Michel Thersiquel et
Daniel Gilles : Gréements des côtes de France
C'est sur un voilier que
Olivier BARROT présente le livre de M. THERSIQUEL et D. GILLES, "Greements des côtes de France", avec BT de voiliers.
Daniel Gillès, grand écrivain belge au style à la fois sobre et brillant dit ceci :
"Oscar Wilde aimait à répéter que "la vie imite l'art". Ce qu'il ne disait pas, c'est que ce paradoxe se vérifie surtout dans la vie des artistes, et parfois d'une façon hallucinante, telle cette mort étrange du romancier hongrois Von Horvath, provoquée par la chute d'une branche d'arbre, et calquée exactement sur la fin du héros de son dernier roman".
Ah ces petits secrets si merveilleux qui révélés nous parlent plus que d'autres :
"Le lendemain, enfin, il (Tolstoï) sauta le pas. C'était un samedi, et, en pénétrant dans le salon des Bers, Tolstoï, qui depuis trois jours avait en poche sa lettre de déclaration entendit Sonia jouer du piano dans une pièce voisine et s'empressa d'aller la rejoindre. Bien qu'elle fût seule, il se sentit d'abord trop ému pour lui parler. Et Sonia, qui jouait Il Baccio, une valse italienne qu'elle avait apprise pour accompagner sa soeur cadette, se troubla à son tour ; comme Tania venait d'entrer, pour cacher son émotion, elle lui demanda de chanter. Tandis que la belle voix neuve de l'adolescente s'élevait dans la pièce, Tolstoï, tâtant à la dérobée la lettre qui lui brûlait la poche, se jura que, si elle chantait juste la dernière note, haute et difficile, il remettrait sa déclaration ; sinon, il attendrait. Mais c'est Sonia qui, très nerveuse, accumulait les fausses notes, et Tolstoï dut prendre sa place au piano. Tania acheva sa chanson sur une dernière note triomphale, et aussitôt, consciente sans doute d'être de trop, elle s'éclipsa. Tolstoï eut à peine le temps de remettre sa lettre à Sonia, qui s'enfuit à son tour, en lui criant toutefois d'attendre sa réponse."
Tolstoï confie ces mots dans Souvenirs pour répondre à la demande de son biographe et ami Paul Birukoff, homme remarquable. Ces 100 pages de souvenirs, tentative d'autobiographie, coupent un peu court ou relativisent du moins tous ces supposés écrits autobiographiques attribués à l'écrivain sous la plume de nombreux observateurs. Vu de sa position privilégiée, Tolstoï écrivain picorait à droite à gauche des faits divers, s'inspirait de son environnement humain -parfois tout proche- pour dresser des portraits -l'authenticité était donc présente- et son imagination faisait le reste. Pourquoi eût-il fallu qu'il aille chercher de la matière à mille lieues alors qu'il l'avait à portée de main bien souvent, que ce soit la chasse à l'ours, les tempêtes de neige, les bals de St Pétersbourg, l'administration tsarine, Les tripots, le jeu (dans sa jeunesse), la piété, les courses hippiques, la guerre, le front de Sébastopol, la famine, les femmes, les moujiks, les moissons, les expériences agricoles, agraires, les bois, les étangs, les intendants, les précepteurs, les grands peintres et compositeurs russes, la relation avec ses pairs, souvent pour mieux s'en éloigner d'ailleurs, ses 25000 livres ! En un mot, la grande vie, la riche vie que ce soit en aristocrate avec chapeau de forme ou dans l'habit du moujik et dans ses bottes qu'il confectionnait lui-même .. Sa qualité essentielle est qu'il décrivait, étudiait ce qu'il connaissait et quand il ne connaissait pas il était capable d'apprendre une langue pour percer tel mystère mythologique par exemple ..