique dont, quand il ne nous narre pas les délirantes histoires de Cercueil et Fossoyeur, Chester Himes s'est fait une spécialité, à l'instar de La Troisième Génération, La Croisade de Lee Gordon et autre S'il braille, lâche-le... La Fin d'un Primitif est une admirable peinture sociologique et historique exécutée par ce génial écrivain dont la plume trempée dans l'encre Noire et corrosive n'en finit plus de me le faire admirer.



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Noir sur noir

Un recueil de nouvelles écrites au début de sa carrière (sauf la dernière qui date de 1969) par le roi du roman noir noir. Parce que ses polars se déroulent dans des milieux principalement noirs et que ses deux policiers fétiches sont également noirs.



Mais il n'est pas question de ce tandem dans ces nouvelles. Uniquement de vies broyées par la misère, le racisme, la bêtise, l'alcool, les humiliations, la violence, ou un savant mélange de ces ingrédients.



Chaque nouvelle est un brûlot, je me demande dans quoi elles ont bien pu paraitre à l'origine, si elles sont parues.



Reste que l'accumulation finit par être un peu indigeste, et qu'elle est réservée aux habitués de l'écrivain. Si ce n'est pas votre cas, commencez par vous frotter à La reine des pommes, histoire de voir si vous appréciez (et supportez, aussi).
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Mamie Mason

Mamie Mason rêvait d'être la grande dame de Harlem, celle qui recevait dans son salon, faisait et défaisait les couples, organisait les plus grandes réceptions. Elle voulait être chic et élancée, porter des robes-fourreaux taille 40, et devait pour cela faire attention à son régime et se faire violence ; mais il lui arrivait de craquer. Elle se faisait de nombreux ami(e)s, et parfois quelques amants, mais aussi beaucoup d'ennemi(e)s. Enfin, elle nourrissait l'ambition de faire la une des journaux...



Contrairement à ce que pourrait laissait penser la collection dans laquelle il est publié, ce roman n'est pas un roman-policier, pas même un roman noir. L'auteur se livre ici plutôt à une étude de mœurs, ou plus exactement réalise une caricature d'étude de mœurs de personnages caricaturaux ! Et il le fait avec la verve qui est la sienne dans les polars de la série Cercueil et Fossoyeur.

On découvre donc Mamie Mason, son petit monde d'amis noirs ou blancs, ses rêves de grandeur et ses intrigues. Les personnages festoient et boivent, beaucoup, font l'amour et trompent leurs conjoints, souvent, se déchirent et se réconcilient, parfois.

Écrivain noir du milieu du 20ème siècle, on comprend que Chester Himes ait eu du mal à s'imposer dans une Amérique blanche, et soit artistiquement contraint à l'exil. Quand on lit Mamie Mason, plus que tous ses autres romans, on comprend pourquoi il ne fit pas l'unanimité, et ait eu du mal à s'imposer, dans la communauté noire. Il n'est pas tendre avec elle !

Mais c'est écrit avec tellement d'allégresse et de truculence qu'on ne peut que tout pardonner à l'auteur, et prendre un énorme plaisir à le lire !
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La reine des pommes

Le mois de juin... Sa canicule... Et les Folio Policier à prix réduits! L'occasion pour ma pomme d'en découvrir la Reine, et la prose de Chester Himes en même temps.



Jackson, petit Noir rondouillard de Harlem, travaille comme employé aux Pompes Funèbres Clay, est raide dingue de sa voluptueuse poupée à la peau de miel, Imabelle. Voilà, c'est lui La reine des pommes. Ou le roi des c...ornichons, si l'on préfère.



Vrai poussin qui sort de l'oeuf, il se fait gentiment escroquer avec un coup dérisoire où sa belle est mêlée. Mais macache pour lui ouvrir les yeux. le jour de la distribution de jugeote, il était pas là, le brave Jackson. Alors avec sa veine, le voilà à appeler à l'aide son frère jumeau, Soeur Gabrielle, pour l'aider à retrouver Imabelle qui, il le jure, a été enlevée par ces sales types.

