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Critiques de Claude Pujade-Renaud (236)
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Tout dort paisiblement sauf l'amour

Magnifique kaléidoscope biographique !



En 1855, Regine Olsen, épouse du gouverneur des Antilles danoises, apprend le décès à quarante-deux ans de Søren Kierkegaard auquel elle fut brièvement fiancée avant qu'il ne rompe brutalement, sans raison objective, si ce n'est probablement l'impérieuse nécessité de se vouer totalement à son oeuvre, persuadé qu'il était de mourir jeune, et sans imposer de surcroit à une compagne son incurable et désormais légendaire mélancolie.



Touchée par ce décès, quinze ans après leur rupture, Regine, épouse heureuse de son ancien précepteur, s'interroge toujours sur les causes de ce qui fut un drame à l'époque mais qui a, avec le recul, incontestablement influencé l'oeuvre de Kierkegaard.

De retour à Copenhague, avec l'aide de membres de la famille du philosophe, elle poursuit sa quête, puisant dans ses souvenirs, leurs échanges, s'appuyant sur les oeuvres majeures, afin d'essayer de comprendre la pensée, l'homme et au-delà de trouver des éléments de réponse à son inexplicable renoncement amoureux.



Ce récit est tout simplement passionnant, réussissant ce tour de force d'être à la fois très documenté sans être aucunement barbant, sensible sans être mièvre, et remarquablement écrit.

Je crois que ce qui m'a particulièrement plu dans ce portrait d'un illustre penseur esquissé originalement par la femme qui a sans aucun doute le plus compté pour lui, c'est le va et vient permanent entre la trame biographique, les nombreuses références aux oeuvres et correspondances de Kierkegaard et les interrogations sentimentales et existentielles dont Claude Pujade-Renaud émaille son récit. Bribes essentielles de vie et d'oeuvre pour tenter de lever le voile sur l'énigme Kierkegaard !

J'ajoute que les chapitres courts, rédigés à la première personne alternent essentiellement les points de vue personnels de Regine et Frederik son mari, et contribuent à maintenir rythme et intérêt jusqu'à la dernière page, du décès du philosophe en 1855 à celui de Regine en 1904.



Pour conclure, ces phrases de Kierkegaard, extraites d'un courrier adressé au mari de Regine en 1849, année du décès de son père, qu'elle a découvert cinquante ans plus tard, ayant refusé à l'époque de les lire :

« Dans cette vie, elle vous appartient ; dans l'Histoire, elle sera à mes côtés.» « Vous la rendez heureuse en cette vie - je veillerai à son immortalité. »



Car, Tout dort paisiblement, sauf l'amour.

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Instants incertitudes

Thèmes essentiels

temps, rêve, amour, mort



Rythme, musicalité

vers brefs, presque anodins

densité tendre



Sonorités subtiles

Lumières diffuses

Mémoire du songe



Sensations, impulsions

émotions plus que réalité





Elle est belle, tissée de mots simples, la poésie de Claude Pujade-Renaud, égrainant le temps qui passe, les égratignures

« Au creux de la gorge

la soie crissante

de l’angoisse »



Elle invite tout simplement à l’ailleurs, si proche et pourtant insaisissable

« Je prends congé

quelques instants

juste le temps

de me rejoindre

dans un rêve »

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Dans l'ombre de la lumière

Elissa vit à Carthage «la métissée, la bigarrée» dans un quartier à la limite de Megara chez sa soeur Faonia et son beau-frère Marcellus potier. Ils l’ont accueillie quand elle est revenue seule de son séjour en Italie, désemparée après avoir été répudiée par Augustinus et séparée de leur enfant Adeodatus («donné à Dieu»). Elle-même participe à l’élaboration de menus objets fabriqués à l’atelier et fait des livraisons. Elle se sent accordée à la terre, à la vie «Je pose une petite boule sur le plateau, je prends le temps de la caresser, nous nous apprivoisons, et hop en route ! Le bonheur de sentir pieds et mains se coordonner sans effort, la terre me guide, je l’écoute, nous nous aimons, juste la bonne teneur en humidité, l’argile se creuse et s’érige, le plaisir vient, la forme également...» p165.

Elissa a su restée vivante, ardente et fidèle à la passion qui l’a unie au désormais évêque d’Hippone, fidèle aussi à la foi de Mani qu’ils ont partagé tous les deux et qu’il a trahi comme il a trahi leur amour, pour renouer avec le christianisme. Elle sait reconnaître son talent, la séduction, l’attraction de son verbe mais constate aussi que cette grâce qui l’a saisi, l’a conduit à se raidir dans un dogme et a aussi satisfait son ambition. Elle reste par-dessus tout, à travers souffrances, regrets et révolte qui jaillit parfois contre le traitement qu’elle a subi, fidèle à la vie.



Claude Pujade-Renaud excelle dans l’évocation sensuelle de cette liaison et dans celle de la beauté solaire de la méditerranée. Un très beau roman qui fait vivre toute une époque de profond bouleversement sur les coups de boutoir des barbares qui auront raison de l’empire de Rome. Belle subtilité aussi que celle qui établit le lien entre Augustin et Port-royal p 26 «L’évêque d’Hippo Regius... Encore un nom métissé de punique et de latin. Hippo, le port. Port Royal. Mon homme, évêque de Port Royal.»

