"Sur le lac"
Quand la lune resplendira
Nous sortirons pour voguer sur les eaux.
Le clapotis des vagues nous atteindra sans doute,
Il y aura même un peu de vent, je crois.
Quand nous gagnerons le large il fera sombre sans doute,
Et le son de l'eau gouttant le long des rames
Nous l'entendrons, je crois, comme une chose très intime
- Au milieu des blancs laissés par tes paroles.
La lune tendra l'oreille sans doute,
Peut-être même descendra-t-elle un peu,
Et lorsque nous rapprocherons nos lèvres
Nous l'aurons, je crois, juste au-dessus de nos têtes.
Et toi toujours, tu parleras sans doute,
Mots légers ou boudeurs
Que j'écouterai, je crois, dans leurs moindres détails
- Sans que mes mains en cessent de ramer.
Quand la lune resplendira
Nous sortirons pour voguer sur les eaux.
Le clapotis des vagues nous atteindra sans doute,
Il y aura même un peu de vent, je crois.
"Rien n'est plus triste que cette tristesse
L'odeur des racines monte doucement à mes narines,
Et la terre des champs, en même temps que les pierres,
me regarde.
Mais enfin pas question pour moi de m'atteler à la charrue !
Immobile et distrait je me tiens debout au milieu du crépuscule,
Et lorsque vaguement l'ombre de mon père vient me troubler,
je m'avance tout au plus d'un pas, ou deux."
CRÉPUSCULE
Sur la surface rousse et sombre de l'étang,
En assemblées les feuilles de lotus se balancent.
Et comme les feuilles de lotus sont assez insensibles,
Insolentes elles ne chuchotent qu'entre elles.
Qu'elles chuchotent et mon cœur se balance,
Mes yeux se perdent dans la pénombre de l'horizon...
Noir sur noir, les montagnes se penchent sur moi
- Ce que l'on a perdu jamais ne reviendra.
Rien n'est plus triste que cette tristesse
L'odeur des racines monte doucement à mes narines,
Et la terre des champs, en même temps que les pierres,
me regarde.
Mais enfin pas question pour moi de m'atteler à la charrue !
Immobile et distrait je me tiens debout au milieu du crépuscule,
Et lorsque vaguement l'ombre de mon père vient me troubler,
je m'avance tout au plus d'un pas, ou deux
QUATRAIN
Pour toi il est mieux de rentrer dans une chambre paisible
Laissant derrière toi les feux éclatants des nuits de la ville
Pour toi il est mieux de prendre le chemin du retour
Et d'écouter tranquillement les murmures de ton coeur.
Le miroir de l'âme, c'est la nature. Mais le miroir de la nature n'est pas l'âme.
Journal (V,92.)
EMBRASEMENT VESPÉRAL
Les collines, croisant leurs mains sur leurs poitrines,
Se sont retirées.
Le soleil couchant, couleur de la tendresse,
Est tout doré.
À travers la plaine les herbes,
Chantent leur chanson rustique
Et dans la montagne les arbres,
Vieillissent avec sobriété.
En cet instant aussi j'étais là
Telle écrasée par de petits enfants
La chair d'un coquillage.
En cet instant aussi l'intégrité,
Réunie à la grâce des renoncements !
Bras croisés je m'en allais à pied.
Je me trouvais aux confins de ce monde.
[…]
Quelque chose d’à peine concevable m’enflammait,
j’avais beau n’avoir aucun but,
l’espoir dans ma poitrine battait la chamade.
Retour
Secs les piliers et secs les jardins
Aujourd'hui il fait beau
Sous la terrasse une toile d'araignée
Bouge langoureusement
Lesarbres morts respirent dans la montagne
Qu'il fait beau aujourd'hui
Au bord des chemins l'herbe dessine
Une ingénue tristesse
C'est mon pays
Un vent frais c'est levé
Pleure sans hésiter
Me dit à voix basse une femme plus agée
Oh toi qu'as tu fait...
Me dit le vent qui vient souffler
Pluie dans la nuit
– image de Verlaine –
La pluie ce soir encore entonne sa chanson,
Sa chanson monotone.
Lalala, lalala, toujours la même chanson.
Et voilà la carcasse de Verlaine
Qui passe dans la ruelle au milieu des entrepôts.
Dans la ruelle des entrepôts, c’est l’éclair de la cape,
L’ironie radine de la tourbe.
Mais au bout de la ruelle,
Au bout de la ruelle, l’espoir luit faiblement …
Qu’y a-t-il d’autre que cet espoir ?
À quoi bon toutes ces voitures ?
À quoi bon toutes ces lumières ?
Yeux globuleux, et vitreux, des lampes des cafés !
Au loin la chimie chante.
Eté
(Moi sur ma table)
Moi sur ma table,
Je n'avais rien d'autre qu'un stylo de l'encre du papier quadrillé,
Et chaque jour que Dieu faisait, sans fin, m'y tenais coi.
Mais attendez, en plus il y avait aussi des allumettes des cigarettes,
Et un buvard ou des petites choses comme ça.
Mais que dis-je, parfois encore apportant une bière,
Il m'arrivait de la boire.
Dehors les cigales chantaient à qui mieux mieux,
Et les vents, du moins les vents frais d'être passés sur les rochers
fréquemment soufflaient.
Sans pensée, sans journées ni sans mois le temps passait,
Quand un beau matin, je me retrouvai mort
Et le peu de choses disposées sur ma table,
Pour finir en un clin d'œil furent débarrassées par la bonne.
_ Mon dieu quel soulagement. Mon dieu quel soulagement.