Vrai naïf, fausse nonne, vraie garce, faux flic, taudis sordides et tord-boyaux frelatés, ça grouille sec dans cette partie de Harlem.



Comme le sous-titre précise "Une enquête d'Ed Cercueil et Fossoyeur Jones", cest vrai que dans tout ce mic-mac, il y a aussi ces deux flics noirs à la terrible réputation et aux méthodes aussi expéditives que leur discussion. Chester Himes s'appesantit pas trop sur leur enquête mais quand il les place dans un chapitre, ça fait du bruit. Et du vilain.



Entre polar grinçant et humour noir, situations abracadabrantesques et descriptions sur le vif du quartier, La reine des pommes occasionne un moment de lecture plutôt déjantée. Environ 300 pages, pas le temps de s'ennuyer vu le tempo. Si Chester Himes cite des blues, côté rythme, on serait plutôt sur du metal hardcore. Comme premiers pas dans l'univers littéraire de l'auteur, ça décoiffe!
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La reine des pommes

Se plonger dans La reine des pommes de Chester Himes -traduit par Minnie Danzas-, c’est un peu comme monter dans un manège de foire qui t’embarque d’un coup à cent à l’heure pour ne te laisser souffler qu’à la fin.



Quel couillon que ce Jackson, jeune employé de pompes funèbres aveuglé d’amour pour Imabelle, sa régulière pas si réglo ! Un cave idéal pour Hank, Slim et Jodi, arnaqueurs de première spécialisés dans la transformation des billets de dix en billets de cent, mais aussi dans l’arnaque à la mine d’or tellement énorme qu’elle fonctionne toujours.



Tombé dans leurs filets, Jackson va s’y empêtrer et aggraver son cas, aidé par son frère travesti Goldy, alias Sœur Gabrielle. Et avec deux flics mi-véreux, mi-violents comme Ed Cercueil et Fossoyeur Jones à leurs trousses, c’est à coups de colts et de surins que les choses se normaliseront.



Si le rythme et le langage fleuri de Himes -qui n’est pas sans rappeler celui de Charles Williams et de son Diamond Bikini- constituent les deux points forts de ce livre, l’intrigue pourra sans doute sembler désuète à certains. Dont moi…



Mais peu importe car le personnage principal de ce roman est avant tout le Harlem des années 50 et cette plongée dans ce territoire où avenues et ruelles glauques se mélangent, masquant derrières leurs façades sombres tripots, bordels et autres bars louches, vaut à elle seule le détour. Faites-y donc un tour et peaufinez vos classiques…
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La reine des pommes

Alors si je vous fais Pov'pom pov'pom, pov'pom pov'pom, vous me dites, là, tout de suite sans réfléchir mais un peu quand même...

Bétovaine ? Vois pas trop le rapport avec un gros St Bernard mais pourquoi pas...A un Chester Himes près, vous repartiez avec la super cagnotte ! Ballot...



Et voilà, une fois de plus, Jackson vient de se faire enfler. Avec le coup de la levure en plus. Vous savez, celui qui consiste à transformer vos biffetons de 10 en 100 comme par magie. Faut dire que le gars Jackson, c'est pas vraiment une lumière. Il serait plutôt branché sur alternatif dans ses bons jours. Le problème, c'est qu'il avait misé tout son pactole dans l'affaire et qu'il vient de doubler la mise en perdant sa petite fleur jaune, Imabelle, enlevée par ces enfumeurs à la petite semaine. Dans son malheur, il sait qu'il peut compter sur son jumeau maléfique, Goldy, qui rançonne le passant qui passe, déguisé en énorme bonne sœur, à ses heures perdues .

Fossoyeur et Ed Cercueil, drôles de blazes hein. Allez surtout pas vous aviser de leur manquer de respect car ces deux flics de Harlem auront tôt fait de vous expédier ad patres sans préavis. Première courte apparition de ce duo de pitbulls dont on pressent déjà l'énorme potentiel.



La Reine des pommes paraît en 1958 et obtient direct le Grand prix de littérature policière. Et vous pouvez y aller les yeux fermés, c'est vraiment très bon !