J’ajouterais qu’Augustin a rejoint l'église catholique et estime avoir rompu avec son passé soutenu par la grâce divine et que cette même grâce a soutenu les religieuses de Port-Royal dans leur résistance au pouvoir masculin représenté par le Roi et la hiérarchie catholique. Dans l’ombre de la lumière et Le désert de la Grâce, deux belles évocations qui se répondent.

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Le jardin forteresse

Le Jardin forteresse a grillé la première place à d'autres livres dans ma PAL. Acheté chez un bouquiniste, il m'a permis de retrouver la plume de Claude Pujade-Renaud, une auteure que j'avais lue, il y a un certain nombre d'années et dont je gardais un excellent souvenir. Je n'ai pas regretté mon choix.

Première impression forte : une immersion dans le monde de la Grèce Antique. Un monde où la musique, la poésie et la philosophie côtoient la barbarie et la tyrannie. Un monde où le clivage homme/femme ; maître/esclave gouverne la société mais n'empêche pas de troublants rapprochements. Un monde où la liberté de moeurs et une certaine porosité des genres le disputent aux règles très strictes qui régissent la famille.

C'est dans ce monde-là, que je suis partie à la rencontre des trois héroïnes du roman : Sophro, la lucide et la plus tragique des trois, Diké, la gardienne du "jardin forteresse" où elles vont passer leur enfance et Harmonia, l'impulsive et la transgressive. Leur père : Denys de Syracuse, un tyran, ivre de pouvoir et qui n'hésitera pas, le moment venu, à les marier selon les rites de l'endogamie familiale, par stratégie politique.

Face à ce père tout puissant et vénéré, nos trois héroïnes. D'abord petites filles, elles couleront des jours heureux (superbement décrits) dans ce jardin forteresse et dans ce monde féminin qu'est le gynécée. Mais déjà la violence rôde autour d'elles. le viol et l'inceste vont entrer dans leur vie par le biais des mythes que leur raconte leur nourrice Pimpléa, jusqu'au récit initiatique dont elle leur fera part sans ménagement : celui de la lapidation, du viol et du meurtre dont sera victime Laodamia, la première épouse de leur père. Irruption brutale dans un monde de violence dont elles étaient jusque là protégées et l'union incestueuse à laquelle leur père va les contraindre va sonner le glas de leur innocence et de leur insouciance.

Une porte va s'ouvrir sur une tragédie familiale que nul ne pourra arrêter...

Ce que j'ai aimé c'est à la fois la subtilité et la clairvoyance avec lesquelles l'auteure traite ce problème de l'inceste en montrant son côté destructeur mais aussi toute sa complexité. Chacune des trois soeurs va être victime de ces trois mariages incestueux et chacune à un moment ou à un autre va frôler la folie. Leur forme de résistance ? Une relation fusionnelle où elles joueront tour à tour le rôle de confidente, de miroir ou de double selon les situations. Sophro et Diké iront même très loin dans cette relation et leurs corps les rapprochera plus d'une fois dans une intimité tout aussi troublante pour la lectrice et le lecteur que pour elles-mêmes.

Cette proximité des corps, on la retrouve d'ailleurs dans tout le roman. Et même si le clivage maître/esclave reste fort, les deux nourrices Nyctéia et Pimpléa vivent dans une grande intimité avec le monde des femmes et leurs enfants. Dans une magnifique scène de déploration, Nyctéia après son suicide, sera même pleurée comme une vraie mère par les trois soeurs. Bel hommage rendu à celle qui aura partagé leur vie au quotidien avec une affection et un dévouement sans failles.

La vie au quotidien dans ses gestes et ses rituels, Claude Pujade-Renaud en rend compte avec beaucoup de talent. Elle excelle dans la peinture de tout ce qui est palpable, sensoriel, que ce soit le monde végétal, animal ou humain, toutes ses descriptions dégagent une grande sensualité. Ce qui ne l'empêche pas de rappeler que le monde grec est aussi un monde de bruit et de fureur où l'on s'étripe joyeusement ! Sa phrase se fait alors véhémente , sans concession aucune et elle ne recule pas devant la description minutieuse des scènes de massacres ou de meurtres sans frôler pour autant la complaisance ou le voyeurisme malsain. C'est là tout son talent.

Pour finir, je dirais que ce livre a été pour moi une belle découverte, loin du hit parade des succès littéraires du moment ! J'aurais pu être déçue bien sûr mais j'étais alors la seule responsable de mon mauvais choix...
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La danse océane

La danse océane est une biographie romancée de Doris Humphrey et des danseurs qui gravitaient autour d'elle. Alors que Doris débute sa carrière de danseuse, ce sont les débuts du cinéma muet, miroir aux alouettes pour beaucoup ; Louise Brooks abandonne la danse, elle espère devenir une vedette de ce nouvel art.

Claude Pujade-Renaud s'est très bien documentée sur les chorégraphies et les différents postes d'enseignante et de conférencière de Doris Humphrey qui s'achèveront à la Julian School of Dance.

