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Critiques de Daniel Defoe (236)
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Robinson Crusoé

Non, rassurez-vous, je ne vous ferai pas l'affront de vous raconter, comme si vous l'ignoriez, l'histoire de Robinson Crusoé (parfois orthographié Crusoë, comme pour le mot canoë, mais bref, on s'en fiche, dans l'original anglais, il n'y avait pas d'accent et l'auteur cherchait juste à faire rimer le nom de son héros avec son propre patronyme). Je me souviens toutefois que Jack London avait cette formule : « Le vrai n'est parfois pas vraisemblable. » Il entendait par là que pour écrire un roman crédible, il fallait parfois amoindrir la réalité, la déformer, la remodeler, l'approcher un peu d'une forme de normalité attendue, car quiconque n'ayant pas vécu la chose la jugerait sans quoi incroyable, au sens de « pas digne d'être crue ».



Daniel Defoe s'est ainsi rendu célèbre en mettant la main sur une histoire proprement incroyable, dont il rendit un récit affadi, alourdi, abâtardi mais pourtant tellement détonnant, par rapport à ce qui s'écrivait à l'époque — le livre parut en 1719 —, qu'il eut malgré tout le succès phénoménal et la postérité que nous lui connaissons : Stevenson aurait-il écrit son Île au trésor sans Robinson Crusoé (je pense notamment très fort au personnage de Ben Gun et à la mutinerie) ? Swift son Gulliver ? Marivaux son Île des Esclaves ? Tournier son Vendredi ou les limbes du Pacifique ? Bernardin de Saint-Pierre son Paul et Virginie ? Et combien, combien d'autres encore ?



(Rousseau considère dans Émile que c'est le seul livre digne d'être présenté à un enfant encore jeune que l'on souhaite éduquer ; Maupassant l'évoque également mais pour en dire qu'eu égard à son côté consensuel, c'est à peu près le seul roman que vous pouvez lire sans qu'un oeil inquisiteur ne vous taxe jamais de dépravation.) Et je ne parle même pas des multiples adaptations cinématographiques et déclinaisons diverses dont Tom Hanks et Hollywood ont su tirer quelques substantiels bénéfices.) Colossal ensemble, donc — si l'on y adjoint les publications jeunesse — qu'on nomme d'ailleurs maintenant des « robinsonnades ».



Indubitablement, ce roman a valeur de mythe, comme Dom Juan, comme Frankenstein, comme Faust, comme Don Quichotte et quelques autres qui jonchent l'histoire littéraire et culturelle du monde occidental. Mais quelle est, au juste, la valeur de ce mythe ? La rédemption par l'ascèse, une forme de retour à la sagesse, aux vraies valeurs et au droit chemin PAR la nature et SANS la société, une forme de retour au paradis perdu, presque, pas très différente, sans doute, des aspirations à la condition d'ermite. C'est aussi l'apologie de la survie dans l'adversité. Ça vous parle, non ?



C'est en effet très à la mode aujourd'hui, et le succès populaire (et qui fait long feu !) d'un programme tel que Koh-Lanta a sûrement quelque chose à voir avec cela. Defoe avait-il perçu tout ça ? J'en doute fort et les malheureuses suites qu'il a voulu donner à son roman, fruit de l'enthousiasme suscité par sa publication, attestent du fait qu'il n'avait absolument rien compris de ce qui en faisait l'essence et le succès.



Car Defoe n'est que le fade interprète, le fortuit géniteur, d'un mythe qui lui était préalable et fort éloigné. le « véritable » Robinson Crusoé, à savoir le têtu marin écossais Alexander Selkirk, avait d'autres visées, d'autres idéaux, d'autres codes de conduite, d'autres buts dans la vie que le cupide commerçant, citadin et volontiers politicard qu'était Daniel Defoe.



Contrairement à l'auteur, Selkirk se souciait fort peu de politique, c'était une forte tête, un querelleur, une trempe sans incrustation, un gars qui disait sans détour ce qu'il pensait et qui se souciait peu de froisser durablement ses interlocuteurs, fussent-ils de la police, ou fût-il embarqué avec lesdits interlocuteurs sur un navire à l'autre bout du monde. C'est ce qui lui valut le luxueux privilège d'être débarqué tout seul sur une île rocailleuse et inhabitée de l'archipel Juan Fernandez, située à environ 600 km au large du Chili.



L'île, en soi, était suffisamment paumée pour s'y sentir bien coupé de tout, mais offrait cependant des dimensions — à la louche une quinzaine de kilomètres d'est en ouest et à peu près cinq kilomètres du nord au sud avec un littoral très tortueux et chaotique qui en décuple le périmètre — suffisantes pour s'y dégourdir les jambes, y trouver accessoirement à manger et n'en pas tout explorer en dix minutes chrono. Or Selkirk, en sa qualité d'à peu près pirate, en tout cas d'insoumis, n'était pas du style à s'en laisser compter ni à se déjuger : c'était le genre de gars qui assume ce qui lui arrive, surtout s'il l'a provoqué. Il fit preuve sur cette île d'un sens de la survie et de la débrouillardise qui enthousiasma Defoe au point qu'il voulût en narrer les exploits, mais en prenant soin d'en gommer les trop fortes aspérités, en en faisant un vieux monsieur, comme lui l'était alors, tandis que ledit Selkirk était bien plus jeune que Defoe au moment de l'écriture du roman.



Voilà pourquoi le narrateur de Robinson Crusoé est un si vieux bonhomme, un gars qui, de vaguement indiscipliné dans sa jeunesse, est devenu scrupuleux, aimable, affable, prudent, un brin peureux même, sage et pieux sur son île, passant son temps à ânonner les évangiles. Il est vrai que Selkirk n'avait pour seul bouquin qu'une bible et qu'il s'en faisait régulièrement la lecture afin de ne pas trop perdre son anglais, mais il n'était pas devenu sacristain pour autant, n'hésitant pas à se refaire pirate dès qu'il fut libéré par le passage d'un adorable flibustier dont il se fit plus ou moins l'ami et l'homme de main.



Defoe s'est également servi d'un authentique amérindien, Will, de l'ethnie des Mosquito, qui avait été débarqué sur l'archipel et abandonné par accident, qui, lui aussi, y avait survécu des années (c'était bien sur la même île, mais vingt ans avant Selkirk, que ce dernier ne rencontra donc jamais) pour forger son personnage de Vendredi. Cependant, il en fait une sorte de grasse caricature du bon sauvage : c'est très paternaliste, très dégoulinant de « mission civilisatrice », comme ça se disait et se pratiquait à l'époque (sans parler de commerce triangulaire, qui était la norme aussi à l'époque et auquel Defoe ne trouve rien à redire, nonobstant la soupe à la morale chrétienne qu'il nous sert sans arrêt dans l'ouvrage).



