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Critiques de Elsa Triolet (109)
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Les Amants d'Avignon

Elsa Kagan, jeune femme russe juive deviendra ElsA Triolet en 1919, puis en 1928, une rencontre décisive à la Coupole lui fera rencontrer celle dont elle sera la muse à jamais : Louis Aragon. Leurs jours, leurs destins, leurs livres se lieront jusqu'à leur mort, en 1970, pour ElsA et 1982 pour Louis.



Dans cette nouvelle : Les amants d'Avignon, Elsa Triolet insiste fortement " comment la biographie d'une œuvre dépend de la biographie de son auteur"

Les amants d'Avignon est une nouvelle qui fait partie de la littérature de la Résistance.

Qui selon ElsA Triolet est dictée " par l'obsession et non par une décision froide. Elle était le contraire de ce qu' on décrit d'habitude par le terme d'engagement, elle était la libre et difficile expression d'un seul et unique souci: se libérer d'un intolérable état de choses."

Juliette Noël, dans la nouvelle est une jeune dactylo, dont la vie quotidienne va soudain se muer en danger permanent, prenant des risques insensés jusqu'à l'héroïsme. Juliette, va tout simplement faire de la Résistance dans la région Rhône-Alpes, entre Avignon et Valence.

Beaucoup d'analogies avec la propre vie d'Elsa Triolet qui se cachera à Saint-Donat , dans la Drôme, pour elle aussi résister.

Ce qui est très bien montré dans cette nouvelle, c'est comment la force des événements a soufflé les destins de toutes les femmes, de tous les hommes et mettant à nu leur véritable nature.

C'est ce que l'on ressent nettement quand Juliette, cachée pour la nuit dans une ferme, a froid, elle avait peur d'un tas de choses. Oui, mais en 1942, on n'avait plus le choix d'avoir peur, on devenait fort malgré soi.

Cette nouvelle qui sera publiée en 1943, sous un pseudonyme, rend un très bel hommage à la Résistance, au courage des Hommes.



ElsA Triolet et Louis Aragon reposent en paix et ensemble dans leur manoir à Saint-Arnoult en Yvelines. Je vous conseille la visite, de ce manoir devenu un musée où souffle une brise légère qui nous susurre e à l'oreille qu'Elsa et Louis sont toujours avec nous.

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L'âge de nylon, tome 1 : Roses à crédit

"Le plastique c'est fantastique" dit la rengaine. Il est surtout la marque du progrès, et surtout de la propreté, du lisse, du conformisme. Tout ce dont reve Martine, née dans la fange et la misère. Elle sera manucure ("Luxe, calme et volupté") et épousera Daniel, horticulteur dont elle est amoureuse depuis petite fille. Mais cet amoureux des roses et delà campagne se laissera-t-il enfermer entre 4 murs à crédit ?

C'est tout une époque qui reprend vie sous nos yeux : la découverte du confort moderne pour tous ou presque au sortir de la Deuxième guerre mondiale. Et pour ceux qui ne peuvent pas payer tout de suite, autre innovation : les crédit, sur tout pour tout ! Pour votre plus grand bonheur ! Vraiment ? Quand on voit à quelles fins fut réduite Martine, il nous est permis d'en douter.

C'est le début de ce sur quoi beaucoup essay de revenir : trop d'accumulation, trop de nourriture, trop de plastique. Trop de trop. L'enfermement, l'encerclement des choses. L'oubli des sentiments humains pour des questions bassement matérielles. C'est triste à mourir et c'est peut-être aussi une sorte d'avertissement...
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Mille regrets

La préface de Louis Aragon témoigne bien de l’atmosphère qui prévaut dans ces quatre nouvelles écrites alors que le couple était entré en Résistance et qu’il vivait dans la clandestinité (Lyon, la Drôme, Villeneuve-les- Avignon…) Ce sont des chroniques romancées à la fois très réalistes , lucides, mais aussi surréalistes qu’Elsa a pu observer et analyser.
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Le destin personnel - La belle épicière

Deux nouvelles de Elsa Triolet pour 2 euros. Histoire de se plonger un peu dans l'époque peu glorieuse de l'occupation. Auteure inconnue pour moi jusqu'à maintenant. Dans ces deux nouvelles, outre l'intrigue décrivant vie de ces deux femmes, c'est plutôt l'ambiance de cette période qu'elle décrit admirablement, qui m'a intéressé. Je ne peux m'empêcher de repenser à certains films comme par exemple « La ligne de démarcation » de Claude Chabrol. Cette difficulté de vivre, cette promiscuité obligée, la sensation d'étouffement ou de danger de chaque instant, la difficulté du ravitaillement… On comprend la volonté de Charlotte, l’héroïne du « Destin personnel » de vouloir quitter Paris pour rejoindre ses amis à la campagne dans un endroit complètement isolé. J'aime beaucoup ce passage où elle profite de leur absence pour marcher nue dans la campagne et sentir l'air sur sa peau. C'est une liberté incroyable. En quelques pages, Elsa Triolet nous brosse ces deux intrigues de la vie quotidienne avec les mots justes, sans misérabilisme, mais juste la réalité de la vie.