Doris est à l'origine de la chorégraphie, elle a abandonné la danse classique pour une danse plus moderne, elle crée un nouveau style de danse, les ballets classiques sont remplacés par les chorégraphies qu'elle met en scène, chaque chorégraphie suit un thème que Doris et sa troupe interprètent avec talent. Décédée le 29 décembre 1958 à l'âge de 73 ans c'est à titre posthume, en 1989, que lui sera décerné l'American Dance Festival Award pour l'ensemble de son oeuvre.

Claude Pujade-Renaud raconte magnifiquement ce monde particulier composé d'artistes passionnés. Cette lecture, malgré une ou deux longueurs, fut un pur bonheur pour moi qui, enfant ayant suivi les cours de danse classique, rêvais d'être danseuse. À lire par tous les amoureux de la danse !
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Belle mère

Surprenant, dérangeant, hallucinant voir asphyxiant.. Ce roman, récompensé par le prix Goncourt lycéens 1994, est à la fois inclassable et intemporel.

"veuf, cinquante-six ans, sérieux, souhaite finir vie tranquille avec femme douce, bonne ménagère ,en vue mariage et affection" Cette annonce dans le Chasseur français a été rédigée par Alphonse Bouvier, Eudoxie, veuve également , 47 ans y a répondu. L'annonce précisait aussi "maison de rapport avec jardin, banlieue Paris, un enfant"...

mais ne précisait pas que l'enfant avait passé les trente ans, qu'il était un peu "bizarre" . C'est ainsi que Eudoxie est devenue la Belle-mère de Lucien à la vie à la mort oserais-je dire, parce qu'en 1935 lorsqu'une femme s'engageait elle ne rompait pas sa parole.Elle n'avait juste pas prévu de vivre cinquante ans en compagnie de son beau-fils...

Ce roman m'a fait pensé à un vieux film en noir et blanc, où chaque geste semble sortir du néant, où tout bouge lentement, très lentement , où les personnages principaux vieillissent côte à côte sans beaucoup échanger si ce n'est sans doute l'essentiel.

L'écriture de Claude Pujade-Renaud confère à ce texte une tonalité et une densité très particulière. Un roman qui pose les éternelles questions de la vieillesse et de la différence . Une lecture un brin éprouvante mais enrichissante
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La nuit la neige

Publié en 1996, c’est le premier roman historique à proprement parlé de Claude Pujade-Renaud qui en publiera plusieurs autres par la suite. Le personnage au centre du livre est Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins. Nous la découvrons à Gênes en 1715, alors qu’elle a plus de soixante-dix ans. Petit à petit, par des retours en arrière, par des narrations distillées par différents personnages, mais aussi par la parole de Madame des Ursins elle-même, nous faisons connaissance avec l’ensemble de sa vie, nous croisons quelque personnages illustres, l’image de toute une époque nous est restituée. Le fait central, celui à laquelle les personnages, et surtout l’héroïne elle-même, font en permanence référence, est la rencontre de Mme des Ursins avec la nouvelle reine d’Espagne, Élisabeth Farnèse, en 1714, dans un village, Jadraque, entrevue pendant laquelle la nouvelle souveraine signifie à la princesse, qui remplissait jusque là, même sans en avoir le titre, les fonctions de conseiller du roi, pratiquement de premier ministre, la disgrâce. La vieille princesse devra quitter immédiatement et définitivement l’Espagne.



Après un passage par le France, elle s’installera en Italie où elle finira sa vie. Elle va se remémorer sa tumultueuse existence, mêlée au plus près aux événements politiques de son temps. Entre la cour de France et celle d’Espagne, la princesse devient la confidente de la première épouse de Philippe V, roi d’Espagne, mais petit-fils de Louis XIV. Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, la toute jeune souveraine, va s’attacher à sa camarera mayor et à elles deux, elle vont au final gouverner le pays. Jusqu’à la mort de Marie-Louise-Gabrielle et l’arrivée de la nouvelle reine, qui chassera la princesse.



Claude Pujade-Renaud fait un portrait fascinant d’un personnage d’exception, à la forte personnalité, tout en élégance mais aussi en volonté. Femme de tête, cultivée, lucide, elle conduit sa vie d’une manière très libre, depuis son premier mariage, qu’elle choisit, en dépit des mœurs de l’époque. L’auteure nous dépeint d’autres personnages, surtout des femmes, comme Élisabeth Farnèse, qui la chassera d’Espagne, puis qui assumera les fonctions royales d’une main de fer. Nous croiserons Mme de Grignan et sa fille Pauline, qui donnerons lecture de quelques pages que la marquise de Sévigné, leur mère et grand-mère a consacré à la princesse. Tous les personnages, même ceux qui passent très rapidement, sont très bien caractérisés, pétris d’humanité, et à eux tous, dresse un tableau très vivant et juste de l’époque.