Pourtant, malgré tout le poussif dont l'auteur affuble cette remarquable histoire réelle, le roman demeure, plus de 300 ans après sa publication, d'une tenue et d'une fraîcheur qui méritent le respect. Certes l'auteur ne l'a pas fait exprès, mais le sujet était tellement bon, il résonnait si fort en chacun de nous, qu'il ne pouvait pas être gâté, même par les maladresses d'un Defoe en petite forme créatrice.



Cela reste donc, en dépit de tout ce que je viens d'en dire, un roman admirable, car sa matière première, celle qui provenait du destin particulier de Selkirk, en était exceptionnelle, luminescente et subjuguante, et en dépit de toute cette mélasse pro-religieuse et moralisatrice, des balourdises à propos de Vendredi et du retour en Europe (l'épisode des loups et de l'ours au pied des Pyrénées françaises est à pleurer de nullité), cela reste un très grand roman, dont Defoe a su maîtriser la narration, notamment dans la phase « découverte et débrouillardise » de l'oeuvre.



Je tiens à préciser aussi que Defoe, qui était un excellent connaisseur des récits de piraterie de son temps, aborde, par exemple, un élément fort peu mentionné ni repris par ailleurs et qu'on redécouvre de nos jours, à savoir la piraterie dite « barbaresque » (entendez par là du Maghreb). En effet, Robinson Crusoé se fait alpaguer au départ par un pirate de Salé (au Maroc), puis, vers la fin, un bateau en partance de Lisbonne n'arriva jamais en Angleterre en raison d'un équipage pirate algérien (Defoe écrit « Algerines » dans la version originale du roman, ce qui signifiait manifestement Algériens au sens d'Algérois). Ce n'est que très récemment que j'ai entendu parler de l'ampleur et de l'existence de cette vaste entreprise de piraterie sur plusieurs siècles et qui aboutit à la création rien moins que de l'US navy pour y faire face, rendez-vous compte !



Oui, on devrait relire plus souvent nos classiques car, typiquement, c'est le genre de roman qu'on a tous l'impression d'avoir déjà lu avant de l'avoir lu et qui, malgré tout, est toujours intéressant et surprenant à la lecture. Pour vous en convaincre, je vais vous proposer une question, exactement du même acabit que celles qu'une amoureuse des quiz sur Babelio vous concocterait avec gourmandise.



Question 1 : Quel est le prénom de Robinson Crusoé ?

a. Crusoé

b. Robinson

c. Bartholomew

d. Bob



Je sens que ça fume… Eh bien, je ne vais pas vous faire lanterner plus longuement, mais au risque de vous surprendre — et preuve qu'il n'est pas totalement inutile de le lire pour en avoir une vision précise — son prénom est Bob (mentionné une seule fois dans l'ouvrage). Robinson est le nom de sa mère et Crusoé une déformation de Kreutznaer, le nom de son père, natif des Pays-Bas, comme le propre père de Defoe, bien entendu.



Et maintenant, posons-nous honnêtement la question, si d'un coup, là tout de suite nous étions privés de notre informatique, de notre électricité, de nos maisons, de nos magasins, de nos moyens de transport, du secours même de demander du secours, que ferions-nous ? Qu'entreprendrions-nous pour assurer notre propre survie « into the wild », si j'ose écrire ? Si la réponse vous intéresse, alors je vous conseille la lecture de cet archi-classique en vous spécifiant une fois encore que ceci n'est que mon avis, seul au monde, échoué sur l'île bossuée de ma subjectivité, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Robinson Crusoé

Robinson Crusoë , ce n'est pas un livre ,c'est un mythe .Comment dire sans émotion ? C'est une tranche de vie , un livre fondateur , un livre qui a fasciné et imprégné jusqu'à la moëlle , des milliers ,des millions de lecteurs.Quand on avait lu Robinson , emprunté , à tour de rôle , à la bibliothèque de l'école, on dessinait , on rêvait ,on envisageait , malgré notre jeune âge, une île , un bateau , une tempête, des dangers ....Et , à ceux qui ne savaient pas lire ( mais oui,ça existait...) ou qui lisaient mal , on racontait , et leurs yeux s'illuminaient , ce qui nous permettait de prolonger fièrement et , avouons- le , avec exagération, des aventures dangereuses qui étaient devenues les nôtres . Oui,je me souviens avoir joué à Robinson et ,comme je racontais bien , le petit gringalet que j'étais, trouvait sa légitimité dans une communauté de costauds gentils , adorables , mais qui ne savaient pas forcément découvrir par eux-mêmes des histoires qui les fascinaient ..C'était ça la camaraderie entre enfants d'un même bourg de la Creuse il y a prés de soixante ans . Robinson Crusoë . Quand j'y repense , je me dis que , vraiment , c'était extraordinaire cette découverte d'un monde si lointain , si secret , si hostile , si fascinant....Et vous savez quoi ? Les costauds gentils , dans mon village , ils attrapaient les vipères vivantes par la queue...Jamais ils ne m'ont effrayé avec et pourtant...Chacun ses compétences , chacun son apport...C'était ça , Robinson...Et tout le monde s'en souvient,un élément fédérateur de la société de l'époque dans laquelle chacun trouvait sa place.

Le relire aujourd'hui ? Pour moi , inutile ,il est gravé en moi , et ,j'ai la faiblesse de le penser , en beaucoup d'entre mes copains de l'époque et puis , soixante ans après, laissez-moi ce merveilleux souvenir . Et s'il ne séduit pas la génération actuelle , peu importe , l'essentiel étant que les enfants d'aujourd'hui trouvent dans leurs lectures , leur Robinson. C'est mon souhait le plus sincère, un bienfait pour bâtir sa propre histoire. Pour le petit creusois que j'étais, ca s'appelait " le bonheur ".
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Robinson Crusoé

Une oeuvre mythique, découverte à 10 ans, relue plus tard dans sa version originale, feuilletée sans cesse, qui fleure l'aventure et la débrouillardise, dans laquelle le thème de la solitude est aussi superbement traité, bref un classique incontournable à découvrir ou redécouvrir.