Ces deux nouvelles m'ont également fait prendre conscience que cette époque dont ma mère, ayant à peu près l'âge du personnage à l'époque, me parlait souvent. C'était même devenu un peu mon histoire, par génération interposée. Maintenant, c'est juste la perception du temps qui passe.
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L'âge de nylon, tome 1 : Roses à crédit

Jusqu’ici, l’œuvre d’Elsa Triolet restait un territoire inexploré, la résonance de son nom me ramenait aux années « lycée », à sa rencontre avec Aragon, qui m’avait plus marqué que sa production littéraire. En considérant sa biographie, j'ai réalisé que le français n’était pas sa langue maternelle, ce qui ne l’empêchera pas de recevoir un Goncourt. Quel mauvais élève je fus ! Quel fossé d’auteur, un abime que le temps ne suffirait à combler ! L’histoire de Roses à crédit se lit sans faim même si la fin se fonde sur ce besoin primaire, un lit de misère crasse et de rongeurs qui y font leur nid. Là où tout commence, tout finit, cette parabole biblique, l’auteur la nourrit de la peinture d’une société de consommation naissante, de son avatar le plus sournois, le crédit. À ce titre, la description de ce mal qui se propage inéluctablement parmi les couches ouvrières, m’a rappelé les réalités contemporaines du surendettement des ménages et les drames sociaux qu’il provoque. Elsa Triolet, témoin de son époque pressentait déjà la déréliction qu’entraînera la consommation compulsive comme remède au mal-être social ou à la souffrance des plus fragiles. Le destin de Martine. Daniel, lui, rêvera d’une rose, amalgame entre le passé et la modernité. Une réussite que la science lui offrira. Presque soixante-dix ans plus tard, où en sommes-nous ?
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Le Rossignol se tait à l'aube

Un court texte mais fort en émotion, presque envoûtant!



L'action dure une nuit, accompagnée par le chant du rossignol car les convives sont dans une salle donnant sur un parc. Ils font un repas festif, une seule femme se trouve avec eux. Il s'agit probablement d'artistes mais ils sont tous anonymes (si ce n'est un prénom parfois) ainsi que la femme.

La femme rêve par instants et une sorte de confusion due au rêve teinte le texte. Des souvenirs, des émotions fortes s'entremêlent dans une écriture raffinée, poétique, précise. C'est un peu comme si elle ressassait les grands moments de sa vie. Une violente douleur physique apparaît par intermittence, de façon récurrente.

Une sorte de langueur se ressent, avant la fin de cette nuit, comme dans un sorte d'attente: serait-ce les effets de la vieillesse?

Qu'y a-t-il au bout de cette nuit peu commune?



Les pouvoirs de la nuit sont décrits de façon très imagée: nuit comme un masque, l'ombre où se cacher, où l'on vit à tâtons, nuit propice au rêve aussi (p.10).

J'ai beaucoup aimé ces créations d'images de mots, ces phrases emphatiques mais qui sonnent tellement juste. J'ai eu le sentiment d'être présente au milieu des convives!



Première rencontre avec cette auteur, certainement pas la dernière!
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Le cheval blanc

je l'ai acheté suite à un téléfilm vu sur je-ne-sais-plus-quelle-chaîne cet été et dont le nom m'a échappé, mais bref : ça se passait pendant la guerre d'algérie et l'une des héroïnes offrait ce livre à son amoureux , ce qui m'a rendu curieuse. BREF BREF BREF . Je ne me souviens plus précisément ( ma lecture date un peu ... ) mais je sais que dans l'ensemble j'ai vraiment aimé ce bouquin (et... rien à voir mais : j'ai vraiment galéré pour en trouver un exemplaire ... j'ai dû me tourner vers le marché de l'occasion et j'ai tâché de choisir celui qui était le moins abimé ... pas simple ... je ne comprends pas pourquoi certains bouquins de qualité ne sont plus édités...).
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L'âge de nylon, tome 1 : Roses à crédit

« Mon frigidaire, mon armoire à cuillères , mon évier en ferre et mon poêle à mazout..mon cire-godasses, mon repasse-limaces, mon tabouret à glace… et mon chasse-filous » . 1956. Boris Vian soufflait sa complainte du progrès à la gueule du monde.

« Depuis longtemps ils en rêvaient ,de la ville et de ses secrets ; du formica et du ciné…. »

chantait Ferrat.en 1964.

..1953...1957...1959 publication de « roses à crédit » .

La France d’après guerre. Le monde d’après…Après la guerre mais toujours en galère , en misère. L’âge de nylon, comme l’âge d’un enfer .

La France rêve plastique, pense plastique, bouffe pastique.

Avoir, avoir, à force de ne jamais pouvoir être…

Partir vers les lumières de la ville..S’écraser, se brûler dans le halo-vitriol des vitrines débordantes d’ incandescentes chimères .

Crédit consommation, aliénation…Rappelez vous, les bons de la Semeuse de la Samaritaine..et le crédit Sofinco en 1951...

Elsa Triolet avait déjà tout compris. Les trente glorieuses...mais pour qui ont-elles été glorieuses ?

Oui certaines, certains en rêvaient durant ces hivers des années 50.

L’hiver 54 avait le cri du désespoir.

Oui bien évidemment, la montagne est belle, mais les périph, les faubourgs de nos villes, les bans de nos villages, et nos banlieues, leurs caves, leurs bidonvilles, n’avaient pas, et n’ont toujours pas, les couleurs de belles chaumières pour celles et ceux qui n’avaient jamais vu la mer, jamais vu les Alpes, à peine vu le ciel…

Oui Elsa Triolet avait bien vu ce désespoir cette quête illusoire, ce chemin perdu, cette folie, cette course qui pour certaines et certains avaient toujours été perdue d’avance…

Il fallut attendre dix ans, soit 1969, pour que le personnage de Marie, dans le film de « la fiancée du pirate », de Nelly Kaplan venge le destin de Martine Donelle, personnage de roses à crédit. Mais 1968 avait fait son œuvre.