J’avoue que je ne connaissais pas vraiment ce personnage, je n’aurais même pas imaginé qu’une femme ait pu à cette époque avoir une telle importance politique. Ce fut donc une belle découverte, grâce à un livre habilement construit, qui garde son intérêt de bout en bout. Sans oublier l’écriture de Claude Pujade-Renaud, sobre mais élégante, qui donne à entendre la voix de ses personnages avec justesse.
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Dans l'ombre de la lumière

Nous ne quittons plus Saint Augustin depuis quelques temps… Après Le Sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari, c'est à nouveau lui qui inspire l'auteur de ce très beau roman, toujours chez Actes Sud. Il apparaît ici sous les traits d’ Augustinus et c’est Elissa son ex-compagne qui redonne vie à cet homme. Et nous voilà plongés dans l’Afrique romaine au Ve siècle.



Saint Augustin évoque une concubine répudiée dans Les Confessions, puis il se tait. À leur tour, les biographes du saint homme en feront peu mention. Mais la romancière brise le silence au sujet de cette femme et imagine celle qu’elle fut. Elle la prénomme Elissa (prénom phénicien de Didon, la reine de Carthage, grande figure de femme abandonnée) et lui donne la parole. Augustinus fut son grand amour, son compagnon du quotidien, son amant, le père de son fils durant 15 ans. Et puis il l’a abandonnée. Pour quelles raisons ? Comment a-t-elle vécu après sa répudiation, seule sans son fils ? Tout cela , elle va nous le raconter. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Après douze ans de séparation, Augustinus revient à Carthage, la ville où Elissa s’est réfugiée et ce sera une difficile épreuve de revoir le visage de l’homme qu’elle a tant aimé. Le pire reste à venir car plus rien n’existe de celui qu’il a été. Lui qui était un amoureux transit et un manichéen convaincu est devenu un homme droit, rigide et irréversiblement catholique.



Alternant entre ses souvenirs et la description de son quotidien, Elissa nous raconte la vie qu’elle a menée depuis sa rencontre avec Augustinus jusqu’à sa mort. Claude Pujade-Renaud excelle dans la manière de donner vie à cette femme et la faire vibrante de vie. Sous sa plume élégante et précise , Elissa est un personnage fort, terriblement attachant. Sa parole sonne juste, parole pleine d’humilité. Troublante et touchante, sa voix est envoûtante. Cette sensuelle oratrice , est l’incontournable témoin d’une vie d’homme, d’une quête spirituelle. Son portrait d’Augustin est humain, vibrant, passionnel et passionné. C’est aussi toute une époque où coexistent manichéisme, paganisme et christianisme qu’elle fait revivre, évoquant la chute de Rome puis l’invasion barbare dans l’est africain. La nature, en toile de fond, est très présente. Présentent aussi les choses de la vie quotidienne : les sorties aux bains, les promenades, le goût des poires, des raisins et des figues, le travail du pain et de la terre, l’odeur du papyrus... On est complètement immergé dans cette période. Tout cela est servi par un style magnifique, lumineux, poétique.



Dans l’ombre de la lumière est un livre qui se savoure. A travers ces deux portraits, Claude Pujade-Renaud entremêle l'Histoire et l'intime tout en finesse et subtilité. Un roman passionnant et poignant. Remarquable !
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Dans l'ombre de la lumière

Attention, petit bijou droit devant ! Je n’ai pas d’autres mots pour qualifier Dans l’ombre de la lumière. Claude Pujade-Renaud m’avait déjà séduite avec Les femmes du braconnier mais on dépasse amplement ce stade pour tomber dans la phase amoureuse. Petit bijou de sensibilité porté par une écriture lumineuse, tellement limpide, ce roman appartient à la catégorie des récits qui transcendent puis apaisent.



L’histoire quelle est-elle ? C’est celle d’Elissa, concubine répudiée de Saint Augustin, évêque d’Hippone, un des pères fondateurs de l’Eglise Chrétienne, un de ses plus grands penseurs. De cette femme on ne sait rien, mise à part une brève ligne dans les Confessions de Saint Augustin. Claude Pujade-Renaud décide de donner la parole à cette femme de l’ombre, amante insatiable, femme patiente, mère dévouée, à travers un long monologue où elle se remémore sa rencontre avec l’homme, Augustinus, l’étudiant fougueux, l’amant intrépide, l’orateur charismatique, manichéen convaincu, fils dévoué à une mère ayant une ambition dévorante pour lui. Elle seule connait les failles et les blessures de l’homme qu’elle a tant aimé, restée dans l’ombre, femme sacrifiée sur l’autel des ambitions d’Augustinus.



Dans l’ombre de la lumière évoque la nostalgie d’Elissa face au bonheur simple d’autrefois, bonheur lumineux, partagé dans la foi manichéenne avec Augustinus. Ce récit décrit tout autant sa colère face à ce paradis sacrifié, piétiné ! J’ai vibré de concert avec cette femme douloureusement amoureuse, si révoltée face à des ambitions qu’elle ne souhaite ni partager ni comprendre, elle qui ne cautionne pas le reniement de sa foi qu’a opéré Augustinus pour embrasser la religion chrétienne. A travers ce monologue est également esquissée la figure de Saint Augustin, homme intransigeant, devenu si rigoureux dans son christianisme, partagé entre sa foi manichéenne et son ambition dévorante. Quel homme ingrat, lui qui fut si fougueux, si sensuel, jamais rassasié du corps de sa concubine ! Dans l’ombre de la lumière est aussi une belle peinture d’un empire romain en décrépitude, reniant ses dieux païens pour le monothéisme chrétien, assiégé de toutes parts. Nous assistons aux derniers soubresauts d’un royaume autrefois victorieux qui n’est plus que l’ombre de lui-même, une bête traquée qui s’éteint tout comme Elissa, la femme répudiée, l’amante éternelle, figure émouvante dont on partage la souffrance qui transparait à chaque page
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Tout dort paisiblement sauf l'amour

Peut-on se guérir complètement d'un premier chagrin d'amour?

