Daniel Vaxelaire. Extrait du film "Les années lumière de La Réunion".
-Peut-être n'y aura-t-il plus d'esclavage, un jour, rêvait l'autre jour, Angélique.
Innocente : si cette forme disparaît , les hommes en inventeront d'autres. Il est si universel et si ancien, le jeu de la domination.
A cette époque, il y avait peu d'hommes plus célèbres que moi dans l'île. Mais la gloire n'est pas synonyme de richesse, ni de paix, encore moins de bonheur !
demain nous voyagerons sur la mer de sable !! elle brûle l, homme faible, elle
forge l, homme fort...
- ...hélas.. elle ne refroidit pas les sens de la femme...
En ce début de XXIe siècle, la Réunion n'a pas encore fini de se chercher. Elle ne sait pas tout-à-fait ce qu'elle est, mais elle sait ce qu'elle n'est pas : un département comme les autres, une copie de Maurice ou des Antilles.
La très grande majorité de la population vit modestement, voir misérablement. Pratiquement aucune habitation ne bénéficie de ce qui est de nos jours associé au confort minimal : pas d'eau courante, pas de salle d'eau, pas de W.C. et évidemment pas de lumière, hormis celle dangereuse, que dispensent bougies et lampes à pétrole. Les incendies accidentels sont un des fléaux de l'époque, et rasent parfois tout un quartier de constructions en bois.
J'ai retrouvé dans le grenier de la maison paternelle, en cet endroit qu'on appelait jadis "les sables" et qui est aujourd'hui le centre ville de Saint-Paul, les liasses épaisses répandues devant moi...
Sur le papier jauni, le trait de plume est droit, l'écriture est ferme. L'homme savait pourtant que son temps était court : il connaissait son terrible destin, et il n'a pas eu peur. Il savait quel jugement il pouvait attendre de ses contemporains, et il ne lui restait qu'à écrire son histoire, sans la farder de justifications ou d'excuses, dans l'espoir qu'un jour peut-être un inconnu la lirait et comprendrait.
J'ai été celui-là. Et je vous porte ce récit.
Daniel Vaxelaire
Le Boucan, St Gilles, Ile de la Réunion.
(quatrième de couverture de l'édition parue chez "Folio Junior" en1988)
Le visiteur de la Réunion de 1900 découvre une île assommée, recroquevillée sur les souvenirs d'un passé qui fut fastueux : les belles demeures créoles, qui font encore la fierté des grandes villes et de certains domaines canniers, c'est au milieu du XIXe siècle qu'elles se sont construites. Après, il n'y avait plus d'argent. Et si beaucoup ont traversé le temps c'est que ce manque de moyens a duré plus d'un siècle : jusqu'aux années soixante, la plupart de leurs propriétaires n'ont pas pu se permettre de remplacer les "vieilles cases" par des constructions plus modernes, plus solides certes, mais surtout plus laides.
Je me nomme Guillaume Brancher, fils d'Alexandre Brancher, colon de l'île Bourbon, et de Marie Mirel.
J'ai vingt-cinq ans et je sais que je vais mourir.
Il me reste deux à trois mois tout au plus, le temps qu'on réunisse les derniers témoins, et qu'on fasse venir le grand juge de Port-Louis de l'île de France ; alors le conseil supérieur de Bourbon, cette assemblée où tant de visages me sont familiers, où j'ai compté tant d'amis, pourra me condamner.
Je serai fou d'espérer leur clémence. Ils voudront au contraire que mon châtiment soit exemplaire : je suis traître à plus d'un titre.
Un jour peut-être, les hommes changeront. Les idées aussi. Et les règles coloniales qui régissent ce siècle seront oubliées, voire méprisées. J'écris ce livre dans l'espoir d'être lu par un homme de cette époque future.
Pour lui, je veux conter ma vie avec détachement, comme si j'avais déjà quitté mon enveloppe charnelle. Et devant lui, je ne serai pas tenté de me justifier ; car ce qui est aujourd'hui circonstance atténuante pourrait être circonstance aggravante dans un siècle....
(extrait du premier chapitre "Si j'écris aujourd'hui" de l'édition parue chez "Folio junior" en 1988)
Le gouverneur Graeb estime à plus de 60 000 âmes la population esclave en 1848. Environ la moitié d'hommes, un quart de femmes et un quart d'enfants.
Une commune à part dans la Réunion rurale : elle est ouvrière et rebelle (comment s'en étonner quand on voit les conditions de travail de l'époque ?), elle est mal-aimée des conservateurs, mais c'est par elle que la Réunion respire, elle est née du port et plus tard va apprendre à vivre non plus de lui, mais à côté de lui : naissance d'une cité résidentielle et industrielle.