J'aimerai remercier tout particulièrement la prison que l'auteur connut très jeune et qui lui permit ainsi de découvrir la littérature tout en lui donnant le goût de l'écriture. Son terreau, le noir américain qu'il adore railler en mélangeant les genres. Tantôt cynique, tantôt désabusé, Himes use d'un style argotique qui vous hypnotise du premier au dernier chapitre. Des personnages truculents empêtrés dans des situations cocasses, le scénario est béton si ce n'est qu'à l'instar d'un m'sieur Cadbury, on adorerait qu'il soit un tout p'tit peu plus long !
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Retour en Afrique

Il vous est déjà arrivé de choisir un bouquin à la seule découverte des sobriquets de ses héros en 4e de couv' ? Moi , oui , à l'instant , là , tout de suite , présentement . Ed Cercueil et Fossoyeur Jones , voilà , il n'en fallait pas plus pour tenter l'expérience déjantée Chester Himes ( 1909 – 1984 ) : Retour en Afrique .



Barré , ce garçon l'était . D'une trame ultra classique de recette dérobée au nez et à la barbe des nombreuses familles qui avaient pourtant payé rubis sur l'ongle leur retour sur la terre de leurs ancêtres , Himes , plutôt que de privilégier une enquête au cordeau , mise tout sur une galerie de portraits au vitriol . Noir , impair et manque , faites vos jeux...

J'ai adoré me balader à la rencontre de tous ces protagonistes hors norme . Deux inspecteurs limite siamois qui privilégient le résultat à une méthode souvent musclée n'hésitant pas à faire fi des lois qu'ils sont censés incarner . A Harlem , les flingues parlent beaucoup plus que les hommes .

J'ai parfois eu du mal à rentrer dans une narration argotique bien trop présente . Problème de traduction ? Possible .

S'il dénonce avec férocité le racisme rencontré par sa communauté , il ne se prive jamais d'en épingler ses nombreux travers . Ici , tout particulièrement , une foi sans limite en un Dieu rédempteur . Plus prèèèèès de toiiii mon Dieeeu...Certains vont être exaucer au-delà de leurs plus folles espérances en un temps record .

S'il était un film , Pulp Fiction sans hésiter . Des truands de carnaval coursés par des flics ripoux aux méthodes limites , un bouquin atypique dans le ton qui , encore une fois , y aurait peut-être gagné en simplicité .

Une belle découverte , néanmoins , qui donne vraiment envie de creuser un peu plus un auteur visiblement inclassable .



Retour en Afrique : c'est coton...

http://www.youtube.com/watch?v=HTJUP1gKeKI
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Couché dans le pain

Chester Himes est souvent jubilatoire et lorsqu'il délivre une galette légèrement en deçà de ce à quoi il nous a précédemment habitué, pas de quoi fouetter le boulanger, sa verve et sa truculence se chargent de faire passer la fève sans avoir l'air d'y toucher.



Couché Dans Le Pain, troisième du nom dans la série Ed Cercueil et Fossoyeur Jones, se lit bien et ce malgré une pâte qui aura éprouvé quelques difficultés à lever. Et pourtant, c'était pas faute d'enflu...de levure...



Point de départ, le révérend Short, présent à une veillée funèbre parmi une foultitude de personnages qu'il aura été difficile à fixer d'emblée, à trop avoir biberonné, se trouva fort dépourvu lorsque de la fenêtre il chut. Mais avoir des potes comme Jésus présente certains avantages, notamment celui d'en sortir indemne en atterrissant comme une fleur dans une corbeille à pains. Remonté comme un coucou courroucé, li père Bol – bon Enrico, tu vires maintenant – réintègre la petite fête, accuse Chink d'un doigt vengeur de l'avoir poussé du deuxième étage puis suscite l'interrogation quant à son prétendu sauvetage céleste. Deuxième miracle offert pour le prix d'un aux mécréants voulant vérifier ses dires, la présence d'un second cadavre au même endroit et qui devait être, lui, beaucoup moins à la colle avec Dieu le père. Poignardé puis couché dans le pain, roulé dans la farine sur toute la ligne...



Un premier tiers poussif, un final alambiqué, cet épisode ne sera pas le meilleur de la série.