En 1855, Régine Olsen, heureuse dans son mariage d'épouse de gouverneur des Antilles danoises apprend le décès d'un homme qu'elle a beaucoup aimé et qui l'a abandonnée en rompant leurs fiançailles. Une rupture qui fut une vraie douleur pour une jeune fille de 18 ans et qu'elle n'a jamais pu expliquer. Désamour, incapacité à se lier à une femme, malédiction d'une famille aux nombreux décès, comme une fatalité à laquelle l'homme ne peut se dérober?



Pour qui ne connaît pas ou peu ( ce qui était mon cas) le philosophe et écrivain danois, Søren Kierkegaard, cette biographie romancée est une première approche, à la fois mélancolique et empreinte de légèreté car construite sur la narration d'amours contrariés. L'homme érudit et son œuvre se dévoilent peu à peu au travers des souvenirs de ses proches, avec le contrechamp de la société danoise puritaine, où une blessure sentimentale et d'amour propre est sans doute fort difficile à gérer.



Alternant les personnages dans des chapitres courts, le livre est agréable, empreint de langueur tropicale. Claude Pujade-Renaud décortique les sentiments avec finesse et une capacité à se glisser dans les mentalités du 19ème siècle. Mais, pour moi, l'ennui n'était jamais loin, sans doute du à une narration un peu répétitive.
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Sous les mets les mots

Dans les dix-huit petits textes de ce livre se mêlent bien sûr des parfums et des saveurs qui font saliver mais aussi voyager à travers les mets et les mots car «... les mets comme les mots vagabondent, se sédentarisent et essaiment. Nomades poreux aux métamorphoses.»

D’une salades crétoise qui lui rappelle le mythe de Perséphone aux plats simples des campagnes qui font remonter des souvenirs, pas toujours heureux de son enfance, on retrouve tout le charme, l’espièglerie, le goût des mots rares que Claude Pujade-Renaud sait déguster et choisir avec une gourmandise sensuelle pour mieux exciter les papilles mais aussi l’imagination.

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Dans l'ombre de la lumière

Dans l’ombre d’Augustinus, qui deviendra Saint Augustin, Elissa sa concubine pendant quinze ans, partagera sa foi manichéenne initiale et lui donnera un fils.

Répudiée depuis douze ans lorsqu’elle entreprend ici de conter le difficile parcours que sera sa vie, elle a trouvé refuge chez sa sœur.

Le hasard fera qu’à travers un voisin avec lequel elle liera amitié, elle continuera de vivre sans qu’il le sache jusqu’à la fin dans le sillage d’Augustinus qui, converti au christianisme, devient un homme qu’elle ne reconnait plus mais auquel elle continue de vouer une admiration sans borne pourtant souvent dans la douleur.



Une vie de souffrance dont l’écriture magnifique de Claude Pujade-Renaud nous imprègne irrésistiblement tout au long de ce roman très attachant.







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Belle mère

Eudoxie, épouse à quarante - sept ans, Armand, sexagénaire et veuf, père de Lucien, trente- deux ans, sauvage , taciturne , peut- être à moitié fou....

Celle- ci s'installe donc dans le modeste pavillon de Meudon Val- Fleury où habitent les deux hommes......elle se retrouve veuve peu de temps aprés, la guerre est fatale à Armand., seule, face à ce beau- fils, avec lequel il faut bien tenter de vivre.....

Madame Pujade Renaud brosse ici deux portraits forts et attachants: Lucien,fuyant sans cesse, jaloux, exclusif,gourmand, bricoleur ingénieux qui "bichonne " sa " fiancée" , la voiture, et Eudoxie,couturière, économe, travailleuse, qui apprivoise Lucien et sa paranoïa,l'apaise, l'amadoue, étaye ses désordres psychiatriques(obsessions, hypocondrie, tendance aux interprétations, mutisme prolongé).Une belle histoire qui aborde avec sensibilité et justesse la relation à l'autre quand celui- ci est différent, c'est une relation difficile mais Lucien n'est pas aussi fou....il tente de montrer son affection à sa belle- mère...cela en fait un être à part pour l'époque....Eudoxie est un personnage fort , elle s'affirme et s'émancipe peu à peu......