Robinson, c’est l’archétype du héros qui va survivre à tout prix, qui va même parvenir à aller au-delà de la survie, en perfectionnant l’agencement de ses installations, en améliorant son alimentation grâce à ses semis de légumes, à son utilisation des ressources que l’île met à sa disposition.



Bien sûr, son quotidien est aidé par la récupération de nombreux éléments du contenu du bateau naufragé, mais c’est son ingéniosité que Daniel Defoe développe dans le livre. Même s’il souffre de la solitude, il parvient à s’en accomoder, à admirer la nature autour de lui, la mer, installé confortablement dans son repaire.



Et puis arrive l’épisode des cannibales, le sauvetage de Vendredi et la vie qui s’organise à deux. Dommage que l’auteur insiste autant sur la supériorité de Robinson sur le sauvage, elle est évidente et incontestable. Mais, était-il nécessaire d’insister autant ?



La dernière partie du livre peut paraître moins passionnante, elle dégage néanmoins une pensée philosophique aboutie et démontre tout les travers de l’humain, même chez celui qui a subi exil et solitude, angoisse et désespoir. Robinson paraît avoir oublié son vécu ou alors il aurait eu un comportement différent.



L’ensemble reste un très bon roman où l’aventure côtoie la réflexion métaphysique et offre de très bons moments de lecture.

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Lady Roxana ou l'heureuse maîtresse

“J'aime mieux un vice commode qu'une fatigante vertu.”

(Molière, "Amphitryon")



Surprenant Defoe. D'après le peu que j'ai pu lire de ses textes ou apprendre à son sujet, c'était un personnage assez original. Il n'est pas aisé de le comprendre, ni humainement, ni littérairement... ou, pour m'exprimer autrement : à l'exception de "Robinson Crusoé" (et même ici j'hésite), je ne sais toujours pas comment me saisir de son oeuvre.

Plusieurs couches successives de plusieurs réalités se superposent dans les textes de Defoe. C'était un filou. Sa prédisposition à jongler librement avec les chiffres (que ce soient les montants ou les dates) pourrait partiellement expliquer sa propre faillite commerciale. Son talent pour mener le lecteur par le bout du nez pourrait nous éclairer sur les raisons de sa réussite sociale, qui a atteint son apothéose au service de l'espionnage d'Etat. Et cette image d'homme-caméléon est encore rehaussée par les 198 pseudonymes divers que Defoe utilisa durant sa carrière de pamphlétaire et d'écrivain.



J'aurais pu m'épargner cette introduction, mais elle me semble utile pour aborder "Lady Roxana ou L'Heureuse maîtresse" (accessoirement "L'Heureuse catin" - ancienne traduction bien commode pour éviter un mauvais choix de cadeau pour la pédagogue de votre pitchoun à la fin de l'année scolaire).

Cette "confession", ou plutôt l'autobiographie fictive d'une femme déchue (déçue ?) est présentée comme un seul long chapitre dans sa version originale. Malgré tout ce que j'aurais pu lui reprocher (retours et répétitions à profusion, pages interminables de calculs et combines pour accroître une fortune...), l'histoire était captivante et m'a fait brasser tout un tas d'émotions intéressantes. Roxana, dont le lecteur n'apprendra jamais le prénom véritable (tout comme pour les autres noms, titres, lieux...) est une protagoniste qui a réussi à changer avec succès mes sympathies initiales en mépris et en dégoût absolus, au fur et à mesure de ses déboires.



C'est un roman sur les causes et les conséquences. Sur la vanité et les ambitions démesurées. Sur les tristes tentatives de justifier ses (mé)faits devant les autres et devant soi-même. Sur la société, le mariage et la liberté, l'indépendance, l'égalité. Sur le fait que les mensonges rattrapent toujours le menteur. Sur l'hypocrisie, la morale et la moralité. le récit roule comme une boule de neige, en ramassant au passage de nombreuses réflexions qui s'attaquent au statu quo de la société, mais aussi un tas d'immondices bien puantes qui collent au caractère de la pauvre Roxana.

La narratrice, qui touche le fond suite à son premier mariage malheureux avec un abruti et transgresse la frontière du "moralement acceptable", inspire la même compassion que sa soeur ainée "Moll Flanders", ou le personnage de Nancy dans "Oliver Twist"... mais elle se complaît tellement à cultiver son vicieux jardin secret que bientôt on pense davantage à "Fanny Hill" de Cleland. Ses ambitions pécuniaires et son avidité de titres de noblesse ne sont pas sans rappeler la cour de Charles II Stuart dans toute sa splendeur. Tout ceci va culminer par la transformation de Roxana en monstre manipulateur qui négocie avec sa conscience, ment à tout le monde, intrigue devant son mari et renie ses propres enfants. Ces passages sont délectables.



Mais même Roxana, aussi belle et astucieuse qu'elle soit, n'irait pas loin sans sa fidèle servante Amy. Ce petit bout de femme est vraiment brutal ! Sur son cas, Defoe illustre à la perfection la transformation d'une jeune fille joyeuse au grand coeur en créature angoissante, qui fera tout et n'importe quoi pour préserver le bonheur de sa maîtresse. Avec chaque page tournée, et particulièrement vers la fin, la situation devient de plus en plus dramatique. Notamment avec l'apparition de Susan, dont la perspicacité et le désir de connaître sa propre mère menace la liberté et l'existence même de la protagoniste principale.

Ma foi, la fin est tellement turbulente que j'ai presque oublié de mentionner le fait que Defoe imbrique dans son livre une rude critique de la société contemporaine, ainsi qu'une anticipation des choses à venir. Il n'hésite pas à s'attaquer aux désavantages de l'institution du mariage, et fait appel à la libération de la gent féminine ; chose surprenante en 1724. A ce sujet, je recommande la passionnante disputation entre Roxana et son "ami de Paris"("Roxanne, You don't have to put on the red light"), sur le thème de l'indépendance de la femme - l'indépendance sociale, financière, amoureuse... pour démontrer qu'au 18ème siècle, le prix à payer était encore beaucoup trop grand ! Defoe n'hésite pas non plus à taper sur les doigts des commerçants juifs ; mais j'y vois plutôt le reflet de la littérature ancienne que quelque règlement de comptes personnel. Parlant de commerçants, la clairvoyance de l'auteur qui anticipe une société où les "businessmen" dépasseront en fortune et en influence l'ancienne noblesse est tout aussi remarquable.



