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3.5/5 (sur 4 notes)

Nationalité : Canada
Biographie :

Après des études en littérature, Claudine Vézina a trouvé sa vocation : l'écriture. Dans ses romans, elle souhaite offrir à ses lecteurs ce qu'elle-même exige d'un livre lorsqu'elle devient lectrice à son tour : une voie nouvelle pour appréhender la vie, une voix qui questionne sans donner toutes les réponses, qui laisse un espace de réflexion au lecteur. Elle cherche aussi une musique des mots, personnelle, singulière, et prie pour que ses lecteurs l'entendent. Suite de Comme une cage grande ouverte, Le Théâtre des ombres est un roman d'espionnage qui se déroule dans les univers urbains de Montréal et de Tokyo. Une intrigue bien ficelée et surprenante qui fera travailler votre matière grise!

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Soudain, dans sa paume tournée vers le ciel, un chatouillement inattendu extirpa lentement Chloé de son sommeil. Ses paupières alourdies, un peu par la peur, un peu par la drogue, n’arrivaient plus à s’ouvrir. Une petite langue, méthodique et précautionneuse, parcourait goulûment les lignes de sa main à la recherche des derniers cristaux de sel restés coincés. Était-ce un chat?
Au bout d’un moment, elle sentit sa peau s’enflammer, devenir brûlante sous le va-et-vient de la langue râpeuse. Cet inconfort réussit à mettre ses autres sens en éveil. Un enfant, tout près d’elle, lui

