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Citations de Claire Etcherelli (65)


Surtout ne pas penser. Comme on dit "Surtout ne pas bouger" à un blessé aux jambes brisés. Ne pas penser. Repousser les images, toujours les mêmes, celles d'hier, du temps qui ne reviendra plus. Ne pas penser. Ne pas reprendre les dernières phrases de la dernière conversation, les mots que la séparation a rendus définitifs, se dire qu'il fait doux pour la saison, que les gens d'en face rentrent bien tard; s'éparpiller dans les détails, se pencher, s'intéresser au spectacle de la rue.
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Les blessures cicatrisées ont de ces réveils imprévus.
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À six heures, il reste encore un peu de jour, mais les lampadaires des boulevards brûlent déjà. J'avance lentement, respirant à fond l'air de la rue comme pour y retrouver une vague odeur de mer. Je vais rentrer, m'étendre, glisser le traversin sous mes chevilles. Me coucher... J'achèterai n'importe quoi, des fruits, du pain, et le journal. Il y a déjà trente personnes devant moi qui attendent le même autobus. Certains ne s'arrêtent pas, d'autres prennent deux voyageurs et repartent. Quand je serai dans le refuge, je pourrai m'adosser, ce sera moins fatigant. Sur la plate-forme de l'autobus, coincée entre des hommes, je ne vois que des vestes, des épaules, et je me laisse un peu aller contre les dos moelleux. Les secousses de l'autobus me font penser à la chaîne. On avance à son rythme. J'ai mal aux jambes, au dos, à la tête. Mon corps est devenu immense, ma tête énorme, mes jambes démesurées et mon cerveau minuscule. Deux étages encore et voici le lit. Je me délivre de mes vêtements. C'est bon. Se laver, ai-je toujours dit à Lucien, ça délasse, ça tonifie, ça débarbouille l'âme. Pourtant, ce soir, je cède au premier désir, me coucher. Je me laverai tout à l'heure. Allongée, je souffre moins des jambes. Je les regarde, et je vois sous la peau de petits tressaillements nerveux. Je laisse tomber le journal et je vois mes bas, leur talon noir qui me rappelle le roulement de la chaîne. Demain, je les laverai. Ce soir, j'ai trop mal. Et sommeil.
Et puis je me réveille, la lumière brûle, je suis sur le lit ; à côté de moi sont restées deux peaux de bananes. Je ne dormirai plus. En somnolant, je rêverai que je suis sur la chaîne ; j'entendrai le bruit des moteurs, je sentirai dans mes jambes le tremblement de la fatigue, j'imaginerai que je trébuche, que je dérape et je m'éveillerai en sursaut.
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Georges a laissé derrière lui sa collection de poètes. A se les répéter on a comme du miel sur une gorge en feu.. Mais aucun de leurs mots ne dénoue ces fils qui tissent les jours, d'arrière en avant et se ferment en boucle, (...) Circonvolutions, nœuds inextricables. Soi-même est-on autre chose qu'un pâle reflet de l'enchevêtrement universel ? Est-ce la complexité du monde qui se reproduit en chacun de nous ? Ce monde n'est-il que l'addition de nos chaos respectifs ?
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... par les vitres de l'autobus, suivre la descente du brouillard. [...] J'avais cinquante minutes d'irréalité. Je m'enfermais pour cinquante minutes avec des phrases, des mots, des images. Un lambeau de brume, une déchirure du ciel les exhumaient de ma mémoire. Pendant cinquante minutes je me dérobais. La vraie vie, mon frère, je te retiens ! Cinquante minutes de bonheur qui n'est que rêve. Mortel réveil, porte de Choisy. Une odeur d'usine avant même d'y pénétrer. Trois minutes de vestiaires et des heures de chaîne. La chaîne, ô le mot juste...
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Plus elle avançait dans la vie, plus elle tolérait les différences, cherchait à les comprendre, plus les rapports avec les autres devenaient malaisés. Illogique !
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Je gardai encore l'espoir de le trouver dans l'escalier, puis à la sortie et enfin à l'autobus. Mais je rentrai sans l'avoir vu, seule et malheureuse.