Le style plutôt plat de Defoe n'arrive pas à la cheville d'un Sterne ou d'un Smollett, mais malgré tout ce fut une chevauchée littéraire sans selle et sans bride à travers l'Angleterre, la France et la Hollande que je ne regrette pas... 3,5/5
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Robinson Crusoé

Comment réussir vos vacances en naufrage ? Première fonction du livre : l’apologie du système D. La psychologie est assez inexistante. De nos jours, l’étude fait plutôt sourire, entre autres pour son puritanisme aussi. Robinson ne cesse de se repentir de ses aventures, d’avoir renié son père et Dieu. En ce qui concerne les sauvages, il y a d’abord le commerce triangulaire et ensuite l’éducation de Vendredi (le jour où Robinson l’a trouvé). À noter l’importance des dates que Robinson retient et mentionne scrupuleusement, ainsi que le fait que Defoe se soit inspiré d’une histoire vraie.
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Robinson Crusoé

"Robinson Crusoé" fait partie des classiques jeunesse que je n'ai encore jamais lus. Je me l'étais programmé pour le début de l'année, sans cesse je le repousse non pas par manque d'envie mais plutôt à cause de ma pile à lire qui augmente plus vite que je ne lis (ce n'est plus une pile à proprement parler d'ailleurs mais davantage une montagne...). Quoiqu'il en soit, je prends enfin le temps de le découvrir.



Robinson Crusoé fait partie de ces héros mythiques qu'on ne présente plus. Il est un jeune homme en soif d'aventures. Le premier navire sur lequel il embarque est pris par une terrible tempête et coule, il échappe de peu à la mort. Le second est attaqué par les pirates, il y est fait prisonnier et esclave en Afrique. Et comme on dit jamais deux sans trois, le troisième est lui aussi aux prises d'une tempête et échoue au large d'une petite île déserte de l'océan Atlantique. Seul survivant, Robinson y séjournera 28 ans avant d'être enfin secouru.



C'était plutôt bien parti, le début du récit étant riche en aventures et mésaventures. C'est devenu quelque peu plombant à partir du moment où Robinson se retrouve seul sur "l'île du désespoir", comme il aime à la nommer. Et ce n'est pas le manque d'action qui m'a gênée. Je connaissais déjà l'histoire dans ses grandes lignes et j'étais donc préparée à cette vie en solitaire. D'ailleurs, j'ai aimé la façon dont Robinson nous raconte son quotidien, de son "installation" à la vie de "château" qu'il mène à la fin. J'ai aimé le voir évoluer, changer, se remettre en question tout du long. J'ai aimé ses ingéniosités et inventions. La narration étant à la première personne, j'ai aimé être au plus près de ses ressentis, de ses réflexions, méditations et raisonnements. J'ai aimé la façon dont il dépeint son quotidien, la façon dont il s'organise, dont il décrit l'agencement de l'île, ou encore sa faune et sa flore.



Non ce qui m'a gênée, c'est tout d'abord la mise en forme. Pas de chapitres déjà, tout est à la suite avec seulement un saut de ligne de temps à autre. Le style d'écriture, très classique évidemment, est quand même sacrément répétitif. C'est lourd et très long par moments... Et le fait que tout soit ramené à la justice et à la parole divines devient à force pas mal redondant. J'ai pris sur moi pour ne pas sauter certains passages tellement j'en avais marre.



Mais je suis quand même allée jusqu'au bout. J'y ai mis bien plus de temps que ce que j'avais cru au premier abord mais j'y suis arrivée, d'autant que la dernière partie est aussi alléchante que la première et se lit avec beaucoup plus d'entrain que celle du milieu.



Je n'en ressors pas totalement conquise. J'avoue que je m'attendais à bien plus prenant et à un récit qui bouge un peu plus quand même. Et même si j'ai souvent soufflé, je ne regrette pas l'avoir lu, enfin. Mais je pense que je prendrai davantage plaisir à en découvrir les différentes adaptations, telles que les BD et livres jeunesse, ou encore celles à l'écran (du moins celles que je n'ai pas encore vues et lues).

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Robinson Crusoé

C'est avec un peu d'émotion que j'ai relu les aventures de Robinson. 25 ans plus tard mon regard n'est certainement pas le même, mais c'est avec nostalgie que j'ai parcouru de nouveau ces pages.

Robinson n'était pas un innocent, il participait au commerce des esclaves, bizarrement j'avais occulté ce passage de la vie du héro.

Mais j'ai retrouvé le plaisir que j'avais ressenti au récit de la découverte d'un territoire vierge et de sa reconquête, de la survie de l'homme seul face à lui même.

J'ai certainement eu aussi un regard plus critique sur la relation de domination de Robinson sur le bon sauvage dont il fait la rencontre et qui est caractérisé par sa naïveté et son insouciante paresse.

Mais c'est l'esprit d'aventure toujours présent au long de l'ouvrage qui m'a de nouveau saisi et capté avec en toile de fond l'émotion de la jeunesse quelques instants retrouvée...
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Robinson Crusoé

Revenant de vacances de Hawaï, où je me frottais aux divinités locales, je m’arrêtai le temps d’une vie sur une île déserte, pour m’entraîner à la survie en milieu hostile, au cas où...

J’ai vu que pour la survie en cas d’épidémie, des milliardaires acquéraient des yachts gigantesques avec des hôpitaux intégrés (et le personnel idoine). Et bien c’est sans doute grâce à Robinson Crusoé que cet amour des voyages maritimes a germé dans l’esprit de ces génies médiatiquement encensés qui parcourent les océans...

Sinon, il y a également l’espace mais il y a moins de tempêtes (des débris ?) et moins d’îles (des astéroïdes ?) et moins d’aventuriers (des patrons de GAFAM ?)

Personnellement, je crois avoir toujours connu Robinson, avoir vu des films, lus des extraits, étudié ces mêmes extraits en classe mais ... Jamais lu intégralement. Quelle erreur ! (Une de plus...)

Ce bouquin est un condensé de génialité : historique, didactique, culturelle... On y croise des nègres (attention, cela ne va pas durer) des sauvages, des cannibales, des capitaines de navires, des habits d’apparat, de la persévérance, des dérèglements (ou des règlements, pas sûr) climatiques, des reproductions inter-espèces...