« “Les barricades n'ont que deux côtés.” déclarait Elsa Triolet….C’est toujours vrai.

Roses à crédit est le premier opus de la trilogie « l’âge de Nylon ».

Suivront « Luna Park » et « l’âme », qu’il me tarde de découvrir.



Astrid Shriqui Garain

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Mille regrets

Il y a certains grands auteurs de la littérature française dont on a malheureusement beaucoup de mal à trouver les œuvres aujourd’hui car elles ne sont plus éditées. Vient alors la chasse aux occasions chez les bouquinistes ou sur la toile mais les prix souvent exorbitants refroidissent considérablement le pauvre lecteur qui n’a plus qu’à se morfondre de frustration.

Elsa Triolet, la non moins talentueuse compagne du célèbre Aragon, fait partie de ces auteurs difficilement trouvables mais pour notre plus grande joie les éditions Denoël rééditent son recueil de nouvelles Mille regrets paru à l’origine en 1942 chez le même éditeur.

Ce recueil se compose de 4 nouvelles que j’ai toutes aimées sans préférence particulière. Trois d’entre elles mettent en scène une femme et la deuxième dans l’ordre du recueil, la plus longue, est entièrement consacré à un homme. Quatre portraits donc, d’un homme et de trois femmes confrontés à leur destin, aux affres de l’amour et du mariage. Et ce que j’ai adoré chez Elsa Triolet c’est sa capacité à faire abstraction de son propre sexe et de pouvoir mettre en scène aussi bien des hommes que des femmes avec leurs propres désirs, soucis, inquiétudes sans que jamais cela ne sonne faux. Elsa n’est pas comme ces auteures qui ne savent/ veulent pas sortir de la littérature de genre. Ses propos sont unisexes et elle évoque des thèmes qui parlent à tous. Elle ne fait pas de favoritisme et est aussi dure avec les femmes qu’avec les hommes. Les portraits qu’elle brosse ne sont donc pas toujours flatteurs. Bien au contraire. Les destinées qu’elle imagine sont empreintes de nostalgie, de mélancolie, de souffrance et de tragique.

La première nouvelle porte le titre du recueil. Le personnage principal qui est aussi la narratrice et dont on ignore le nom se trouve en zone libre à Nice. Elle est seule, l’homme qu’elle aime est apparemment mort, elle n’ose pas demander confirmation car il était marié à une autre. Sans famille, ni amis vers qui se tourner, elle doit se débrouiller pour survivre dans un contexte de guerre où la nourriture et les vêtements sont un luxe. La misère et les privations impriment leurs marques sur ses traits et son corps. Une curieuse rencontre l’aide momentanément à mieux vivre. Une autre, qu’elle cherchait pourtant à éviter, va bouleverser sa vie.

J’ai adoré cette nouvelle. J’aimerais vous dire en détails pourquoi mais je serais obligée de spoiler et ce n’est pas concevable. Cette nouvelle m’a beaucoup touchée et émue. L’atmosphère y est très mélancolique et Elsa Triolet parvient incroyablement bien à rendre l’état d’esprit de son personnage.

La deuxième nouvelle, intitulé « Henri Castellat » nous emmène à Paris peu avant la guerre. Henri est écrivain et est en âge de se marier, sa mère ne cesse de l’y pousser. Il rencontre une jeune femme magnifique Annabelle avec laquelle il s’entend à merveille au tout début. Mais la belle commence à avoir quelques exigences, de ces exigences qui font fuir les hommes. Un lâche, voilà ce qu’est Henri pour elle. Il fuit l’amour et ses responsabilités. Conscient de l’approche de la guerre, Henri cherche à quitter l’Europe. Une nouvelle assez cocasse avec un personnage qui refuse tout engagement quel qu’il soit. Ses rapports avec les femmes, sa mère ou ses fréquentations, sont l’occasion de scènes amusantes qui peuvent paraître « cliché » mais qui reflètent néanmoins la réalité. Elsa Triolet y montre tout son humour et n’hésite pas à tacler les petits travers féminins … et masculins.

La troisième nouvelle « Le destin personnel » s’ouvre sur un monologue désabusé de Charlotte, femme mariée à un homme qu’elle n’aime pas. La guerre l’oblige à accueillir chez elle la famille de son beau-frère ainsi que sa mère. Son beau-frère ne travaille pas, sa belle-sœur est convalescente, son neveu un véritable chenapan. Charlotte s’use la santé à gérer sa maisonnée et trouve une bouffée d’oxygène lorsqu’elle peut enfin s’échapper à l’occasion d’une invitation à rejoindre un couple d’amis à la campagne. Là encore les conditions de vie sont difficiles mais Charlotte trouve son bonheur dans cette grande maison dépeuplée et ces paysages envoûtants. Magnifique nouvelle avec des descriptions courtes mais somptueuses qui invitent vraiment au rêve. On se prend à envier les escapades champêtres de Charlotte. Mais Elsa Triolet nous mène par le bout du nez et les apparences sont trompeuses.

Quatrième et dernière nouvelle « La belle épicière » me fait penser à un mélange de Madame Bovary, L’Assommoir et Nana. Madame Louise est l’épicière du quartier. Aimée de tous ses voisins, son commerce ne désemplit pas et malgré un mauvais mariage et un garnement qui n’en fait qu’à sa tête, tout va plutôt bien. Madame Louise est une belle femme, en témoigne les visites quotidiennes et ponctuelles de « L’amoureux », visites attendues et accompagnées des éclats de rire des voisins. Oui, Madame Louise est une belle femme, elle ne s’en rendait pas compte jusqu’à maintenant, prisonnière qu’elle était de son quotidien. Mais dorénavant, elle en est consciente, elle a du « sex-appeal », une révélation qui va complètement chambouler la vie de cette brave épicière. Une nouvelle qui tient presque de la fable, j’ai adoré encore une fois.



