Au bout d'un mois, on me confia un groupe de cinquante hommes. Ils étaient démoralisés, les yeux continuellement baissés, sans même savoir où ils se trouvaient dans leur gigantesque pays. Je les réunis et leur parlai franchement. Ils allaient devoir travailler dur pour remettre en état le terrain d'aviation. Certains objectèrent d'une voix plaintive que, selon la Convention de Genève, ils ne pouvaient être forcés de travailler. Qu'est-ce qu'ils préféraient ? leur demandai-je. Rester assis dans leur cellule ? Je leur posai la question en allemand. je leur posai la question en tchèque. Je leur posai la question en hollandais. Je leur posai la question en anglais.
Au fil des semaines, un lien de fraternité se noua entre moi et ces hommes qui avaient été mes pires ennemis. Non content de superviser mon groupe, je m'occupais de faire enregistrer la dizaine de nouveaux arrivants qui, chaque jour, nous étaient envoyés de leurs bases dans les régions du Nord. La plupart des prisonniers du camp avaient été pilotes de Messerschmitt et de Junkers ou avaient servi dans les chemises brunes, mais ceux qui restaient d'étaient pas des soldats : ouvriers ferroviaires, gardiens d'immeuble, guichetier... Les troupes alliées avaient arrêté tous ceux qui portaient l'uniforme.