Ceci dans une langue d’un niveau inouï et durant un temps incroyablement long... Aucune difficulté avec le passé simple, passé antérieur et conditionnel futur : c’est tellement riche, bien écrit (et donc traduit) qu’on se laisse emporter par les réflexions de ce naufragé, sa moralité, ses doutes, sa relation à Dieu et aux Hommes (il y a peu de femmes dans ce livre, époque oblige...)

Alors, n’hésitez pas, partez à l’aventure, à la conquête de cette terre si souvent vierge de la littérature de légende, de celle qui fonde notre humanité d’aujourd’hui.

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Robinson Crusoé



J’étais persuadée d’avoir déjà lu Robinson Crusoé. Ah, bien sûr, j’ai avalé les réécritures de Michel Tournier et sans doute 2 ou 3 versions jeunesse. Mais j’ignorais tout de l’original dont les aventures ne se réduisent pas à sa longue reclusion sur une île qui d’ailleurs ne porte aucun nom. Oui, quand on s’aperçoit que Robinson vient d’être recueilli par un navire alors qu’on n’est qu’à grand peine à la moitié de ses aventures, on se dit que ça va être long. Et de fait, oui, on baille pas mal, surtout vers la fin.

Mais quand même ! La puissance du mythe est incontestable, d’autant plus qu’il naît dans ce qui pourrait s’analyser comme un condensé du Xviii ° siècle. Defoe reprend le canevas du roman picaresque (Un roman picaresque se compose du récit censément autobiographique d’ un jeune homme en rupture de ban, vivant des aventures souvent extravagantes au cours desquelles il entre en contact avec toutes les couches de la société). Il y ajoute l’Encyclopédie: Robinson recrée le monde civilisé en reprenant toutes les techniques de son époque et que ce soit en matière de fromage de chèvre, de génie civil ou de création vestimentaire, il dresse un incomparable panorama du génie humain. À cela s’ajoute une longue réflexion sur la Providence par laquelle Robinson s’efforce de justifier son sort. Il attend un bateau et non pas Godot et pour ne pas devenir fou s’accroche à la rationalité. Bien sûr que son sort se justifie, qu’il mérite d’avoir été puni par Dieu, étant donné les épouvantables péchés par lui commis! Bon, le lecteur se dit qu’il s’est fait avoir et qu’on lui a sucré la description de toutes les turpitudes dans lesquelles son héros s’est vautré; mais, plus vraisemblablement, les péchés ne sont invoqués que pour que Robinson se sente appartenir au grand dessein divin et non expédié loin de tout tel une crotte de nez négligeable.

Mais ce qui fait surtout de Defoe un écrivain des Lumières, c’est l’égalité qu’il professe entre les hommes. Ben si. Oui, bien sûr, les Noirs sont des cannibales même pas fichus de respecter la syntaxe anglaise et Vendredi pose le pied de Robinson sur sa propre tête pour montrer sa pleine conscience de la supériorité de l’homme blanc. Faut pas rêver, ce livre a été écrit il y a 3 siècles. Mais Defoe a une capacité incroyable à dépasser bien des préjugés de son temps - et du nôtre. Par exemple, il explique que si le cannibalisme est vraiment horrible, ce n’est finalement pas pire que les crimes de l’Inquisition. D’autant plus que les sauvages ont le bon goût de ne manger leurs ennemis qu’après leur mort alors que les inquisiteurs ne manquent pas de les torturer avant! Parole de protestant en haine des papistes? Même pas: c’est à un prêtre français que Robinson confiera le soin de catéchiser son île.

Car après avoir recréé la civilisation à lui tout seul, Robinson observera comment l’homme fait société en retournant sur une île désormais habitée et partagée entre natifs, Anglais et Espagnols. Il est clair que l’île correspond à l’Eden où Dieu plus malin que la première fois a envoyé à son Adam non une Ève tentatrice mais un serviteur asexué (C’est sidérant de voir à quel point personne ne s’intéresse au sexe dans cette histoire). Quand la population de l’île s’accroît, Robinson se fait Dieu, envoie de l’aide et prêche la bonne parole, puis s’esquive et abandonne tout ce beau monde comme une espèce de mise en abyme de la création. Les mecs, je comprends que vous comptiez sur moi, mais j’ai autre chose à faire dit Robinson-Dieu en substance.

Robinson abandonne son île comme il a abandonné ses parents puis ses enfants et après avoir vécu à l’Ouest part à l’Est où là, je l’admets, s’étale un racisme décomplexé et du coup presque drôle contre les Japonais cruels, les Tatars brutaux et les Chinois prétentieux. Mais qu’est-ce qu’il leur passe aux Chinois ! D’ailleurs, dit-il, ils ne seraient même pas capables de défaire une ville comme Dunkerque...

Et le roman s’arrête, pourquoi là ? Si Defoe donne finalement une égale dignité aux sauvages et aux civilisés, il ne supporte pas ce qu’il considère comme un entre-deux autant éloigné de la nature que de la culture. C’est pourtant dans cet Est honni que Robinson prendra une leçon d’humilité : lui qui, après avoir chanté les vertus régénératrices de son île, s’en est tiré vite fait dès qu’il l’a pu, a rencontré un exilé à qui il offre la possibilité de revenir chez lui. Mais l’exilé a chanté les vertus du renoncement et s’y tient: lui reste dans sa prison.

La toute dernière partie du livre est donc bien détestable : Robinson y renie son refus du fanatisme, il a troqué sa caravelle pour une caravane et son aventure sombre dans la mauvaise foi. Il était temps que ça s’arrête.

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Robinson Crusoé

Au XVIII ème siècle, Robinson Crusoë est un héros de son temps: il est un croyant fanatique mais aussi un aventurier négrier!

Bien sûr, les nombreuses versions de ce classique ont gommé ces caractéristiques. On peut ainsi trouver chez Tournier un Robinson altruiste et agnostique ou chez d'autres un solitaire sans son Vendredi qui se perd, dans tous les sens du terme, dans sa propre trace dans le sable(Chamoiseau) ou encore un autre vénérant un ballon (dans le film “Seul au monde” de Zemeckis).

Daniel Defoe a créé ce personnage à partir de faits réels. En commençant par sa propre vie, l'écrivain a comme son héros écumé des océans. Mais la principale source d'inspiration est celle d'Alexandre Selkirk, marin écossais échoué sur une île du Pacifique au XVIIème siècle.

Bien que la première partie du roman demeure célèbre avec le naufrage et la survie d'un homme sur une île déserte, le récit se développe bien au-delà de l'île et de nombreuses péripéties se passeront sur terre et mer à travers le monde connu à l'époque.

