L'HYGIENE DE VIE DE RICHARD BURNS
"Tous les matins, je me lève et je lis la rubrique nécrologique. Si mon nom n'y est pas, je prends mon petit déjeuner."
Quand j'étais jeune, j'avais le visage lisse et des robes plissées, maintenant, c'est le contraire.
Ne raconte pas votre vie, de toute façon on ne te croirait pas.
Le femme la plus femme depuis Ève mordant la pomme... c'était un homme !
Contrairement à ce qu'il laissait croire lorsqu'il se disait né en 1947, Patrick Modiano, s'il n'a pas connu la guerre, a donc un lien puissant avec elle:il lui doit la vie.
Héritage flamand de Modiano:
Un père juif. Une mère flamande. Quelques pères ou grands-pères de substitution...Quelle peut être l'identité du fils d'une telle famille ? Au tout début de sa carrière, Patrick Modiano avait abordé le sujet en se focalisant sur la judéité, sur fond d'Occupation. Peu à peu, cependant, l'héritage flamand trouve également sa place dans les textes. Et il se révèle lui aussi décisif. Dans sa prime jeunesse, quai Conti, Modiano a en effet baigné dans le flamand de Belgique, la langue de sa mère, arrivée en France trois ans plus tôt, et surtout des parents de celle-ci, venus d'Anvers s'occuper du bébé. A cette époque, vers 1947, "je suis toujours avec eux, et e ne comprends que le flamand", écrit-il dans Un pedigree. Une confidence qui révèle une double absence. Celle du père évidemment, qui n'a pas pas immédiatement transmis sa langue, le français. Mais aussi celle de la mère: la langue dite maternelle semble provenir moins d'elle que des grands-parents.
Patrick Modiano n'a guère évoqué la façon dont il est passé du flamand au français. Ni le rôle que ce changement de langue a pu jouer dans sa vocation d'écrivain, dans son choix de faire du langage son métier. Cependant, le constat est là: aujourd'hui, Modiano n'écrit pas dans la langue de sa mère. Il choisit ses mots en français dans une langue qui paraît moins donnée que conquise.p.103
Qu'en dit l'auteur? Interrogé en 2001, il résume brièvement la situation. "Le 'je' de mes autres romans a toujours été un peu vague, c'est moi et pas moi", déclare-t-il. La formule peut paraître un peu courte.Elle décrit pourtant parfaitement la façon dont l'auteur avance à moitié masqué, et le principe même de ce genre hybride que constitue l'autofiction.
Peut-on jamais se débarrasser de ses fantômes?