Sublime découverte que la plume d’Elsa Triolet. Son style concis, efficace, sans fioritures ni artifices dégage une grande force qui exacerbe les sentiments de ces personnages. Les descriptions sont sublimées par des métaphores bien choisies et d’une grande poésie. Le ton est libre, parfois familier sans être vulgaire, je ne m’attendais pas à ça venant d’une femme de l’époque, j’avais parfois l’impression que c’est un homme qui écrivait !



J’ai beaucoup aimé la façon dont Elsa aborde les sujets de la solitude, de la lâcheté, de la souffrance sentimentale. C’est triste, mélancolique, désespéré. Elle est directe mais le fait avec beaucoup de pudeur et de tact. La guerre est toujours là, son ombre plane sur chaque récit, non pas à travers la présence de l’occupant mais à travers la vie quotidienne, des petites choses qui semblent, en dehors des grands malheurs, insignifiantes ou banales.

Bref, je suis complètement conquise ! Je crois bien avoir enfin trouvé l’auteurE qui me corresponde par son style et les sujets qu’elle aborde. Elle me parle.

Et puis me voilà réconciliée avec le genre de la nouvelle.

J’espère vraiment que les éditions Denoël continueront leur travail de réédition des œuvres d’Elsa Triolet.




Lien : http://cherrylivres.blogspot..
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L'âge de nylon, tome 1 : Roses à crédit

"Roses à crédit" m'a semblé être plus qu'un roman. Au fur et à mesure que j'en parcourais les pages, j'ai eu le fort sentiment d'être devant un vieux documentaire mais qui reste cruellement d'actualité.



C'est le récit d'une vie, celle de Martine, jeune fille qui grandit dans l'insalubrité, la pauvreté et les mœurs douteux de sa mère dont les nombreux enfants sont le fruit. L'école, théâtre d'une rencontre cruciale avec Cécile, la sauvera de cette misère.

Sous l'aile protectrice de Mme Donzert, qui petit à petit l'extirpera de son milieu, elle finira par monter à Paris pour travailler dans l'univers de la beauté. Tout va pour le mieux, elle y retrouve même l'homme qu'elle aime, Daniel et l'épousera.

Ses bienfaiteurs lui offrent un appartement pour son mariage et très vite elle sombre dans une addiction : fièvre acheteuse la poussant à acheter sans cesse et à se couvrir de dettes.

Elle reste à flots un certain temps, trouvant de nouvelles sources de revenues, parfois inattendue, mais elle finit par être dépassée et termine là où tout a commencé, dans la cabane insalubre de sa mère et connait une horrible et cruelle fin.



"Roses à crédit" est un roman froid, brutal apportant une vision acerbe et réaliste sur la société de consommation de l'après-guerre (1950-1960). Société de consommation très actuelle et finalement le roman ne prends pas beaucoup de ride dans le fond.

Elsa Triolet fait une critique cinglante de son personnage principal dont l'amour du confort, de la propreté et de la modernité causeront sa perte. Martine sombre dans la superficialité, et les objets qu'elle se procure ne lui apportent qu'un bref plaisir, elle est dans un cycle sans fin.

Son mari Daniel, lui, est au contraire un homme simple, amoureux de la nature et notamment des roses dont il rêve d'y ajouter une nouvelle espèce. L'antagonisme entre les deux époux provoquera leur séparation, déjà effective depuis un certain temps puisque lui vit dans sa ferme et elle préfère son appartement moderne.

Bref, Elsa Triolet met en avant les pièges et la face sombre de la société de consommation, de l'endettement par les crédits et de cette addiction moderne qu'est l'achat compulsif.



Un roman dur et les âmes sensibles doivent se préparer à une conclusion, que moi-même je n'ai pu oublier depuis ma lecture de ce livre durant mon adolescence.
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Le premier accroc coûte deux cent francs

Écrites de 1942 à 1944, ces quatre nouvelles sont réunies dans un recueil paru à la libération sous le titre symbolique d'un message annonçant sur la radio de Londres, le débarquement en Normandie de juin 44 : » le premier accroc coûte deux cent francs »

A l'exception de la dernière nouvelle qu'elle écrit à Paris en automne 1944, Elsa Triolet écrit ses textes dans la clandestinité, le premier d'entre eux : « Les amants d'Avignon » sera publié par les Éditions de Minuit en 1943 sous un pseudonyme.

Il est émouvant de lire dans ces histoires qu'elle raconte, le lien très fort qui existe entre la fiction et l'expérience qu'elle a vécue. En introduction au récit, elle évoque d'ailleurs dans une préface, comment elle a traversé ces années, et on retrouve dans ses lignes le terreau de son récit, écrit dans une langue d'une poésie solaire et d'un réalisme acéré.