En suivant toutes les aventures de Crusoé, le lecteur en a pour son argent mais on n'échappe pas aux travers d'un XVIII ème siècle dont la violence sursoit souvent au dialogue et à la tolérance.

J'ai été surpris du saccage des temples dit païens ou de massacres de populations indigènes qui ne demandaient que justice après l'agression d'un des leurs.

Il faut lire ce livre pour s'en rendre compte: l'esclavage est un commerce lucratif et les droits de l'homme sont bafoués surtout dès que l'on sort d'Europe.

On peut éprouver de l'agacement quand le héros ne prône qu'une seule religion, la sienne, et de l'empathie quand il est seul sur son île.

Cette immersion dans le siècle en fait pourtant à mon avis un chef d'oeuvre et le personnage de Robinson est bien complexe.
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Journal de l'année de la peste

Il convient de lire attentivement la longue préface d’Henri Mollaret (1923-2008) éminent professeur à la faculté de médecine de Paris-Ouest, chercheur en microbiologie, directeur du laboratoire spécialisé dans l'étude de la peste à l'Institut Pasteur de Paris car elle éclaire admirablement tout le livre de Defoe.

Après un bref historique de ce fléau et l’exposé des éléments favorisant sa propagation, il décrypte d’autres points majeurs : les conditions dans lesquelles Defoe entrepris cette rédaction, ses sources d’inspiration…

Le Journal de l’Année de la Peste à Londres (1665), est bien plus qu’une œuvre romancée c’est un véritable documentaire. Daniel Defoe, journaliste à cette époque – 1722- en pleine tourmente financière comme souvent dans d’autres périodes de sa vie, décide d’écrire une longue chronique consacre à la Peste qui sévit quelques années plus tôt à Londres, enrichie par une actualité récente : La Grande Peste de Marseille qui s’abattit sur la cité phocéenne, gagna la Provence, le Comtat Venaissin , une partie du Languedoc.

La compilation des informations, le réalisme des situations, la mentalité des intéressés, les tourments de l’enfermement, le fanatisme religieux… sont autant d’éléments qui servirent, bien plus tard à Albert Camus quand il rédigea La Peste, publiée en 1947, également sous la forme d’une chronique.

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Robinson Crusoé

Je n'avais jamais lu ce grand classique du roman d'aventure. Oubli réparé.

J'ai bien fait car j'ai vraiment apprécié.

D'abord, les aventures de Robinson sont vraiment rocambolesques. Avant de lire le livre, je pensais que cela se limitait à un naufrage et un isolement sur une ile. Mais pas du tout ! Ce cher Robinson vit plein d'autres aventures tout aussi épiques.

Ensuite, j'ai aimé la relation qu'il établit avec Vendredi. Si on la replace dans le contexte de l'époque, on se rend compte combien Daniel Defoe avait des idées et des conceptions avant-gardistes. Cela fait du bien, surtout à moi qui vient juste de lire "Voyage au bout de la nuit" dans lequel Céline ne considère pas les blacks en égaux, loin de là.

Bref, j'ai passé un bon moment, très divertissant.
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Robinson Crusoé

Bien calée dans le sable d'une plage battue par les vents, j'ai lu Robinson Crusoé. Surprise qu'il date autant (1719), je me réjouis immédiatement de l'écriture confortable qui en découle, et prends la mer avec le héros (inspiré d'un personnage réel). Robinson est un aventurier dans l'âme : Il a tout sur le continent pour vivre comblé mais, contre les avertissements de ses parents, il décide de prendre le large. Sauf qu'il se repentira de ne pas avoir su apprécier ce qu'il avait, car tout va lui être enlevé. Une succession de péripéties en mer aurait pu lui faire entendre raison, mais Robinson a soif de liberté et d'aventure. Lorsqu'il repart en mer, son navire est pris dans une tempête. Tout le monde périt sauf lui, bon nageur que le hasard ou la providence va échouer sur une île… plus ou moins déserte.





Il va y rester presque 30 ans. Pourtant, aucune longueur dans le texte de Defoe. On se prend au jeu au contraire : on se cherche un coin sur l'île où être abrité tout en pouvant surveiller d'éventuels bateaux, puis on vide l'épave du navire pour sauver de quoi vivoter un temps. On se construit un nid douillet, on le fortifie contre d'éventuels envahisseurs bestiaux ou humains, on finit par regretter qu'aucun envahisseur ne vienne nous tenir compagnie, on tombe sur une vieille bible dans une vieille caisse et on renoue avec Dieu ; on apprend à apprécier ce que l'on a : être en vie sur une île fournissant à boire et à manger, c'est déjà tellement extraordinaire ! Alors on chasse, on cultive, on apprend à se faire du pain et puis du beurre, on s'invente des barbec' à la broche et, par nécessité, on s'initie à la poterie. On se forge un troupeau de chèvre, on apprivoise Poll le perroquet pour qu'il nous fasse un peu la conversation. Et l'on continue de méditer sur le destin et d'invoquer le réconfort de Dieu, qui jusqu'alors n'était pour nous qu'un vague concept…





On a tout le temps pour fabriquer un bateau mais le manoeuvrer seul dans ces courants est impossible. Pourtant, le bout d'île que l'on aperçoit au loin est tentant. Et effrayant aussi : si elle était peuplée de ces sauvages cannibales dont la côte regorge ?

Les années filent, on coche les jours ; plus de quinze ans déjà et… Mais que vois-je ? Une empreinte de pas plus grande que la mienne …?!…





*****



Même si l'histoire est connue, j'ai redécouvert certains « détails » déformés par le dessin-animé de ma jeunesse « Flo et les Robinsons suisses », comme l'apparition de Vendredi, la découverte d'ossements dans une crique, etc…

Il y a peu, je vous disais qu'« Au nom du Japon » m'avait déçue car on ressortait de cette lecture sans savoir ce que le soldat japonais avait bien pu faire concrètement de ses trente années sur l'île. Dans Robinson au contraire, on éprouve avec le personnage le contenu de ce temps élastique. Les petites aventures du quotidien, des explorations aventureuses, quelques rencontres inattendues, et de grandes frayeurs ponctuent le récit.





La démarche n'est pas celle d'un retour à la nature volontaire et militant comme avec Thoreau ou Abbey. Mais on y retrouve, une fois qu'on y est, l'apprentissage puis l'acceptation de la solitude, ainsi que la valeur du travail autant pour survivre que pour s'occuper et vivre dans le présent.