Il y a la famille en or puis il y a cette tribu dont le passe-temps principal consiste à se pigeonner.

Mari, femme, amant, ex, tout ce petit monde gravite et se déchire autour d'un même mystère : qui a bien pu poinçonner Val en plein cœur et pourquoi nom d'une pipe en bois?

Une fois familiarisé avec tous ces personnages vaudevillesques, c'est avec un plaisir certain que l'on retrouve nos deux inspecteurs les plus limites de Harlem dans ce parfait jeu de dupes qu'ils maîtriseront rarement, une fois n'est pas coutume.

Himes, on ne le dira jamais assez, c'est une écriture hors norme.

Gouailleur patenté, son écriture oscillant régulièrement entre humour et désespoir possède le don plutôt rare de faire passer les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages...

Pas vraiment du niveau de La Reine Des Pommes, Couché Dans Le Pain, malgré quelques grumeaux, s'avère finalement tout à fait digeste...
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S'il braille, lâche-le--

Robert Jones est jeune, il a un bon boulot, une petite amie dont il est fou et s'est enfin payé la voiture de ses rêves, bref tout irait pour le mieux si Robert Jones n'avait pas un gros problème. Un seul mais malheureusement, par l'entremise de celui-ci, c'est tous les problèmes du monde qui pèsent lourdement sur ses épaules. Son souci a Bob c'est qu'il est noir. Noir dans une Amérique où la ségrégation ne constituait pas un un problème moral et encore moins un délit, au contraire, aux yeux d'une majorité de blancs.

Malgré cela, Bob Jones peut être heureux d'une chose : il vit en Californie et pas sous la ligne Mason-Dixon mais ça, même s'il en a conscience, ça ne change pas grand chose pour lui, toutes ses rencontres avec les blancs se finissent immanquablement par un sentiment de haine exacerbée et des envies de meurtres qu'il n'est jamais loin de réaliser. Ça l'obsède d'ailleurs tellement que toute sa vie finit par ne plus tourner qu'autour de ça, être un homme noir qui veut garder sa dignité face à des blancs qui ne pensent qu'à l'asservir.

Arrive un moment où on pense fatalement que s'il a raison sur le fond, la paranoïa dont il semble faire preuve à chaque instant aggrave son sentiment d'être traqué, méjugé, rejeté et humilié. Mais la perte de son boulot, les passages à tabac et les "notre seule table libre est malheureusement celle située au fond de la salle entre la cuisine et les WC, voilà, fallait pas faire la réservation par téléphone, si on avait su tout de suite que vous étiez noir, on vous aurait refoulé direct" des restaurants un poil chics dans lesquels il tente d'impressionner celle dont il aimerait faire sa femme nous montre que finalement, tout grande gueule et plein de morgue qu'il est, Bob Jones n'est pas loin du compte quand il nous assure que l'Amérique entière le déteste pour une bête histoire de pigmentation cutanée. Dommage qu'en sachant cela, il n'ait pas su en tirer la leçon et ainsi éviter de se frotter à une blanche aguicheuse qui n'aura aucun mal à faire de sa vie un enfer, pire encore que ce qu'il croyait déjà vivre au quotidien.



Chester Himes qui rejetait l'étiquette d'écrivain noir nous livre pourtant avec S'il braille, lâche-le..., un récit pile dans la grande lignée des prestigieux "écrivains noirs" : Toni Cade Bambara, Iceberg Slim, Ralph Ellison, Richard Wright et autres magnifiques Gil Scott-Heron, et, derrière son personnage de sympathique effronté, c'est tout le racisme des années 40-50 qu'il dépeint (cette précision chronologique uniquement parce que Chester Himes publie ce livre en 1945, mais il aurait pu l'écrire aujourd'hui qu'il n'aurait sûrement pas eu grand chose à retoucher) avec une certaine virtuosité et beaucoup de désespoir, ne se targuant pas de trouver, ni même de proposer une solution à cette haïssable situation à laquelle il semble n'y voir qu'une impasse, il conclut au contraire sur une note encore un peu plus décourageante un livre déjà bien sombre mais si cruellement réel.

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