Elle met en scène des personnages qu'elle connaît bien, ils sont majoritairement de son monde, artistes, journalistes, ils ont quitté Paris et se retrouvent en fuite, de villages en campagnes, de logement meublé en pensions de famille, ils sont perdus :

« Dans le salon où tout le monde se réfugiait parce que c'était le seul endroit chauffé, Alexis se sentait comme un bateau par gros temps. »

Pour eux, le quotidien, c'est la chaleur étouffante l'été, le froid mordant l'hiver, la difficulté de s'approvisionner et surtout le ballotement de leurs vies, suspendues à la peur, à l'incertitude. Ils font contraste avec ceux qui s'engagent : des femmes comme Juliette qui cherche des planques dans la montagne, comme Louise qui se cache, déjà arrêtée une fois, des hommes comme Célestin, comme tous ces villageois qui aident le maquis. Pas de manichéisme toutefois, la réalité est toute en nuances, Henriette et Alexis applaudissent aux bonnes nouvelles du front et la part de rêve est forte chez Juliette ou Louise. C'est le rêve qui fait écrire à Louise ses souvenirs d'enfance en Russie dans la neige immaculée de Moscou, une enfance qui ressemble à celle d'Elsa, et Louise cache ses cahiers sous un pêcher tout comme Elsa le fait de ses écrits. le rêve et la poésie ont raison de tout, ils transfigurent la réalité : Juliette cachée dans la maison perdue oublie les rats au spectacle de la neige, elle oublie la solitude et demande à Célestin de faire comme si, et les messages d'amour qu'ils voient gravés sur les murs du fort Saint André se prennent à une nouvelle vie. le miroir est partout dans ces histoires, dans la description de Lyon en ville laide et détestée à l'image de ce que ressentait l'auteur elle-même, dans la description de la petite ville refuge au bord du Rhône avec son « café de la poste et du sauvage » qui plante son décor dans les deux nouvelles qui se suivent. D'une nouvelle à l'autre, il y a des rencontres, Alexis et Louise se croisent, se reconnaissent, elle aide Alexis à se remettre à la peinture, il l'aide sans le savoir à inventer des histoires. A leurs côtés, il y a tous ces personnages, croqués sur le vif, la logeuse envahissante, l'industriel généreux, et deux mondes qui coexistent, ceux qui « sont en dehors de tout » et ceux qui sont dans l'action même modeste, ceux qui cachent, ceux qui savent, ceux de la plaine et ceux du maquis. Pas d'héroïsme grandiloquent dans ces lignes, juste la réalité fragile de l'occupation, Juliette est arrêtée en allant aux Galeries Lafayette. La réalité de la guerre est toutefois bien là et elle déchaine sa violence alors que tout semble promis à finir, la dernière nouvelle met en scène dans l'été 44, les massacres et la fureur que la défaite annoncée de l'Allemagne voit décupler.

Un récit sincère qui n'exclue pas les aveuglements (sur l'URSS notamment) mais qui apporte un témoignage historique fort tout en hissant le récit historique au rang d'une superbe création littéraire.

Une lecture émouvante.

Ce livre a obtenu le prix Goncourt en 1945, premier Goncourt attribué à une femme.

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L'âge de nylon, tome 1 : Roses à crédit

Tant que j'en suis à lire du Aragon, autant lire du Elsa Triolet: j'ai trouvé sur un marché Roses à crédit, que je me suis empressée d'acheter, bien évidemment.

Alors je l'ai lu en une journée et... je ne sais pas trop quoi en penser, du fait sans doute de la simplicité de l'intrigue qui laisse un vague sentiment de fatalité à la fin de la lecture. Cela se lit très facilement et très rapidement, le style n'est pas marquant mais tout à fait appréciable au fil de la lecture.



C'est l'histoire de Martine, une jeune fille qui a tout pour elle, mais qui habite dans une vieille cabane au fond des bois avec sa mère, son père adoptif et ses nombreux frères et sœurs. Dégoûtée par ce milieu, elle décide d'aller vivre chez sa meilleure amie, Cécile, dont la mère, Mme Donzert, est un peu comme une mère adoptive pour elle.

Elle travaille alors dans le salon de coiffure familial, jusqu'à ce que Mme Donzert se marie et parte à Paris avec les deux filles. Là, Martine se fait employer le prestigieux Institut de Beauté. Martine semble réussir sa vie sous tous points de vue, d'autant qu'elle se marie avec Daniel, l'homme qu'elle a toujours aimé.

Mariée, Martine va habiter un petit appartement, mais seule car Daniel préfère rester à la campagne pour s'occuper du domaine familial, une roseraie renommée, afin de créer de nouvelles roses. Commence alors la décadence pour Martine, car, pendant que sa vie sociale et amoureuse s’effiloche, elle succombe à l'émergence de la société de consommation et au fameux "crédit" qui permet de tout acheter et de rembourser sur le long terme, alors même qu'elle n'en a pas les moyens...



J'ai été assez sceptique au début de ma lecture, car j'y voyais une sorte d'apologie de la femme parfaite, de la beauté, de l'intelligence. En vérité, c'est tout justifié par cette trame de l'oeuvre qui est celle du conte de fée qui tombe en miette. Martine a tout de la princesse (M. Georges, le mari de Mme Donzert la compare à la princesse au petit pois, et, par sa folie maniaque, c'est ce qu'elle est), elle a tout pour vivre un conte de fée, mais elle s'autodétruit d'une façon qui m’horripile assez, au point que je n'ai eu aucune compassion pour elle. C'est pour moi un personnage qui se situe entre Emma Bovary et Scarlett O'Hara, sauf qu'elle ne procure pas cet attachement que l'on peut avoir pour des personnages pourtant désagréables (comme Scarlett O'Hara ou Catherine Earnshaw).



