Christoffer Carlsson, criminologiste et auteur suédois de romans policiers nous présente son prochain roman à paraître aux Editions Ombres noires,
le syndrome du pire.
Élu meilleur roman policier en Suède en 2013 et finaliste du prestigieux Glass Key Award 2014, c'est un véritable chef d'oeuvre qui s'apprête à envahir les tables de librairie!
Je suis dehors, sous un ciel nuageux, et je prends plusieurs inspirations profondes. Ma tête tourne et j'ai la nausée. J'ai du mal à respirer. Il y a tellement longtemps que je n'ai pas pensé à elle. Elle m'a parfois rendu visite, tel un fantôme. Certaines nuits.
L'artiste tatoueur est l'équivalent du coiffeur du quartier de monsieur Tout-le-monde: sa profession l'amène à en savoir beaucoup sur les habitudes de ses clients.
Je ne suis pas très observateur, mais il est rare que des hommes fréquentent le centre d'hébergement. Ils ont d'autres endroits où aller. Les femmes, en revanche, n'ont pas beaucoup de choix en matière d'hébergement, puisque la plupart des centres refoulent les toxicomanes et les prostituées. Les femmes ont généralement le droit d'être l'une ou l'autre, mais pas les deux. Le problème, c'est que la plupart des femmes sont les deux. Chapmansgarden fait exception, ce qui signifie que beaucoup de femmes s'y réfugient. Il n'y a qu'une seule règle pour être autorisé à y entrer : ne pas porter d'arme. C'est une attitude généreuse.
Justine se penche et je sens son souffle dans mon oreille :
- Cette maison fait à la fois ressortir le meilleur et le pire de chacun.
Puis je suis presque certain de sentir sa langue effleurer le lobe de mon oreille.
Cela me fait un drôle d'effet d'être ici. Son odeur y flotte encore, comme si elle venait de quitter la pièce pour un instant et allait y revenir d'une seconde à l'autre. Une main invisible me comprime le coeur.
Le problème quand on essaie d'être invisible, c'est que l'effort que cela requiert est si manifeste qu'il devient criant.
Les meilleurs jours sont ceux qu’on passe avec les personnes auxquelles on tient le plus. Tous les autres jours, on ne fait qu’attendre, en quelque sorte.
Le monde des adultes est tellement superficiel.
Le but de la vie est d’avoir des buts.
L’objectif est d’avoir un objectif.
Le monde est complètement transformé. Les sentiers et les routes qu'il a arpentés et où il a joué enfant n'existent plus. Il est perdu, mais continue à avancer en titubant. Aveugle, voilà ce qu'il a l'impression d'être. Il commence à avoir froid et ses sens sont émoussés. Il se sent fatigué et faible. Tout lui fait mal. Les racines d'arbres de la taille de maisons se dressent et dégagent une odeur désagréable.
La forêt s'entortille autour d'Isak, à moins que ce ne soit lui qui ait le vertige. Des branches acérées le fouettent et, sans s'en rendre compte, il pose le pied dans une énorme gueule qui s'est ouverte dans le sol.
Bizarre, se dit Isak.
Puis il tombe.
Les gens ne changent pas, monsieur l'agent. Ils s'adaptent. (page 287 - Ombres noires)