Et ne pas devenir fou. Car on imagine que trente années de solitude forcée doivent finir par peser. Cependant, même retourné à une sorte de vie sauvage, Robinson ne semble jamais faire l'objet de pulsions comme dans certains autres romans (« sa majesté des mouches », « l'île », etc…) : il n'est jamais question de femmes, jamais d'envie de mourir mais au contraire une volonté farouche de vivre, même si c'est pour rester seul sur l'île ; et jamais non-plus d'envies de meurtres même après trente ans de vie sauvage : Quelle que soit la créature, il ne tuera toujours que par nécessité et avec respect.





Qu'est-ce qui protègera Robinson de tout cela, à part son flegme britannique ? Probablement sa redécouverte de la vieille bible, qui l'invite à méditer sur le concept de possession quand on n'a presque rien, de chance dans un malheur qui aurait pu plus mal tourner, et de signes du destin prouvant que Dieu ne l'a pas abandonné, et qu'il n'est pas seul. Les pires moments ne sont-ils pas souvent les plus propices pour se raccrocher à la foi ? Il retrouvera ainsi l'émerveillement de ce que la vie nous prodigue et qu'on ne voit pas toujours. Pour autant la religion n'y est présente qu'en tant que faisant partie intégrante de notre société, mais il s'agit d'un roman d'éducation au sens plus large, d'évasion et d'aventure. Etrangement d'ailleurs, une notion ne quittera jamais Robinson malgré toutes ces années : celle de propriété, de possession ; et celle de « cheffer ».





Une (re)découverte idéale pour les vacances estivales !





« Le plus haut degré de la sagesse humaine est de savoir plier son caractère aux circonstances et se faire un intérieur calme en dépit des orages extérieurs. »





Je vous fais des bises salées et m'en retourne à mon yoga sur la plage !

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Robinson Crusoé

A la différence notoire des autres œuvres suivantes que Daniel DEFOE écrira après "Robinson Crusoé", cet ouvrage a acquis une dimension quasiment mythique au point d'être rapidement devenu un classique de la littérature mondiale.

Quel enfant n'a pas été sous le charme de l'émerveillement dans la description de l'île ou Robinson s'échoue ? Qui n'a pas été ému en s'imaginant tel le héros, perdu et seul au monde dans un décor paradisiaque dont il ignore tout et face auquel il doit au quotidien s'apprivoiser ? Et que dire de la "rencontre" fortuite avec le "Sauvage" ?

Ce roman a émerveillé bien des générations et continue de faire rêver encore aujourd'hui.
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Moll Flanders

Fastidieuse fut ma lecture, courte sera ma critique. Paradoxe. Il y aurait pourtant tant à dire* sur cette oeuvre écrite par un homme mais retraçant l'existence d'une femme.



Une femme du XVIIème siècle.

Comment ça, vous n'avez aucune idée de comment vivait une femme au XVIIème siècle ? En fait de vie, parlons plutôt de survie. Et oui, l'émancipation de la femme est une fraîche fleur printanière au regard des millénaires pendant lesquels les femmes furent pour la plupart totalement dépendantes de l'homme. Père puis mari.



Une dépendance financière et matérielle qui poussera naturellement Moll Flanders, notre "héroïne", à jouer à saute-mari comme d'autres jouent à saute-monton. Des hommes, il en est passé quelques uns dans sa vie, dans son lit, dans ses secrets ! Heurtée, généralement malheureuse, rarement heureuse, Moll Flanders est toujours légitimement préoccupée par l'aspect pragmatique de l'existence et le besoin d'assurer l'avenir proche, ce qui la rend complètement antipathique et pas du tout attachante même si on conçoit ses raisons.



Le récit de Defoe n'est pas aisé à lire, c'est en tout cas mon opinion. C'est un roman chronologique encombré de longueurs, on a la "boussole à maris et à enfants" qui se dérègle au fur et à mesure que la lecture avance, alternant passages pesants et passages plus fluides.



Je pense que je garderai peu de souvenir de cette expérience littéraire hormis sans doute cette impression assez vague et grise d'avoir touché du doigt la misère sociale et morale dans laquelle fut plongée la moitié de l'humanité pendant des siècles.



* Je vous invite à lire notamment l'excellente critique circonstanciée de Parthenia.
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Moll Flanders

Heurs et malheurs de la célèbre Moll Flanders, qui naquit à Newgate, et, pendant une vie continuellement variée qui dura soixante ans, en plus de son enfance, fut douze ans une catin, cinq fois une épouse (dont une fois celle de son propre frère), douze ans une voleuse, huit ans déportée pour ses crimes en Virginie, et enfin devint riche, vécut honnête et mourut pénitente. D'après ses propre mémorandums.

En quelques mots la vie d'une rouée, sans aucune moralité et antipathique.

Le livre est bien écrit, mais j'ai trouvé le personnage pesant et sans doute à cause de cela j'ai très moyennement apprécié ce roman.
Lien : http://araucaria.20six.fr
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Robinson Crusoé

De la légendaire histoire de Robinson Crusoe, je ne connaissais que la lumineuse version de Michel Tournier « Vendredi ou les limbes du Pacifique », et me restait aussi des bribes éparses d'images de vieux films, du genre « L'ile mystérieuse ».

J'ai enfin comblé cette lacune en lisant l'original, le seul, l'unique : Robinson Crusoé de Daniel Defoe, dont on connait tous l'histoire en résumé.

Le livre se découpe en trois parties inégales : la vie de Crusoé de sa naissance à sa vie d'homme, devenu propriétaire de nombreuses terres agricoles au Brésil ; le naufrage et les années sur l'ile ; le retour à la civilisation.

Robinson Crusoé n'était pas une très bonne personne avant son naufrage ; il n'était ni croyant, ni altruiste, ni vraiment mauvais d'ailleurs. Il était un homme de son temps - le 17ème siècle - pressé de faire des affaires et d'agrandir son patrimoine. Pas très différent de tout homme d'affaire actuel.

Mais ce qui causera sa perte, pour son salut ironiquement, sera de vouloir encore augmenter son capital par l'entremise de traite d'esclaves… Il est déjà amusant de voir à l'oeuvre la morale religieuse.

Car ce livre, bien que terriblement attachant et distrayant par son côté historique et vieillot, se veut manichéen à souhait, et mine de rien, d'un grand prosélytisme religieux.