C'est en effet un personnage totalement vide, qui ne sait pas aimer, une pure égoïste qui ne suscite pas la moindre compassion. Ce passage résume bien tout le personnage et sans doute tout le roman lui-même:

"Sur le papier glacé, lisse, net, les images, les femmes, les détails étaient sans défauts. Or, dans la vie réelle, Martine voyait surtout les défauts... Dans cette forêt, par exemple, elle voyait les feuilles trouées par la vermine, les champignons gluants, véreux, elle voyait les tas de terre du passage des taupes, le flanc mort d'un arbre déjà attaqué par le picvert... Elle voyait tout ce qui était malade, mort, pourri. La nature était sans vernis, elle n'était pas sur papier glacé, et Martine le lui reprochait".



On voit bien ici que le personnage de Martine est rongée par son caractère manique: tout doit toujours être parfait, mais le revers de cette perfection, c'est que tout n'est que façade (comme son appartement). Le point intéressant dans cette description, c'est que Martine se faisait appeler Martine-perdue-dans-les-bois car, petite, elle avait disparu dans la forêt et tout le village était parti à sa recherche pour finalement la trouver endormie au pied d'un arbre, absolument pas paniquée. Une vraie petite princesse (on se souvient de Blanche-Neige qui chante avec les animaux de la forêt). Mais en vérité, elle n'est jamais sortie et ne sortira jamais de ces bois, des bois de la société de consommation, des bois du crédit.



Martine est une jeune femme qui ne lit pas, parce que "les histoires des autres [l']embêtent, [elle a] déjà assez de mal avec la [sienne)" (ce qui est assez ironique car sa vie est un conte de fée, ce qui prouve qu'elle met l'idéal si haut qu'elle ne pourra jamais l'atteindre). Finalement, il lui manque sans doute cela: le romanesque. Si Emma Bovary succombe au rêve d'une vie romanesque, au moins a-t-elle un monde intérieur riche, bien qu'elle passe à côté de sa vie; Martine passe à côté de sa vie, et n'a rien pour elle: elle est vide. Cela me fait penser à ce passage que je trouve assez drôle: Daniel l'emmène dans un musée (car lui aime l'art), et lui demande ensuite ce qu'elle a aimé: "Rien, dit Martine, j'aime mieux la toile sans peinture dessus, propre...". A l'image de ce qu'elle aime, j'ai le sentiment que Martine est une toile sans peinture, et c'est pourquoi je n'ai pas réussi à établir de lien avec elle.



En fait, je dirais que le lecteur se retrouve dans Daniel, car il essai de l'aimer, mais la personne de Martine est tellement hermétique, fermée, qu'on se heurte à un mur, et on finit par la délaisser sans peine. Daniel et Martine n'ont rien en commun: Daniel a pour passion la rose, et il cherche de toutes ses forces à créer une nouvelle rose (c'est-à-dire quelque chose d'après tout éphémère, de vivant), mais Martine ne comprend en rien cette passion et refuse de le soutenir dans cette entreprise (d'où le fait qu'ils vivent séparément), car pour elle, seuls les biens matériels qui font d'elle une petite bourgeoise exemplaire ont de la valeur. En somme, elle met toute sa vie dans des objets monstrueux là où Daniel comprend qu'il ne faut pas grand'chose pour vivre, et que la création et l'amour suffisent à l'Homme.



"[...] lui, ne souhaitait qu'une chose: la voir heureuse. Et c'était incompréhensible qu'un bonheur qui dépend d'objets inanimés, que l'on peut simplement acheter, fût disputé à qui que ce soit... Daniel se sentait mesquin, pauvre de générosité. Et en même temps révolté de voir le bonheur à la merci d'un frigidaire. Qu'est-ce qu'il y pouvait, mais qu'est-ce qu'il y pouvait!

Que pouvait-il contre l'idéal électro-ménager de Martine? C'était une sauvage devant les babioles brillantes, apportée par les blancs. Elle adorait le confort moderne comme une païenne, et on lui avait donné le crédit, anneau magique des contes de fées que l'on frotte pour faire apparaitre le démon à votre service. Oui, mais le démon qui aurait dû servir Martine l'avait asservie. Crédit malin, enchantement des facilités qui comble les désirs, crédit tout puissant, petite semaine magicienne, providence et esclavage.

Daniel se sentait battu, bêtement battu par des objets. Sa Martine-perdue-dans-les-bois convoitait follement un cosy-corner".



Pour conclure - et parce que je ne veux pas donner le sentiment que je n'ai pas aimé ce livre, ce n'est qu'envers Martine que j'ai développer une certaine répulsion - je dirais que c'est un livre à lire, trop peu connu sûrement, ce qui est fort dommage car c'est un livre simple, accessible à tous, dont la thématique de la société de consommation permet d'expliquer une époque (les Trente Glorieuses) mais permet aussi de réfléchir sur notre propre époque qui ne permet guère aux individus de faire mieux que Martine. C'est agréable aussi, de retourner vers une écriture simple qui pose simplement l'intrigue: l'Homme a tout pour être heureux, mais la société est un obstacle propice à sa chute. En outre, c'est un livre que l'on peut aisément utiliser dans une dissertation de lettres, de philo, d'histoire selon le sujet, et je pense que la simplicité de l'oeuvre est ici un avantage pour la démonstration. Par conséquent, je recommande!
Lien : http://miettedepomme.blogspo..
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L'âge de nylon, tome 1 : Roses à crédit

Dialectique matérialiste contre mysticisme consumériste.



France. Années cinquante. La société meurtrie de l'Après-guerre glisse dans le consumérisme. Martine-perdue-dans-les-bois, issue de la plus basse extraction miséreuse, se retrouve plongée progressivement dans le monde doré du superflu et de l'apparence-reine. En opposition, se trouve son mari Daniel, très attaché à sa ferme et à ses expérience en génétique comme rosiériste. Le temps passant, le fossé de leur relation se creuse, entre une Martine revenue du pays des mystères et s'accommodant d'une vie futile "à crédit" et, d'autre part, d'un Daniel convaincu du progrès humaniste se devant d'être au centre d'une vie sincère et vraie, harmonieux avec la Nature.

