Danièle Brun

La nouvelle de Balzac intitulée Le Colonel Chabert, qui inspira le Pr Jean Bernard pour son livre relatant son expérience de premier président du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE), avec plusieurs exemples de retours à la vie après un traitement anticancéreux, et qu’il nomma Le Syndrome du colonel Chabert ou le vivant-mort, me parut également correspondre aux nombreux suivis que j’effectuais. De ce point de vue l’intrication des désirs de vie et de mort qui se nouaient au fil des épisodes de la maladie devint centrale dans mes travaux et dans mes pensées.

S'assurer d'une amitié dans les moments difficiles est un projet qui ne se présente pas que dans les livres et qui offre la possibilité de sortir d'une situation douloureuse ,dans laquelle on se sent prisonnier.

Ne plus vouloir revoir son psychanalyste est chose courante, quasi normale, dirais-je, qui se produit dans chaque cure. Comment mieux se débarrasser de ses tourments intérieurs qu'en rayant de son univers celui qui les matérialise ? Mais d'où provient cette insistance à se débarrasser d'un intrus, ou de pensées perturbatrices ? Plus que l'adulte, sinon mieux que lui, l'enfant connaît l'existence des vœux d'exclusion qui peuplent sa vie psychique. Ils sont constitutifs de la relation souterraine qu'il entretient avec ses parents et avec ses frères et sœurs, qu'il voudrait parfois voir disparaître de son horizon faute de parvenir à se substituer à eux.

Les dires de l'enfant sont une transcription condensée des pensées qui l'ont amené à prononcer telles paroles plutôt que telles autres, à tel moment. Cette transcription résulte du passage d'un mode d'expression à un autre, passage dont, comme pour le rêve, nous ne pouvons connaître les signes et les règles que lorsque nous avons comparé la traduction et l'original.

Toutes les façons de dire, de narrer un vécu à plus ou moins grande distance des événements, restituent les effets de cette division interne, du clivage intime que créent inévitablement les traitements du cancer.