Car comment qualifier autrement la sainte exultation de Robinson quand il prend conscience qu'il est béni de Dieu… ? Une pénitence qui durera 26 ans… Une leçon doublement assénée ; la solitude salvatrice, rédemptrice, puis l'accueil de Vendredi, le bon sauvage à évangéliser. Et pour finir, ce retournement de Crusoé, qui préférera rester en Angleterre, après avoir distribué ses largesses en réparation de son passé, plutôt que de retourner au Brésil, pays de papistes, afin de n'avoir pas à abdiquer… L'argent comme moyen de rédemption. Hum. La bonne conscience à bon prix. Ce n'est pas joli-joli tout ça…

Ceci dit, allez, je vais aussi jouer à être manichéenne, si les préceptes moraux et religieux de Defoe avaient eu autant de succès que le sensationnalisme de l'histoire, on n'en serait peut-être pas là… ceci dit aussi, il a peut-être participer à la prise de conscience du peuple sur l'énormité de l'esclavage… ? Mais j'en doute.

Il n'en reste pas moins que ce Robinson Crusoé de Defoe fut une lecture très plaisante, et maintenant, je connais enfin le récit original qui a inspiré tellement d'écrivains et de cinéastes.



note : la version que j'ai lu est celle annotée et revue par Jean-Pierre Naugrette, à partir d'une traduction de Petrus Borel. J'ai trouvé parfois pénibles les annotations de bas de pages, surtout quand elles expliquent des mots ou expressions relativement connues... mais parfois utile.

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Robinson Crusoé

Ayant quelques attraits pour les romans d'aventure ou d'autres pirates, le temps était venu, par une séance de rattrapage, de m'attaquer à ce monument. Il n'est jamais trop tard, même à quarante piges. Plutôt attiré par son Histoire Générale Des Plus Fameux Pyrates, j'ai préféré découvrir Defoe avec son oeuvre phare auparavant.

Et bien m'en a pris, vraisemblablement.



L'histoire, connue de tous, même des plus ignorants tels que moi, d'un des naufrages les plus retentissants de la littérature, nous fait partager l'exil long de 27 ans du célèbre Robinson Crusoë, sur une île déserte au large du Brésil.

Narrée par le héros himself, parfois sous forme de journal, mais également sous forme de pensées, elle nous délivre en détail tous les efforts déployés par Robinson pour sa survie, de ses balbutiements à son arrivée, jusqu'à un confort relatif quelques années plus tard.



La plume est évidemment un peu passée, mais le style reste relativement agréable à lire, rappelant d'ailleurs le subjonctif à mon bon souvenir. Les personnages, ou surtout ceux que l'on peut croiser en dehors de la majeure partie du roman sur l'île, prennent logiquement une place plus que secondaire, mais restent assez intéressants dans leurs développements.

La vie de Crusoë sur ce caillou plutôt accueillant, se décline par un évident amoncellement de travaux divers et variés, quelques mésaventures, et surtout une introspection profonde sur ses rapports avec Dieu.



Alors je m'intéresse beaucoup aux religions, principalement monothéistes, et prends plaisir dans mes différentes lectures à y trouver diverses références. Mais là, c'est plus compliqué. Des passages complets, de plusieurs dizaines de pages, ne font que ressasser les regrets de notre naufragé quant à son ingratitude envers son Créateur, ou ses nombreuses réflexions sur la Providence. C'est franchement lourd, omniprésent au milieu du roman, et n'apporte strictement aucune plus-value à celui-ci, contrairement aux autres échanges philosophiques que le narrateur peut entretenir avec lui-même. Dommage, de gros temps-morts au milieu d'un récit prenant, le rythme en souffre forcément.

Dernier point négatif, l'utilisation systématique du N-word, comme disent nos amis d'outre-atlantique, qui a agressé mes yeux si sensibles tout le long de ce roman, et Defoe n'en était visiblement pas avare. Un sujet qui fâche, je ne développerai donc pas, mais me devais de le signaler.



Un roman sympa, mais que je ne me serais pas vu lire dans ma jeunesse, et qui ne m'aura pas fait vibrer plus que ça. Un récit qui fait cependant cogiter, et nous pousse invariablement à la question fatidique: Comment m'en serais-je sorti à la place de notre infortuné?
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Journal de l'année de la peste

1665, la peste frappe la capitale anglaise. Daniel Defoe, au siècle suivant, alors que la maladie touche Marseille, prend sa plume pour nous raconter le fléau londonien. Il décrit avec force détails cet épisode, en se basant sur des souvenirs (il avait cinq ans à l'époque), des témoignages et divers documents.

Ce Journal est également l'occasion pour Defoe de présenter des théories médicales très en avance pour son époque. Il s'interroge ainsi des délais d'incubation, des modalités de transmission, etc.



Daniel Defoe nous offre là un tableau complet de l'état de la ville, du comportement de la population, des manifestations de la maladie durant la terrible épidémie de 1665. En ce sens, ce livre est un grand livre.

Cependant, le style détaché, froid et purement descriptif ne m'a pas plu du tout. On notera aussi que le roman n'est pas découpé en chapitres et que les paragraphes semblent s'enchaîner de manière un peu aléatoire parfois, et cela est relativement désagréable.
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Moll Flanders

Daniel Defoë est évidemment « l'auteur de Robinson Crusoé » mais la célébrité de ce roman et du personnage éponyme l'enferment, du moins largement de ce côté-ci de la Manche, tout entier dans cette périphrase. Pourtant, sa Moll Flanders mérite largement qu'on s'attache à ses pas. Héroïne picaresque, elle fait preuve, dans ses multiples aventures et mésaventures, d'une détermination et d'un opportunisme à toute épreuve, renforcés par une amoralité revendiquée (elle vole, ment, trompe, se prostitue, se retrouve bigame, incestueuse - sans le vouloir, il faut lui rendre cette grâce, pour ce dernier fait-) ce dont l'auteur semble répugner à la blâmer trop vivement. On peut imaginer que Defoë, dont la propre vie a été presqu'aussi mouvementée que celle de son héroïne, a mis pas mal de lui-même dans celle-ci (et son expérience de la prison de Newgate lui a certainement permis d'évoquer avec beaucoup d'acuité le séjour qu'y fera Moll Flanders).

Il convient de noter la grande qualité de la préface de Dominique Fernandez (qu'on s'étonne de trouver dans l'univers de la littérature britannique, hors donc de sa chère Italie) et de la traduction de Marcel Schwob (complétée par Francis Ledoux).
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