Quand les hasards de la vie amènent une belle- mère et son beau- fils à cohabiter des décennies durant, le rejet et l'ignorance de l'autre se muent, au fil du temps, en un indéfectible attachement d'un couple que les voisins au fil du temps viennent parfois à prendre pour mari et femme, tant la vieillesse émousse les différences d'âge...., ici, quinze ans....les désagréments de la vieillesse sont de plus en plus nombreux... Mais l'amour de la vie et l'attachement s'expriment avec force...Lucien offre une plante nommée belle mère à Eudoxie pour ses 80 ans...

Une analyse psychologique très fine et une évocation du grand âge, empreinte de beaucoup d'émotion et d'une grande pudeur, un panorama très juste de la vie que les "gens de peu", les humbles travailleurs pouvaient mener dans ces modestes pavillons de la banlieue parisienne , au cours des années 1950 à 1990....

Un roman tendre, une histoire émouvante, celle de ce couple insolite qui restera ensemble.. Jusqu'à la lente et inexorable entrée dans le grand âge,cet "arrangement " pas toujours simple entre deux êtres que tout sépare,ainsi , pour Lucien, Eudoxie , de belle- mère devient Belle Mère.....

Un magnifique roman sur la vieillesse( surtout dans la 2° partie),à propos de l'anormalité,sur les relations de confiance qui peuvent s'établir entre deux personnes que tout sépare...

Madame Pujade Renaud a su trouver avec son talent habituel, les mots simples du quotidien, les phrases emplies de tendresse et d'humour aussi, avec,en prime une agréable promenade dans une banlieue qui se modernise........

Une belle histoire, bienveillante et douce,un vrai bonheur de lecture avec une fin insoupçonnée,mais logique.....ce n'est que mon avis.
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Dans l'ombre de la lumière

Carthage, 4e siècle après J.C., le christianisme est en train de supplanter le paganisme et le manichéisme ; alors qu’au faîte de sa notoriété, Augustinus, évèque d’Hippone (Algérie), vient prêcher à Carthage (Tunisie), Elissa, elle, se souvient... Car Elissa, concubine jadis répudiée, a partagé la vie et la couche de celui qui sera plus tard Saint-Augustin et lui a donné un fils.

Biographie imaginée d’une femme dont on ne sait rien sinon qu’elle partagea la vie de Saint-Augustin et fut la mère de son fils Adeodatus, « Dans l’ombre de la lumière » nous fait découvrir une période passionnante de l’histoire, celle où l’Empire Romain bascula. Là où Jérôme Ferrari faisait une allusion assez tirée par les cheveux à la chute de Rome, Claude Pujade Renaud fait revivre ces événements dramatiques vus de Carthage, par les yeux d’Elissa, abandonnée par Augustinus, un homme qu’elle n’a jamais cessé d’aimer. On y découvre la trame de ce que fut le manichéisme et la vie quotidienne dans l’Empire africain, alors partagé entre paganisme, manichéisme et christianisme.

A travers ce beau portrait de femme assujettie à son homme et à sa belle-mère (la très sainte Monique !) Claude Pujade-Renaud fustige une condition féminine difficile et précaire tout en affirmant son admiration pour la pensée augustine et l’homme qu’il a été.

Je reste assez réservée quant à la forme de ce roman qui se complait souvent dans un style passablement prosaïque et quelquefois répétitif, mais j’ai beaucoup apprécié le fond.

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Le jardin forteresse

Dans l’antiquité, trois petites filles dans un jardin forteresse.

Une enfance heureuse et insouciante auprès des esclaves et de leurs parents.

Leurs parents : un père, Denys et deux mères.

Denys est assoiffé de pouvoir, de conquête.

Pour se faire, il n’hésite pas à marier ses filles, à leur frère, à leur oncle…., et l’insouciance de l’enfance est bien loin.

C’est très bien écrit, très bien documenté.

Mais c’est glaçant quant au sort réservé aux filles, aux femmes.

Dans cette forteresse dorée que l’une d’entre elle ne quittera jamais, elles sont sous le joug de Denys le tyran et de ses successeurs qui les utilisent à merci.

Il faut bien du talent pour réussir à nous plonger dans cette époque avec autant de réalisme.

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Vous êtes toute seule ?

Recueil de nouvelles trouvé dans une boîte à livres. Un auteur que je découvre. Onze nouvelles d'une longueur variable, le point commun entre elles... Elles sont déprimantes, mettent mal à l'aise. Rien à dire quant à la qualité de l'écriture, mais après lecture je ressens un malaise profond et veux passer à une lecture moins pesante pour oublier cette sensation très désagréable de solitude, de ratage, d'échecs successifs, d'incompréhension, de rencontres qui ne se sont pas faites.
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Belle mère

Une très belle histoire qui ne peut laisser quiconque insensible. Avec une approche psychologique très fine et pleine de tendresse, Claude Pujade-Renaud aborde les problèmes de la vieillesse, les problèmes de la cohabitation quand les manies et habitudes s'installent. Et les miracles de la vie, le bonheur que nous offre une relation même quand l'horizon est opaque et l'avenir bloqué.



Eudoxie, couturière à domicile, tente d'apprivoiser Lucien, le beau-fils que lui a laissé Armand disparu pendant la guerre. C'est dans une annonce du chasseur français, qu'elle avait rencontré cet homme, comme il était assez courant à cette époque.



