Il avala une gorgée de vin chaud, accompagnée d’une saucisse pas assez grillée et de frites trop grasses. Il reprenait des forces.
Depuis la nuit où le corps d’Attila Szabo avait été retrouvé, il n’avait pas levé le pied, ses nuits s’étaient raccourcies un peu plus encore, il avait passé son temps à courir derrière n’importe quel début de piste, à poser des questions indécentes et indigentes à Luisa Szabo et il buvait de plus en plus. Le pire était qu’il n’avait pas du tout envie de diminuer la dose. Il se sentait vidé de toute substance. Le corps tout recroquevillé de Szabo, la tête de Dritan qui explose, il aurait aimé se soulager de ces images obsédantes qui l’empêchaient de dormir ; il était fatigué de ces réveils précoces qui lui pourrissaient ses nuits et hypothéquaient ses journées.
Une famille nombreuse s’installa à une table voisine. C’était le moment de partir s’il ne voulait pas que trois gamins pas élevés gâchent sa journée. Rod avait fini d’avaler sa saucisse. Après avoir resserré les boucles de ses souliers, il se lança sur les pistes, il voulait encore profiter de ce moment avant de rentrer sur Lausanne. Il aimait ce froid sec.