Author Claire Cameron takes part in #whereiwrite (2015/05).
Je me penche et c'est toujours Maman. Je la touche, elle est froide mais elle sent encore comme Maman. Je mets ma joue près de la sienne et je suis moins triste parce que les fantômes viendront pas si je reste près d'elle, alors elle aura pas besoin de leur parler, ou de leur faire la danse des fantômes ou de rallumer les lumières. Ils savent tout, les fantômes.
Je sais pas si le chien noir est grand et s’il va me tirer d’en-dessous de l’arbre, et grrr-gouah-grrr il veut pas arrêter de me faire peur et je voudrais qu’il morde maintenant parce que j’en peux plus d’avoir peur. Si seulement je devais pas être bloquée sous un arbre et si mon estomac arrêtait de faire des bonds, et je tremble et mes os sont comme s’ils voulaient s’en aller, mes genoux tomber en morceaux. Je regarde et regarde et le chien noir est juste assis là pareil que quand les lions surveillent les antilopes et attendent qu’elles bougent pour bondir dessus et les déchirer avec leurs griffes et les mordre dans le cou et même monter sur le dos de l’antilope quand elle essaie de s’en aller.
Heureusement que Coleman est pas une baleine avec une grosse langue qui m’aspirerait en arrière. Les baleines ont pas de dents, on pourrait être aspirés dans une grande cascade parce que c’est comme ça qu’elle mangent, je sais. La baleine veut pas nous manger puisqu’elle sait pas qu’on est là, vu qu’elle a pas d’oreilles sur sa tête et qu’elle entendra même pas si Stick pleure. Et une baleine mange pas les gens, seulement les arbres. Stick et moi, il faut qu’on attende que des arbres tombent dans la bouche de la baleine. On est au milieu de la bouche : si un arbre arrive et on l’attrape, et peut-être un autre, je pourrai me servir d’une corde pour les lier ensemble et faire un radeau sur lequel on se mettra, et alors on pourra flotter dehors un jour que la baleine dormira, mais aussi flotter en arrière sans le vouloir … Sauf que je peux pas réaliser mon plan parce que Stick me tire les cheveux. Je lui donne un coup de poing et je vois que c’est seulement dans la bouche de Coleman qu’on est mais je continue à trembler un peu. Il y a pas de baleine. Et Stick sait pas nager.
Maintenant que j’ai plus d’habits mouillés sur moi, ma peau est bien chaude et je lève les bras au ciel. On doit attendre nos parents ici, c’est pas un problème puisque le soleil me sourit et me chauffe. Je laisse mes doigts de pied gigoter parce que les cookies ont versé du sucre en poudre dessus, et puis je sautille sur un pied et je sens de la terre craquante dessous mais je vois un peu de sable plus près de l’eau et j’y vais, c’est beaucoup plus agréable et doux de marcher là, mes pieds bougent tous seuls et mes mains font bonjour et je ris parce que c’est amusant, et alors Stick vient me rejoindre. Il saute sur place et il secoue les mains comme moi, c’est la seule façon de danser qu’il connaisse.
[…] et ses yeux pleurent mais pas parce qu’il est triste, comme des larmes qui en sont pas et qui viennent d’un autre endroit que quand on est triste, on dirait qu’elles montent de la gorge et coulent par les yeux alors que les larmes tristes viennent du cœur. C’est des larmes de rire qui roulent sur ses jours […]
J’entends maman crier mais je garde les yeux fermés. Les rêves, c’est pas pour du vrai et je le sais puisque ma maman elle crie jamais. Elle a une voix douce qui ressemble à une fleur blanche et qui a le goût des cookies de Noël avant qu’on mette les paillettes sucrées dessus.