Une invention des hommes qui surpasse l’imagination sans doute trop conventionnelle de la nature ; on l’appelle déjà le Septième Continent ? Il n’a que six fois la taille de la France mais devrait encore grandir : d’ici 2030, sa superficie pourrait être multipliée par dix ! En 2030, quand l’océan Glacial arctique aura fondu, un continent aussi vaste que lui aura donc émergé au nord de l’océan Pacifique. Un continent d’ordures.
Dans un contexte de fuite institutionnalisée de toute relation de contrainte liée à la nature, contrainte de température, de distance, d’effort physique ou de volonté, nous ne faisons malheureusement que fuir notre propre nature et repousser le moment où nous serons inévitablement amenés à la retrouver.
Le footballeur est un héros dans la mesure où les médias reconnaissent en lui un vecteur de dépaysement pour une masse en mal d’aventure et de gloire. Hier, le héros – combattant, humaniste – aidait le peuple à sortir de la crise. Aujourd’hui, comme à l’époque romaine, il occupe les stades pour la lui faire oublier.
Je me demande si la satisfaction que nous éprouvons à vivre, si les équilibres, même bringuebalants, que nous avons pu composer, ne sont pas des façons de nous éloigner d'une connaissance approfondie de ce que nous sommes et du monde qui nous entoure. Entre conforts ordinaires et convictions approximatives, que savons-nous de la vie ?
Ces corps fragiles, sublimés par un soleil qui leur promet pourtant ne connaître qu'un été, ont des contours de dentelle. Les banquises ne ruissellent pas, elles attendent. Sans voix et en choeur, elles prient. Par leur présence, ellles exaucent mes voeux et m offrent leur protection.
Nous détruisons la Terre pour rien. Pour un niveau de vie qui ne fera jamais la qualité de vie. Le monde marchand s'est imposé en substituant à la recherche d'un bonheur émotionnel si délicat à trouver un bonheur plus accessible qu'il suffirait d'acheter en consommant. A prendre les incitations des marchands pour modèles de vie, nous avons perdu le fil du chemin collectif comme du chemin personnel. Nous voilà embraqués par des courants qui nous dépassent et focalisons notre attention sur nos petites affaires plutôt que de regarder où ces courants nous mènent. Tel une gigantesque plaque de glace emportée par la dérive, le monde vogue arbitrairement. Personne ne tient la barre. Modifier telle ou telle institution, changer de dirigeant ou de politique ici ou là sera sans effet. Nous sommes pris dans un mouvement de fond qui nous dépasse.
La nature nous accompagnait, nous reliait à tout ce qui vient d’elle, nous convertissait au respect. Mais la nature est blessée, très gravement cette fois. La perte des glaces, c’est la perte du sang.
Un obstacle qui rend la question de la survie planétaire quasiment insoluble tient à la difficulté qu'éprouvent les sociétés humaines à traiter des causes d'un malheur, alors qu'elles excellent quand il faut prendre en charge leurs conséquences. Peu de personnes s'attachent aux causes comportementales, culturelles et historiques qui vont déclencher une catastrophe ou un conflit. Et moins un individu comprendra le monde, plus il sera tenté d'escamoter les causes au profit des outils élaborés pour répondre à leurs conséquences.
Les sociétés antérieures tendaient bien sûr vers une amélioration de leurs conditions matérielles, mais pas seulement, et ce qui inspirait l'élan collectif ou mobilisait la plume des écrivains, du salut de l'âme à l'égalité entre les hommes, était avant tout d'ordre immatériel. Ce qui était rentable n'empêchait pas ce qui l'était moins d'exister. Le temps avait encore le droit de s'étirer.