Par l'autrice & Kerwin Rolland
« Je veux naître sans aveu. »
Helena Cervak a grandi en France entre foyers et familles d'accueil avec, pour essentiel refuge, le langage qu'elle réinvente à sa guise comme une identité possible et habitable. Un jour, elle décide de rejoindre la Slovénie pour retrouver ses origines, « ses » Cervak. Bien sûr, elle craint de tomber sur un vide, un « vide d'histoire ». Elle a une urne dans sa voiture. Avec les cendres d'une certaine Nicole. Mais qui est Helena
? Une existence sans précédent est un road-trip au côté d'une digne descendante du Momo de Gary, son versant féminin et tout contemporain.
Je suis venue jusqu'ici, j'ai fait le voyage pour ça : être une fois petite fille, voir l'enfance depuis son sein. Je veux être celle qui n'a pas encore découvert les ténèbres du passé ni éprouvé les souffrances du futur, je veux accéder à la vie nue.
Claire Fercak, Une existence sans précédent.
À lire Claire Fercak, Une existence sans précédent, Verticales, 2024.
Son : Adrien Vicherat
Lumière et vidéo : Bastien Serrand accueilli par Iris Feix
Direction technique : Guillaume Parra
Captation : Claire Jarlan
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la keraunopathologie, du grec Keraunos / foudre, est la spécialité biomédicale qui étudie la fulguration, le foudroiement et les lésions occasionnées par la foudre sur les êtres vivants, ainsi que les moyens de s'en protéger.
Helena a gardé les chaussures qu'elle portait le jour de sa fulguration, et elle n'est pas la seule à conserver les preuves de cet événement. Un article au titre qui lui fait lever les yeux au ciel - " Sa vie bascule en un éclair " - attire son attention. Sur la photographie qui l'accompagne, elle découvre Roy Sullivan, un garde forestier américain : il prend la pose, et entre ses mains, offre à l'objectif son chapeau brûlé.
p. 127.
J'entends un glapissement, je reconnais son timbre, Odradek arrive, il court vers moi en jappant, il me tourne autour, puis frotte son front contre mes mollets. Je perds l'équilibre, toute la puissance de son corps appuyé sur moi, alors il enroule ses bras atour de mes jambes. Je me penche en avant, m'accroche à la laine de son col roulé, il me retient, nous rions. je lâche son pull, je me redresse, il est toujours là à mes pieds, tendre, je caresse son dos, il enserre mes jambes plus fort.
Un oubli, comme un vide. Une grande incompréhension. Une profonde solitude. Un moment long et suspendu. L’impression de flotter. Le goût de la poudre.
Trois jours par semaine, je vais à la bibliothèque. Anonyme, bourru, inquiet, c'est le lecteur que je suis. J'étudie. Je prends des notes. J'étudie. Je recopie. J'en apprends davantage sur ma nature première. J'aime bien les nocturnes du mardi. Mons de monde, moins de bruit, moins de tout. Il est plus facile de se faufiler comme un animal entre les étagères et passer inaperçu.
Je suis habitée par un cri. C'est mon animal intérieur. La nuit, parfois, j'ai besoin de le laisser s'échapper. Je crie, je crie, je crie. Quand je dors dans ma voiture, ça ne dérange personne; quand je suis à l'hôtel, je dois le contraindre, L'étouffer, cest comme s'étrangler, c'est mauvais pour le bien-être du corps et de mon esprit embrouillé.
p. 11
La crise devrait rendre plus humains, plus modestes ceux qui ont échoué par arrogance, mépris, intérêt financier
Et de cette survie qu’on pensait impossible naît une grande sidération.
La mémoire est une faculté qui oublie.
Et de cette survie qu'on pensait impossible naît une grande sidération.