Se noue alors un arrangement, une vie à deux dans le quartier tranquille pavillonnaire de Meudon Val-Fleury entre elle, 47 ans, et son beau-fils de 30 ans. Cet étrange garçon d'abord taciturne qui écrit des lettres à sa défunte mère où il l'informe qu'aucune femme ne la remplacera est hypocondriaque. Il déclenche une crise d'asthme à la moindre contrariété. Malgré ce comportement étrange, Eudoxie, avec finesse, se rapproche de ce garçon attachant. Un garçon intelligent auquel aucun mécanisme ne résiste, un bricoleur ingénieux qui lui répare d'un coup de main habile sa Singer.



De confidence en confidence, entre deux mots échangés et quelques tâches ménagères, travaux de toutes sortes, ce couple insolite apprend à se connaître. Ces deux êtres qui tout sépare finissent par s'apprivoiser. Non sans quelques agressions. Avec le sourire. Quelques ruses et concessions. Ils traversent plusieurs décennies comme un vieux couple le ferait.



Un roman subtil servi par une plume extrêmement belle.



4.25/5

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Dans l'ombre de la lumière

C’est l’histoire d’Elissa, la compagne de Saint Augustin. Bien moins connue que l’illustre homme avec qui elle passa plusieurs années de sa vie, et dont elle eut un fils. Mais pourtant passionnante. Rome est sur le point de tomber devant les Barbares et St Augutin est sur le point de prononcer son fameux sermon, dont il a été question dans Le Sermon sur la chute de Rome de Jérome Ferrari.



Le roman se construit en alternant le récit d’Elissa, retournée à Carthage, sa ville natale, couler des jours mornes douze ans après avoir tout perdu, et les souvenirs qu’elle arrache à sa mémoire correspondant à la période de sa vie qui commence en 380, où elle a partagé le quotidien du grand homme. Augustinus n’est alors qu’un professeur brillant, mais issu d’un milieu pauvre, d’un père qui se sacrifie pour les études de son fils cadet, et d’une mère, Monnica, dont il sera beaucoup question dans cette histoire.

Car avant de devenir celui qui va passer à la postérité pour sa piété et sa chasteté, Augustinus se passionne pour le corps de sa compagne. Il est alors un membre de la secte des Manichéens, de lointains ancêtres des Cathares quelques siècles plus tard, un groupe qui ne survivra pas à la puissance des Chrétiens. A dix-huit ans, il a un fils avec Elissa, Adeodatus, et leur vie aurait pu être simple s’ils étaient restés tranquillement dans leur ville natale.



Mais voilà, Augustinus a de l’ambition, il est brillant orateur, il sait rédiger des discours comme peu d’autres, et il quitte bientôt Carthage pour Rome, puis pour Milan où l’attendent des honneurs auquel il ne sait pas résister. Et cette ascension sociale doit passer aussi par le mariage avec une jeune femme issue de la bonne société milanaise. Ce qui suppose de répudier la femme avec qui on a vécu jusque là et de lui arracher le fils qu’elle a engendré : Elissa n’a aucun droit sur cet Augustinus …



Tout le talent de Claude Pujade Renaud est de marier les genres dans un même roman : elle sait être didactique, elle nous explique parfaitement les querelles qui agitent l’Eglise en ce début du 5ème siècle, ponctuant son récit des écrits de St Augustin habilement racontés par son scribe local, un certain Silvanus – on sent qu’elle maîtrise son sujet dans toutes ses dimensions, en particulier historique.



Mais elle en fait aussi un récit très moderne où l’on voit un homme en proie au doute : il est convaincu, au départ, que le christianisme n'est pas fait pour lui, mais sa mère Monnica n'a de cesse qu'il épouse la religion qu'elle vénère, et c’est un combat entre femmes par doctrine interposée que raconte Dans l’ombre de la lumière : la mère omniprésente, qui poursuit le couple jusqu’à Milan, qui intrigue pour proposer un beau mariage à son fils, et qui finalement triomphe quand celui-ci se convertit par un matin de printemps à sa religion, ce qu’Elissa voit comme une reprise en main du fils bien-aimé …



Claude Pujade Renaud excelle à raconter la grande histoire par le biais de la petite : déjà elle avait utilisé le point de vue de la femme d’homme célèbre dans Chers disparus : il s’agissait alors de Jules Michelet, de Robert Louis Stevenson, Marcel Schwob, Jules Renard ou encore de Jack London. Ces femmes décrivaient avec parfois amertume ou résignation l’homme qu’elles avaient connu derrière l’homme célèbre – des secrets parfois inavouables ou inavoués, qu’on s’empresse d’étouffer derrière la légende.









De même dans Dans l’ombre de la lumière Elissa ne peut s’empêcher d’entendre les sermons de celui qui est devenu Evêque d’Hippone ou de lire Les Confessions à l’aune de sa vie maritale avec lui. Et toujours avec beaucoup de sensualité : elle décrit les petites choses du quotidien, aussi bien les senteurs que les couleurs d’un paysage, et sa mémoire est loin de la trahir, bien au contraire : de le voir à distance lors de ses sermons à Carthage lui fait remonter tout une série de souvenirs qu’elle préfèrerait peut être oublier ….