J'appris ce que signifiait toutes ces expressions : défaillir, avaler sa salive, avoir le cœur serré, dont j'avais ri jadis. Chaque fois qu'Arezki passait devant moi chuchotant tout juste "pardon", chaque fois qu'il laissait passer une occasion d'être seul avec moi, c'était tout mon corps qui avait mal.
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Je me sentais en sécurité chez moi. Sécurité. J'aimais ce mot et ce qu'il évoquait. J'en aimais la sonorité rude. Sécurité. Il commençait comme serrure. Il remplaçait le mot bonheur.
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Je me retire en moi mais je n'y mourrai pas.
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Les machines, les marteaux, les outils, les moteurs de la chaîne, les scies mêlaient leurs bruits infernaux et ce vacarme insupportable, fait de grondements, de sifflements, de sons aigus, déchirants pour l'oreille, me sembla tellement inhumain que je crus qu'il s'agissait d'un accident, que, ces bruits ne s'accordant pas ensemble, certains allaient cesser. Gilles vit mon étonnement.
- C'est le bruit! cria-t-il dans mon oreille.
Il n'en paraissait pas gêné. L'atelier 76 était immense.
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J'avais enfin compris qu'il ne me rembourserait pas. Anna ne travaillait pas. Elle s'était procuré des livres; ensemble, ils apprenaient je ne sais trop quoi l'anglais, le journalisme, la photo, les civilisations orientales, tout un fatras qui leur laissait l'impression d'être des gens supérieurs.
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Là, dans ce plat paysage, avait fini l'aventure de sa vie. Vie manquée, mort dérisoire. Les jeunes héros du siècle mouraient au volant dans le fracas de leurs bolides et lui se tuait sur un solex. Il ne resterait donc de sa fin qu'une image caricaturale, sans romantisme aucun. Lui aussi il avait voulu être dans le coup; il avait cru que Paris gronderait, Paris n'avait qu'éternué.
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Lucien lisait de nombreux journaux. Je ramassais ceux qu'il laissait traîner, quelquefois aussi des livres qu'il oubliait dans la cuisine.
Je lisais et se levaient les voiles épais. C'était une impression pareille à la musique. Me délier, comprendre, pénétrer au milieu des mots, suivre la phrase et sa logique, savoir. Je ressentais une satisfaction physique, je fermais les yeux de plaisir. S'élever, j'en comprenais le sens. J'enviais Lucien de courir les bibliothèques.
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J'étais comme un être enfermé dans une bulle de verre, et tout le monde me voyait, mais personne ne m'entendait. Et moi, ce que je voulais, c'était casser la bulle pour que quelqu'un m'écoute.
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- Dis donc ! C'est beau là-bas !
Quelques minutes nous rêvions. "Habiter là. Tu te rends compte ! - Impossible, j'ai tout essayé depuis des années. Jamais rien obtenu sinon des promesses. Les couples sont prioritaires. Toi, peut-être ? - Avec un seul enfant ? Aucune chance ! Nous ne sommes pas en situation "légale". " - A travers les armatures où l'on coulait le béton, nous voyions jaillir l'eau chaude dans des baignoires blanches, nous entendions claquer la porte que l'on referme avec volupté sur sa chambre.
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"Tu verras, un jour commencera la vraie vie, disait-il souvent." Qu'était-ce la vraie vie ? Plus d'agitation ? La galerie des portraits humains plus fournie autour de nous ? Qu'est-ce que cela changerait ? A quoi saurait-on que la vraie vie commençait ?
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Ce qui compte, c'est ce qu'on est, pas ce qu'on a fait. J'approuvai. Je n'osais pas lui dire qu'on était aussi ce que l'on faisait.
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Le papier le plus précieux, le laissez-passer c'était la fiche de paye. Sans elle commençait le long supplice de l'interrogatoire, des coups, et le renvoi vers le douar d'origine, en réalité centre de triage, où l'on triait si bien que nombre de suspects n'en sortirent jamais.
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Trois minutes de vestiaire et des heures de chaîne. La chaîne... ! Oh, le mot juste ! Attachés à nos places.
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Partir, vivre auprès de Lucien, Paris, la vraie vie.
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