Compagne d'Aragon, Elsa Triolet développe une idée chère au mouvement communiste de l'époque, à savoir le triomphe de la dialectique matérialiste face aux visages multiples du mysticisme multiséculaire.
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Le premier accroc coûte deux cent francs

Quelle belle surprise de lecture... J'en suis encore bouleversée d'autant plus qu'Elsa Triolet a écrit ces quatre nouvelles en français alors que sa langue natale est le russe.

C'est la lecture du texte "Les amants d'Avignon" qui m'a incitée à lire le recueil complet intitulé "Le premier accroc coûte deux cents francs" qui a valu à Elsa Triolet d'être la première femme lauréate du prix Goncourt en 1944.

Il s'agit d'un livre poignant puisqu'il raconte le quotidien durant la deuxième Guerre mondiale à hauteur d'hommes et de femmes. C'est surtout un livre sur la résistance, plus précisément sur les résistantes.

Je suis surprise de la présentation sous forme de nouvelles. Pour moi, ce livre peut être considéré comme un roman car il y a une homogénéité de l'ensemble : la narration est chronologique, de 1940 à 1944, il y a une unité de lieux (le maquis par exemple ou Lyon, la ville omniprésente) et les mêmes personnages se croisent dans les différents textes comme le peintre Alexis Slavsky et la journaliste Louise Delfort.

D'ailleurs, "La vie privée ou Alexis Slavsky", la deuxième nouvelle, est un texte d'un peu moins de deux cents pages, un vrai roman avec dix-neuf chapitres. Mais il est vrai que les quatre nouvelles se tiennent bien pour les raisons évoquées et qu'il est judicieux de les avoir publiées ensemble.



Après avoir fait le portrait de Juliette, une jeune dactylo qui vit à Lyon et travaille pour la résistance auréolée de son courage et de sa féminité dans "Les amants d'Avignon" écrit en hommage à Laurent et surtout Danielle Casanova déportée à Auschwitz, "La vie privée ou Alexis Slavsky" est un texte centré sur un homme, un artiste peintre qui passe la guerre à tenter de l'oublier au côté d'Henriette sa femme protectrice. Cela ne l'empêche pas de prendre conscience du courage des résistants et d'apprécier Louise, la résistante proche des communistes. C'est cette dernière qui écrit sa vie dans les "Cahiers enterrés sous le pêcher" durant une planque. Quand elle n'arrive pas à dormir parce qu'une voisine folle hurle dans la nuit, les souvenirs d'enfance en Russie de Louise Delfort lui reviennent avec une telle poésie que l'on ne doute pas qu'Elsa Triolet évoque ce qu'elle connaît bien.

"Le premier accroc coûte deux cents francs" est le message codé annonçant le débarquement à la radio. C'est la dernière nouvelle et la plus courte, centrée sur l'espoir de paix qui m'a laissée haletante tellement la période est troublée avec les horreurs commises avant la retraite de l'armée allemande.



La puissance littéraire de ce livre vient probablement du fait que ces quatre textes ont été écrits réellement en temps de guerre et ont connu la censure. Ce livre est donc aussi un témoignage même s'il mélange fiction et réalité car Elsa Triolet évoque aussi bien les conditions de déportation de Louise son héroïne que la mort de la féministe et résistante française Berty Albrecht.

Je voulais ajouter que j'ai lu une édition de 1945 qui a renforcée mon coup de coeur pour ce livre car s'il y a des vieux livres sortant des caves ou des greniers qui sentent mauvais, celui-là sent bon. La lecture de ses pages vanillées a été délicieuse, même si le sujet n'est pas vraiment sucré, ce qui les rendent encore plus inoubliables.





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Les Amants d'Avignon

J'ai lu plusieurs biographies d'Elsa Triolet mais c'est la première fois que je lis une de ses nouvelles. J'avoue que je l'avais cantonnée dans l'ombre d'Aragon qui a poétisé ses yeux, parce qu'elle a souvent un air austère sur les photos qui ne m'attirait pas.

Eh bien, j'ai changé d'avis car sa plume m'a subjuguée. J'ai adoré lire "Les amants d'Avignon" pour son écriture parfaite, sa profondeur et son intérêt historique.



Elsa Triolet fait le portrait de Juliette, une jeune dactylo qui vit à Lyon avec sa tante et son fils adoptif durant la deuxième guerre mondiale. Dès qu'elle a du temps, elle travaille pour la résistance, auréolée de son courage et de sa féminité. Agent de liaison, elle voyage en train pour organiser les planques à la campagne et rentre souvent épuisée. En mission à Avignon, elle rencontre Célestin avec qui elle passe de beaux moments intimes depuis qu'il a accepté sa proposition de jouer à s'aimer. Mais l'amour en temps de guerre ne peut-il être qu'un jeu ?



Ce texte m'a touchée. Les personnages sont particulièrement bien incarnés, on court avec Juliette dans les traboules de Lyon pour échapper à la gestapo.

Si c'est au quotidien qu'est décrit la vie de cette résistante, cette nouvelle dénonce aussi les Français qui appliquent les mesures antijuives. Il faut dire que ce n'est pas par hasard puisqu'elle a été publiée aux Éditions de Minuit en 1943, dans la clandestinité, sous le pseudonyme de Laurent Daniel en hommage à Laurent et Danielle Casanova déportée à Auschwitz.

