Eduardo Berti vous présente son ouvrage "
Mauvaises méthodes pour bonnes lectures : petit ouvroir de lectures potentielles" aux Éditions de la contre allée. En partenariat avec Lettres du Monde.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2813845/eduardo-berti-
mauvaises-methodes-pour-bonnes-lectures-petit-ouvroir-de-lectures-potentielles
Note de musique : © mollat
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Exercez-vous à imiter les signatures d'autres personnes.
Au début vous essayerez (convaincu d'être un autre, d'avoir une autre identité), mais de vos doigts germera à nouveau, tenace, la signature habituelle. Ce n'est pas facile, mais avec un peu de patience vous serez en mesure de tracer des signatures si diverses que personne ne se doutera qu'elles proviennent d'une seule et même main.
Passez ensuite à l'étape suivante: dédicacez-vous quelques livres de votre vaste bibliothèque. Peu importe que Walter Scott soit mort depuis des siècles, peu importe que Gustave Flaubert n'ait jamais estampillé une phrase cordiale (ou pas) en espagnol ou en italien. Prenez un livre parmi ceux que l'on considère comme « immortels» et demandez à un écrivain célèbre de vous le dédicacer, à vous, lecteur inconnu.
Lisez le livre (ou relisez-le) sous le frisson de cette dédicace.
Ma fille de 30 ans est médecin. Cela nous rapproche tous les deux. Je lui dis souvent que les autres se trompent quand ils assurent qu'un bon soignant doit trouver la distance idéale face aux patients. Je lui dis que ce que nous devons trouver c'est la présence idéale. Et que c'est loin d'être un simple jeu de mots.
Très inquiet parce qu’il entendait de plus en plus souvent que « dans ce monde tout est déjà inventé », il a mis au point une machine qui crée de l’espace libre pour les choses qui restent à inventer. Maintenant il peut donner libre cours à sa très vaste imagination.
Il avait transformé la montre en une montre semi-crabe, s'il est possible de la baptiser ainsi (la trotteuse vers l'arrière, et l'aiguille des heures vers l'avant), et d'un air dégagé il nous demanda si cela nous plaisait. Il aurait été courageux de dire non, mais le fait est que cela nous plaisait énormément.
L'ennui de la perfection, c'est qu'elle est impossible à atteindre. Faire disparaître l'imperfection est une utopie parfaite... Tout comme éliminer la mort.
Je n’ai pas lu Jouhandeau : il fait partie de la longue liste d’écrivains que, je suppose – sauf miracle ou cas de force majeure – je ne lirai jamais ; c’est impossible, il faudrait vivre mille ans ou, plutôt, ne pas vivre et ne faire que lire, lire et lire. Lire qui, d’accord, est aussi vivre. Mais qui ne l’est pas si on ne fait que ça.
À l’époque, j’aimais bien la notion selon laquelle la « patrie » d’un écrivain est sa langue natale. Aujourd’hui, avec plus d’ancienneté comme étranger, je préfère l’idée que son véritable pays se trouve dans ses livres : ceux qu’il a lus ou désire lire (sa bibliothèque), ceux qu’il a écrits ou rêve d’écrire (certains appellent cela une « œuvre »).
Un beau jour, il y a déjà de nombreuses années, la poste apporta à l'écrivain Rudyard Kipling un paquet qui lui était adressé. C'était un soldat français du nom de Hamonneau qui l'envoyait, et il contenait une copie de l'édition française de son roman Kim, avec un si profond impact de balle que seules les vingt dernières pages étaient intactes. Dans une lettre qui accompagnait le livre, Hamonneau disait que s'il n'avait pas porté le roman dans une poche de poitrine, il n'aurait pas survécu à la Grande Guerre. L'envoi postal contenait également la médaille de la valeur décernée à Maurice Hamonneau.
Imaginez, dans un jeu de miroir évident, quel livre fr ançais aurait pu sauver la vie d'un soldat anglais dans cette même guerre. Imaginez le nom du soldat anglais et l'attitude qu'aurait adoptée l'écrivain français au moment de recevoir son volume à demi troué.
Dans le cas de Kipling, bien qu'il ait insisté pour rendre les deux objets immédiatement, il finit par les léguer à Jean, le fils d'Hamonneau. Et la copie de Kim avec sa ronde blessure est aujourd'hui l'un des trésors les plus précieux de la bibliothèque du Congrès des Etats-Unis.
Imaginez où serait passé le livre français.
Passez une journée sans rien lire, absolument rien. Pas un livre, pas un magazine, pas une quelconque indication, pas une publicité de rue, pas un de ces milliers de mots que nous croisons et qu'il est impossible ou presque de ne pas lire. Fermez les yeux dès que vous voyez ou flairez la moindre présence de mots.
Faites, ce jour-là, la grève du lecteur.
Inventez une raison, un motif absurde ou crédible pour cette grève.
Quand je sortais, j’avais du mal à me souvenir que j’étais à Paris. Je me sentais comme le personnage de cette nouvelle de Cortázar qui, sans transition aucune, parvient à passer de Buenos Aires à Paris ou vice-versa, comme on ouvre une porte et change de dimension.
Cimetière Club, 1, p. 26