tapissait l’oreille de son rire à grelots. Plus loin, l’huile chaude crépitait et répandait une odeur de sorgho grillé qui livrait bataille à celle, nauséabonde et entêtée, de fiente animale. Elle ouvrit les yeux dans un battement rapide des paupières pour découvrir une scène à laquelle elle participait bien malgré elle.
Dans la pénombre, au-dessus de son visage, un garçonnet lui souriait de ses dents lumineuses. Une jeune chèvre, nullement troublée par le réveil de l’étrangère, continuait de lécher avec acharnement cette irrésistible peau saline. Une douleur aiguë arracha Chloé à sa contemplation stupéfaite. La chair à vif de sa main la fit frissonner de tout son corps. Elle serra son poing et le porta à sa bouche. Malgré la fièvre qui la gagnait, elle était parfaitement consciente qu’une autre blessure, plus douloureuse que celle qui lui brûlait la main, s’apprêtait à hurler. — Maman! cria Chloé, affolée.
— Ahmed! répliqua la voix d’une femme qui semblait venir de l’extérieur.
Chloé repoussa violemment le garçon. Elle se glissa avec peine en dehors de sa couche et s’apprêtait à fuir quand la chèvre lui barra la route et la fit trébucher sur le sol pierreux. Trois femmes accoururent aussitôt.
Chloé avait heurté un gros caillou dans sa chute. De son front entaillé surgissaient des ruisseaux de sang maculant son visage entier. Les femmes la soulevèrent et l’allongèrent sur le lit qu’elle avait quitté, tandis que l’une d’entre elles réprimandait avec véhémence le jeune berger.
Ahmed tenta d’expliquer à sa mère qu’il voulait aider la jeune fille à s’éveiller doucement. Il avait versé un tout petit peu de sel dans sa main pour que Kana, sa chèvre préférée, chatouille sa paume de sa langue gourmande. Daria, la mère de Ahmed, soupira en fermant les yeux, asséna un léger soufflet à la joue de son fils et lui ordonna de prévenir « l’homme qui achète ». Le petit berger n’insista pas et courut aussitôt chercher l’États-Unien.
Étendue, les yeux résolument clos, Chloé mêlait des larmes au sang de sa blessure. Les femmes se pressèrent autour d’elle pour la calmer et lui porter réconfort. Leurs voix aux accents arabes, leur paroles incompréhensibles hypnotisaient Chloé, plus désorientée qu’elle ne l’avait jamais été. Elle sentit soudain une fraîcheur sur son front et, peu après, dans sa main. Daria, d’un geste sûr et doux, appliquait une pommade sur ses blessures.
— Gawi! Gawi! chuchota Daria en lui souriant.
Chloé ne savait pas que «gawi» veut dire «sois forte». Elle ignorait qui étaient ces femmes aux cheveux tressés de laine noire. Elle ne savait pas qui l’avait amenée là, ni pourquoi. Tout ce dont elle était certaine, c’était qu’une distance inimaginable la séparait de sa mère et de sa sœur, et rien n’arriverait à l’en consoler. Chloé se défaisait en petits tas désespérés, en sanglots trop gros pour être ravalés.
Une des trois femmes tendit une calebasse pleine de lait tiède à Daria, qui souleva avec précaution le pauvre corps ankylosé de Chloé. Daria se mit à chanter doucement en lissant les cheveux de l’étrangère, tout aussi noirs que les siens, de l’avant vers l’arrière, pour l’apaiser et pour qu’elle finisse par accepter enfin un peu de lait qui fleurait légèrement la cardamome. Elle n’avait rien mangé ni bu depuis trop longtemps.
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- Tu ne me ramènes pas chez moi, pas vrai? Tu ne me ramèneras jamais chez moi. Tu m’as menti… Et je ne suis pas la seule à qui tu as menti. Tu t’es piégé toi-même. Youhou, Francis! Il y a quelqu’un? Non, bien sûr, il n’y a personne! Juste un courant d’air, un fantôme qui doit fuir où qu’il aille! Pour quoi? Pour qui? Pour ce M. Smith, en Californie, qui admire son vignoble ou médite sur ses coffres pleins d’argent pas très propre? Je n’ai pas de dette, moi! Comment peux-tu prétendre être mon père? Aucun père ne ferait vivre ça à son enfant! On s’en va encore une fois… Ça n’a pas de sens! Tu disais que tu voulais vivre avec moi pour me connaître, mais je ne te vois jamais! Avoue donc que je suis devenue un poids pour toi. Laisse-moi rentrer à Montréal. On va à l’aéroport, tu m’achètes mon billet et je m’organiserai. Je ne parlerai pas de toi! C’est promis!
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Il se tourna vers Daria, dont le visage était maintenant voilé d’un coton pourpre diaphane, et s’adressa à elle dans sa langue, l’arabe vraisemblablement. Comme si elle eût compris la requête de l’homme, Chloé serra la main de Daria, l’enjoignant ainsi de demeurer auprès d’elle. Il n’en fallut pas davantage à Daria, qui lui sourit, avant de répliquer sèchement à l’homme sans lui jeter le moindre regard. Il comprit qu’il perdrait la bataille contre cette solidarité spontanée et n’ajouta plus un mot. Il contourna la couche et vint s’asseoir très près de Chloé en lui tendant une galette. Elle la refusa violemment; la galette de sorgho fit un vol plané disgracieux avant de s’écraser contre le mur. Tremblante de peur, Chloé se pressa contre Daria qui, elle, comprenait à présent deux choses importantes : la jeune fille ne connaissait pas l’homme qui l’avait conduite là et elle y était contre son gré. Si ses conclusions s’avéraient exactes, l’États-Unien avait menti en prétendant que l’adolescente était sa fille.
— Tu devrais manger un peu, Chloé, pour reprendre des forces. En plus, les galettes de Daria sont délicieuses, murmura l’homme en essayant de se faire rassurant.
«Daria». Chloé se répéta le nom de son ange gardien, sa protectrice, mais elle ignorait celui de son ravisseur, qui la regardait avec une tendresse désarmante.
— Qui êtes-vous? parvint-elle à articuler, la gorge nouée.
— Tu ne me reconnais pas? répondit-il.
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Après un nouvel assoupissement, Chloé sursauta et consentit à boire quelques gorgées de lait. Les trois femmes recommencèrent à parler toutes en même temps en faisant de grands gestes qui traduisaient leur impuissance et leur incompréhension. Chloé n’avait rien à craindre d’elles, de leurs regards un peu inquiets, de leurs mains curieuses qui tâtaient ses vêtements occidentaux à la coupe plutôt singulière, pour la région, et mal adaptés au climat.
Lorsqu’on entendit des pas, Daria souleva Chloé pour reprendre place à ses côtés. Ses deux amies quittèrent précipitamment la chambre, tandis qu’une voix d’homme les interpellait. L’États-Unien était revenu. Précédé d’un sourire affable et d’une assiette pleine de galettes de sorgho, il pénétra dans la chambre où reposait Chloé.
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Quand une fenêtre disparaît Il est inutile de chercher la vérité.
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