Vidéo de Danielle Michel-Chich
Pour moi, la route a été longue, parfois tortueuse, en tout cas intense. Pour courir sans tomber, sans se cogner la tête, il vaut mieux éviter de regarder en arrière et aller de l'avant. Ce que j'ai toujours fait. Aujourd'hui, j'ai décidé de raconter ce j'ai fait de ce que vous m'avez fait.
Vous êtes madame la destinataire de cette lettre. (Extrait de la page 12).
Mais j'ai adopté cette histoire un peu comme on adopte un enfant : dès la première heure, sans conditions, dans un élan naturel. Puis j'en ai apprivoisé les contours, jour après jour.
Et nous nous sommes acceptées l'une l'autre, nous avons grandi ensemble, avec les ajustements incontournables et tous les petits arrangements au quotidien.
Et, toujours, avec ce souci de ne pas me laisser réduire à ce que cette histoire a fait de moi. Vous ne m'aurez pas ainsi, Madame ! p.83
Pour moi, la route a été longue, parfois tortueuse, en tout cas intense. Pour courir sans tomber, sans se cogner la tête, il vaut mieux éviter de regarder en arrière et aller de l'avant. Ce que j'ai toujours fait. Aujourd'hui, j'ai décidé de raconter ce j'ai fait de ce que vous m'avez fait.
Vous êtes madame la destinataire de cette lettre. (Extrait de la page 12).
Le déni n'est pas forcément ce fléau implacable que l'on nous fait croire. Mon état, mon avenir ne me tourmentaient pas.
Si l'on faisait comme si rien ne s'était passé, c'est que rien de grave ne s'était passé. Et si on n'en parlait pas, alors c'est que c'était comme ça parce que c'était comme ça. Dont acte.
Je ne romps ce silence, dans une initiative audacieuse de désobéissance à la règle familiale, qu'aujourd'hui, Madame, en vous écrivant. p.28
Je n'aurais simplement pas voulu que cette bombe du Milk Bar vous serve à poser la première pierre de votre longue carrière politique.
On ne me parla ni de ce qui s'était passé, ni des circonstances de l'événement, ni de mes blessures, ni même de mon état et de ses conséquences. Mes parents ne semblaient pas s'étonner que je ne pose pas de questions. Ils se contentaient jour après jour de feuilleter gentiment des livres de contes avec moi..
Vous avez vécu, Madame, vous avez agi dans un siècle de violences, et aussi de violence libératrice. (...) Jusqu'à aujourd'hui encore, auteurs et cinéastes n'ont parlé de vous, (...) les fidayate (celles qui passent à l'action armée), que sur le mode héroïque : icônes torturées qui se sont sacrifiées pour le peuple, intouchables images de la révolution. Nous aussi, les "petites victimes", nous avons eu notre brève heure de gloire d'ailleurs : des enfants aux membres amputés ont été exhibés en double page dans Paris Match à l'époque pour horrifier la France et l'unir contre vous. J'ai alors été préservée de ces images de manipulation, de propagande. Lorsque, plus tard, je les ai découvertes, je me suis sentie humiliée d'avoir été ainsi utilisée.
Une fois partie, je n'ai plus eu qu'à me laisser porter par mon goût naturel de la vie. Jusqu'à dix-huit ans, j'avais été suffisamment passive et patiente. Je mis mes sangles au feu pour cesser enfin d'être celle que je n'étais pas. Gloutonne, je mis les bouchées doubles.
- Heureuses les femmes qui accomplissent leur unité, elles naissent à elles-mêmes et enfantent un monde rassemblé.
- Heureuses celles qui effacent les frontières, la Matrie est leur Terre, elles retrouvent leurs origines.
- Heureuses les femmes qui s'éloignent du rivage des Pères, elles jettent leurs filets en eaux paisibles, et font reculer la violence et la guerre.
- Malheureuses celles qui usent de leur séduction pour récolter les privilèges des Pères, elles confortent leur désordre, celui qui génère la hiérarchie et la concurrence des femmes.
- Bienheureuses les femmes qui font émerger leur continent noir, une nouvelle Terre apparaît et elles la fécondent.
- Heureuses celles qui crient leur espérance dans un désert de mort, la multitude ne les entend guère, mais elles font sourdre les sources de la vie.
- Malheureuses les femmes qui se taisent et se soumettent pour avoir la paix, elles préparent la guerre.
- Heureuses celles qui rompent les mots et les partagent, sous la cascade du rire germent d'autres grains pour d'autres terres.
- Bienheureuses les femmes qui subvertissent le
Verbe, elles font naître la Parole.
- Heureuses celles qui font passer leur rêve dans le quotidien, elles font taire la fureur du monde.
- Heureuses les femmes qui se construisent dans la multitude et se forgent dans la solitude, leur force est la pierre angulaire du nouvel édifice.
Il Heureuses celles qui ont conscience de la pau-vreté, elles ménagent les ressources de la planète et préparent un monde de partage.
- Bienheureuses les femmes qui savent s'aimer ensemble, fille et mère se reconnaissent et la Loi change de visage.
Bienheureuses celles qui annoncent l'Utopie,
l'Histoire se souvient des Prophétesses. »
Un cri du cœur spontané et un credo longuement élaboré, que Thérèse revendique toujours.
(P. 75).
Lorsque j'ai commencé à vous écrire, vous étiez une inconnue pour moi. Vous avez servi de prétexte à ce récit. Sans doute m'en fallait-il un car, face à d'autres souffrances, j'éprouve de l'indécence à disséquer ainsi mon histoire