10 Tenuous Quick Questions | Eowyn Ivey
"Mais on n'a pas besoin de comprendre les miracles pour y croire, au contraire, songeai Mabel. Pour avoir la foi, il fallait cesser de chercher des explications et se contenter de tenir la petite chose au creux de votre main le temps qu'elle se change en eau et vous glisse entre les doigts."
"_Chère Mabel, on ignore ce que réserve l'avenir. Nous autres, on est le jouet de la vie. C'est ça la grande aventure. On sait pas où vous allez échouer ni dans quel état. C'est le mystère, et ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs."
L'amour débordant, le dévouement, le fol espoir, la crainte, tout cela restait contenu dans le ventre arrondi d'une femme.
L'âge venant, je me rends compte que la vie est souvent plus fantastique et plus cruelle que tout ce à quoi nous croyions enfants, et qu'il n'y a sans doute pas de mal à trouver de la magie parmi les arbres.
Que s'était-il passé dans ces ténèbres glaciales, lorsque le givre avait auréolé les cheveux de paille et que la neige s'était changée en chair et en os ? Comme dans les livres d'images, une douce chaleur s'est-elle répandue peu à peu, commençant par le front, puis les joues, la gorge, les poumons, jusqu'à ce que la vie pulse dans un corps sorti de la terre gelée ? La transformation des molécules déterminée par une science exacte - autant dire un mystère pour Mabel, au même titre que la venue d'un embryon dans l'utérus, amas de cellules proliférant pour devenir un coeur et accueillir une âme gonflée d'espoir ; ou que la cristallisation de la vapeur d'eau contenue dans les nuages, fougères et plumes de glace qui tombent en tourbillonnant et se posent sur votre manche, blanches étoiles qui fondent à peine vous ont-elles touché. Comment tant de force et de beauté peuvent-elles habiter une chose aussi petite, éphémère et impénétrable ?
Mais on n'a pas besoin de comprendre les miracles pour y croire, au contraire, songeait Mabel. Pour avoir la foi, il fallait cesser de chercher des explications et se contenter de tenir la petite chose au creux de votre main, le temps qu'elle se change en eau et vous glisse entre les doigts.
Je vais vous dire une chose à propos de l'histoire: nous laissons dans notre sillage un affreux carnage. Nous ne savons pas comment nous y prendre autrement, me semble-t-il, quel que soit le nombre de fois où nous l'avons vu se produire.
Je pense beaucoup à la lumière, à la manière dont elle se concentrait dans les gouttes de pluie ce matin où j’étais folle de bonheur, et cette façon inattendue qu’elle a de changer et se déplacer, de sorte que la maison est parfois sombre et fraîche, et la seconde d’après emplie de rayons dorés.
Père évoquait une lumière d’avant les étoiles, une lumière divine toujours évanescente mais presque toujours présente aux yeux de ceux qui savent la voir. Elle entre et elle sort des âmes des vivants et des morts, se replie dans les coins silencieux de la forêt et, à l’occasion, se révèle dans les rares véritables œuvres d’art.
Debout derrière elle, il caressa les petites mèches qui s'échappaient de son chignon et bouclaient sur sa nuque. Puis il la prit par la taille et s'appuya contre elle. Après tant d'années, son odeur, un parfum de savon et d'air pur, avait encore le pouvoir de l'émouvoir. Il chuchota à son oreille:
- Danse avec moi.
- Quoi?
- J'ai dit: dansons.
- Danser? Ici, dans la cabane? C'est toi qui es complètement fou.
- S'il te plait.
- On a pas de musique.
- On n'as qu'à chanter quelque chose.
Et il fredonna l'air de "In the Shade of the Old Apple Tree.
- Tu vois, dit-il en l'obligeant à se retourner, un bras toujours autour de sa taille, sa main frêle dans la sienne.
Il chantonna d'une voix plus forte et ils tournoyèrent sur le plancher.
- Mmmmmm... Mon coeur est sincère je t'attendrai....
- A l'ombre du vieux pommier, termina-t-elle en l'embrassant sur la joue.
Il la fit basculer sur son bras tendu.
- Oh, j'en connais une, ajouta-t-elle. Attends un peu....
Et a son tours, elle s'essaya à fredonner un air que Jack ne reconnut pas tout de suite, mais qu'il reprit en choeur avec elle.
- Quand mes cheveux seront gris.....
Ils tourbillonnèrent autours de la table.
- ... est ce que tu m'embrasseras alors, est ce que tu me diras que tu m'aimes en décembre aussi fort qu'en mai?
Et ils se retrouvèrent à côté de fourneau, Mabel l'embrassant tendrement sur la bouche. Jack resserra son étreinte et déposa une pluie de baisers sur son visage, dans son cou et, tendis qu'elle renversait sa tête en arrière, sur la peau douce de sa gorge. Puis il glissa un bras sous ses genoux et la souleva.
- Mais enfin... tu va te faire mal au dos, hoqueta Mabel, prise d'un fou rire. On es trop vieux pour ce genre de chose.
- Tu crois vraiment?
Il frotta sa barbe contre la joue de Mabel. Elle poussa des petits cris en pouffant de rire. Il la porta jusqu'à leur chambre, alors qu'ils n'avaient pas encore diné.
"L'amour craint le doute."
Elle leva son visage vers l'aurore boréale en songeant que ces fantômes de glace et de feu risquaient d'extraire son souffle et son âme de sa poitrine pour l'envoyer dans les étoiles.