Eve Francis
Dans cet
entretien filme en mars 1973 (d'après un questionnaire établi par D.
RABOURDIN) l'actrice Eve FRANCIS, grande interprète du
théâtre de CLAUDEL, évoque toute la période du
cinéma et du
théâtre en France à laquelle elle a participé en tant qu'interprète. Elle raconte ses débuts au
théâtre avec lugne-
POE et CLAUDEL, dans le rôle de sygne de coufontaine dans L' "otage". Elle...
J'envie l'avant-garde et ceux qui la pratiquent, mais je n'en fait pas partie. C'est leur tempérament, ce n'est pas le mien. Ce qui me touche, ce sont les modernités qui arrivent sans la volonté de l'être : quand on voit "A bout de souffle" par exemple, il y a là une modernité qui n'est même pas voulue par Godard. On a l'impression que les pièges du cinéma le font déboucher sur la modernité.
Ce qui m'intéresse au cinéma c'est de montrer des gens qui ne sont pas forcément des paumés, mais qui ont une faille. L'être humain me touche quand il est blessé.
Enfant, j'étais très timide, très sauvage. Timide car je ne devais pas croire en moi. Je pensais être incompris - ou incompréhensible - d'où mon attirance précoce pour les bistrots vus de loin, ces lieux ouverts qui donnaient l'impression d'abriter en permanence la fête, de pouvoir parler et d'avoir un échange avec des gens.
C'est ce qui m'a plu d'emblée avec le cinéma : communiquer, participer, rendre service, sans même éprouver le besoin d'être payé puisque les gens vous remerciaient de les aider. Bref, se sentir exister !
Cet homme extraordinairement pudique avait encore les larmes aux yeux en parlant du tournage (des "Choses de la vie"), de ce qu'il avait obtenu de ses acteurs, et de Romy Schneider en particulier : "Plus elle parlait bas, plus elle parlait juste."
Ces fins ouvertes plaisaient infiniment à Claude. Il trouvait que la vie était comme ça
La sculpture, ce sont les visages, les corps. C'est vivant. J'aimais tellement la sculpture, que lorsque je me suis aperçu que je ne pourrais jamais gagner ma vie avec, qu'il me fallait un atelier et que je ne pouvais pas en faire un métier, j'ai arrêté complètement. Je me suis promis de ne plus y toucher. En fait, je n'ai retrouvé ce lien avec la sculpture qu'à travers la prise de vues au cinéma.(...)
Le fait que j'aime filmer la présence physique, le mystère et l'opacité des visages remonte sans doute à cette espèce d'amputation volontaire de la sculpture.
Je suis typiquement le produit du "cinoche"d'avant-guerre, sans pour autant me sentir vraiment un cinéphile. Les films muets par exemple, j'en ai vu sur le tard (quand j'étais à l'IDHEC ) ça m'embêtait.