Il ne me reste plus qu'à lire le recueil complet de quatre nouvelles incluant "Les amants d'Avignon" intitulé "Le premier accroc coûte deux cents francs" qui a valu à Elsa Triolet d'être la première femme lauréate du prix Goncourt en 1944.





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Les Amants d'Avignon

Elsa Triolet le précise dans sa Préface à la clandestinité (Edition Folio), Les Amants d'Avignon est une nouvelle parue illégalement en 1943 sous le pseudonyme de Laurent Daniel. Alors que le bout du tunnel de cette terrible épreuve, qu'a été l'occupation de notre pays, n'est pas encore en vue, elle a voulu témoigner, dans le feu de l'action, de l'engagement en résistance de gens ordinaires, simples, dont l'histoire ne retiendra sans doute pas le nom. Ils auront pourtant tout risqué pour voir notre pays délivré du joug de l'occupant. Le courage au quotidien, désintéressé de toute gloire, mais pas de l'ardent désir de retrouver la liberté.

Plus que la teneur réelle de cet ouvrage, ce sont les circonstances de sa conception et son intention qui ont retenu mon intérêt.

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L'âge de nylon, tome 1 : Roses à crédit

Oublié depuis une quarantaine d'années dans les livres mis au grenier, voilà qu'une amie me le demande et qu'elle en fait l'éloge...

En relisant ces pages, le talent d'Elsa Triolet me revient en mémoire et je l'ai de nouveau bien apprécié !

Dans les années 50/60 Martine est née d'une mère misérable, et elle supporte mal la pauvreté de la cabane dans laquelle elle vit avec ses frères et soeurs.

Amoureuse depuis longtemps de Daniel, dont le père possède une exploitation de roses, elle rêve d'ailleurs, de confort, d'aisance matérielle. Elle est plus que jolie, elle séduit et avance dans la vie avec ses espérances, sa soif de nouveauté et de confort, même si elle doit pour cela s'endetter.

Cet ouvrage est le reflet d'une époque, l'après-guerre.

Mais n'est ce pas l'ébauche de cette croissance qui à présent nous submerge?
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L'âge de nylon, tome 3 : L'âme

Une écrivaine dans la mouvance du mouvement surréaliste, une histoire d'automate, une référence à Edgar Allan Poe, le Paris du début des années 60, une petite ambiance à la Jean-Pierre Jeunet, des personnages touchants, une réflexion sur l'âme des créations artificielles, une écriture élégante… Tout cela m'a semblé très alléchant, et pourtant, je m'y suis ennuyé.

En fait, aucun de tous ces arguments ne semble poussé jusqu'au bout, j'ai attendu que le récit s'emballe, j'ai attendu l'envolée lyrique, la dérive fantastique, ou spirituelle, le moment où tout dérape, ou alors, un moment de grâce, de réflexion originale, de poésie, mais en vain, même la fin reste trop neutre.

Ce n'est pas un mauvais roman, loin de là, mais il manque l'étincelle que pouvait laisser envisager l'intention du départ.
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L'âge de nylon, tome 1 : Roses à crédit

Une petite fille qui vit dans le milieu le plus sordide d'une mère semi prostituée: la crasse, les rats, l' alcool, la faim !

Heureusement, l'école lui fait découvrir une "meilleure amie" la fille de la coiffeuse : dans le salon, tout est propre, sent bon et côté tendresse, tout est beau !

La petite fille, plus ou moins aidée par la coiffeuse et son amie, échappe à son milieu et avec ses repères obsessionnels devient manucure et se construit une vie totalement inverse à son enfance.

Jusqu'à l'obsession, jusqu'à l'auto destruction : son monde doit être non seulement propre mais immaculé !

Au prix d'achats inconsidérés et ...à crédit !

C'est cette déroute qu'Elsa Triolet étudie : belle, mais inculte (enfin peu cultivée) agréable mais incapable de supporter le monde réel (même celui de l'homme qu'elle aime par dessus tout) et surtout en fuite de sa propre histoire, Martine rêve la beauté, la propreté et ..l'électro ménager !

Jamais fleur bleue, plutôt cruel, ce livre nous permet de décoder certains comportements humains que, trop vite et avec bonne conscience, on pourrait juger : simpliste.

La fin du livre fait mal !
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Le premier accroc coûte deux cent francs

C’est la critique de Chestakova ici, belle et intelligente, qui m’a donné envie de lire « le 1er accroc.... ». Je suis un fou d’Aragon et pour moi Elsa Triolet n’était que la femme de...

J’ai découvert une vraie autrice. Ses belles phrases précises et vives décrivent admirablement villes, paysages, sentiments et ambiances. (Je me suis régalé avec les descriptions de Lyon, tellement pertinentes et avec celles de Moscou sous la neige, propres à faire rêver).

Les personnages sont campés avec justesse au moyen d’images originales qui font mouche. (« ...ce beau garçon méridional a la loyauté des terrains de sport... »)

Le récit est bien construit et nous tient en haleine : je n’ai pas pu lâcher ma lecture avant de savoir ce qu’il adviendrait d’Alexis, d’Henriette ou de Louise.

Il exclut tout manichéisme ce qui lui confère profondeur et densité.

Un bémol tout de même peut-être : les épilogues, à mon sens un peu bébêtes, ne sont pas à la hauteur des récits. Mais la petite déception finale est bien peu de chose comparée au plaisir de la lecture. Après tout il existe des voyages où l’itinéraire est bien plus beau et enrichissant que la destination.

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