Un jour Ella a demandé à sa mère ce qu'était qu'un être humain. " C'est une personne qui pense avec son coeur, qui cherche toujours à faire le bien et qui respecte tout, jusqu'au moindre caillou, lui a répondu Bessie. C'est quelqu'un qui est persuadé que ce minuscule caillou va lui parler et lui enseigner quelque chose. Quelqu'un qui connait la raison de notre présence sur terre, de la pousse des plantes, de l'existence du ciel et des quatre saisons. Un être humain comprend la nature. Il n'oublie jamais qu'il ne vaut pas mieux qu'un autre et que nous sommes tous égaux quelles que soient notre langue ou notre couleur de peau. C'est ça un être humain."
Les Navajos conçoivent l'univers comme un lieu parfaitement structuré dans lequel toute chose vivante, de l'insecte à la montagne, du rocher à l'être humain, a sa place, son rôle et sa raison d'être. " Le bien et le mal coexistent, non pas comme principes abstraits mais comme éléments complémentaires faisant partie d'un tout." Le bien peut se transformer en mal et vice versa : c'est une question d'équilibre. Le bien, c'est l'ordre et l'harmonie ; le mal, le désordre et la confusion. Et en cas de déséquilibre, l'intervention d'un homme-médecine, ce personnage hautement expérimenté et infiniment respecté, permettra le retour à l'ordre originel.
" Traditionnellement, je ne pense pas que nous donnions à ce mot le sens que lui attribuent les Blancs. C'est en subvenant aux besoins de quelqu'un qu'on manifeste son amour." Harry parle lentement, d'une voix douce, et s'arrête dès qu'il pressent que nous voulons l'interrompre.
" Je ne sais pas ce que les livres t'ont appris, dit le vieux traditionaliste au psychiatre, mais la chose la plus importante que j'ai reçue de mes ancêtres c'est qu'il existe une part de notre esprit dont on ne sait pratiquement rien et qui exerce une très grande influence sur notre état de santé." Lorsque le vieil homme parla de sa vie et des circonstances qui l'avaient poussé à devenir guérisseur, Bergman fut très impressionné de découvrir que l'ancien accordait un rôle non négligeable à la dynamique inconsciente. dans sa jeunesse, il avait dû lui-même être soigné suite à un accident et l'homme-médecine qui l'avait traité avait vu dans cet accident un acte manqué.
Il n'y a donc pas de faille dans le système. Il n'est en rien ébranlé ou invalidé. En s'adaptant aux changements, il sauvegarde la principale valeur navajo : l'amour des proches, l'amour des amis. L'hozho ajoute à l'hozho. Ce qui est bon pour eux est bon pour soi. Ce qui est bon pour soi est bon pour eux. Egoîsme et altruisme ne sont en rien contradictoires.