C’est tout cela et plus encore qu’on trouve dans ce brillant ouvrage de Claude Pujade Renaud. Elle parvient à nous rendre tellement vivante ce personnage d’Elissa ! Et ce St Augustin descend alors du piédestal sur lequel on l’élève avec des écrits d’une incroyable modernité : quel autre père de l’Eglise se serait risqué à parler ainsi dans ses écrits spirituels de ses errances, de ses doutes, et de sa vie d’avant, une vie charnelle qu’il récuse ensuite …



Claude Pujade Renaud retrouve alors avec bonheur ses thèmes de prédilection : l’enfantement, la passion amoureuse, les relations entre femmes … D’une écriture très féminine, elle sait mieux que quiconque rendre compte d’une histoire racontée d’un point de vue féminin : son écriture est très sensuelle et c’est jubilatoire de la voir ainsi décrire une période aussi riche sur les plans théologique et philosophique en partant des crises d’hémorroïdes ou d’extinction de voix du Grand Saint : un exercice spirituel - dans tous les sens du mot - qu’elle maîtrise à la perfection.






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Belle mère

L'annonce dans le chasseur français stipulait : Veuf, cinquante-six ans, sérieux, souhaite finir vie tranquille avec femme douce, bonne ménagère en vue mariage et affection. Maison de rapport avec jardin, banlieue Paris, un enfant. Eudoxie, âgée de quarante-sept ans, veuve de son état a répondu à cette demande et quelques mois plus tard, elle épouse Armand. Heureuse, elle l'est sûrement, enfin presque. Et pour cause : L'enfant mentionné dans la publication, s'avère être en réalité un jeune homme, Lucien, d'une trentaine d'années , perturbé, insondable, souffrant d'un comportement imprévisible qui l'évite, ne lui adresse pas la parole, se terre dans sa chambre, ignore totalement sa présence. Déstabilisée par le comportement de ce dernier, Eudoxie découvre des écrits de Lucien adressés à Blaisine, sa défunte mère, indiquant que jamais personne ne la remplacera, aucune autre femme ne prendra la place qu'elle occupait dans son coeur et dans sa demeure. Voilà qui promet bien du fil à retordre à sa belle-mère.



Malheureusement, au décès d'Armand, Eudoxie va devoir faire face à la présence de Lucien, supporter ses moments de folie et son mutisme d'où une divergence qui ne présage rien de bon entre ces deux protagonistes.

Pourtant, si pour Armand, son fils est " fou ", la réalité en est tout autre. S'il est certain que Lucien présente des failles qui se ressentent sur son comportement énigmatique, au fil des jours, Eudoxie découvre en cet homme fuyant, une incroyable ingéniosité, féru de mécanique, lésé de n'avoir pu déposer un brevet qu'un autre venait juste de présenter peu de temps avant lui. Petit à petit comme l'oiseau fait son nid, ces deux écorchés, solitaires vont s'apprivoiser, se soutenir, travailler et marcher ensemble sur le chemin de la vieillesse, si proches et si complices que l'on croirait voir presque un vieux couple.



Claude Pujade-Renaud nous dépeint la trajectoire de deux personnages hors du commun, unis par un concours de circonstances.



Une lecture émouvante sur l'attitude de deux êtres que tout opposait, la vie telle qu'elle se présente avec son lot de contingence qui réserve parfois des bien belles surprises.

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Belle mère

"-La belle-mère c'est parce que je pique?

-Des fois...Mais le plus souvent vous avez la peau douce."

Belle Mère, roman tendre à souhait, conte l'apprivoisement de Lucien, un jeune homme "sauvage" qui "a le génie de la mécanique" mais passe pour un débile léger par sa belle-mère Eudoxie, deuxième épouse de son père, qui à la mort de ce dernier durant l'exode de la deuxième guerre mondiale et son retour dans la maison familiale se voit obligée de cohabiter avec cet ours.Sans enfants, mais maternelle, cette "couturière à domicile" arrive à l'amadouer peu à peu, à l'apaiser et à étayer ses désordres psychiatriques (obsessions, hypocondrie, tendance aux interprétations..).

De chat Nonotte en chat Nonotte, de secret de famille en confidences mutuelles, de framboises en "billets doux", une véritable relation de couple (bien que platonique) s'instaure et cinquante ans de vie s'écoulent. On pense bien-sûr à la complicité décrite par Marie-Sabine Roger dans La tête en friche entre Germain et Marguerite car Belle Mère est un roman plein d'espoir pour un inadapté à la société.

Claude Pujade-Renaud, rédactrice, nouvelliste (cf: Vous êtes toute seule?), romancière a obtenu pour Belle Mère le Goncourt des lycéens en 1994.

Elle brosse ici deux portraits forts et attachants. Lucien: "fuyant", "inventeur","jaloux",exclusif, gourmand qui bichonne sa "fiancée", en l' occurence sa voiture et Eudoxie: économe,travailleuse qui remue cet homme infantile et secoue ce "rentier" amorphe mais ingénieux.

C'est pétillant de vie!
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