Noémi avait fini de souper. Il la ramena un peu en arrière,
hors de la foule. Ils s’assirent à l’écart : elle simple, sereine,
attentive à ce qu’il disait ; lui attentionné, dissimulant mal son
désir de plaire.
De sa place, il apercevait Régine, entourée de
divers personnages, riant avec eux, leur tenant tête, buvant à
longs traits la flatteuse admiration qu’ils lui versaient en paroles
dorées, plus douces à ses oreilles que ne l’était à ses lèvres le vin
dont ils emplissaient son verre. Il n’enviait pas leur bonheur :
il souhaitait, au contraire, qu’ils demeurassent auprès d’elle,
qu’elle l’oubliât pour quelques instants. Que ne pouvait-elle
l’oublier pour toujours !
Oh ! les jours de l’an de notre enfance, quel souvenir ! Les réunions chez le grand-père, à midi, pour dîner ; la fable apprise, bredouillée par nos lèvres impatientes, tandis que nos yeux s’égaraient sur le large buffet tout chargé de friandises et de joujoux : pantins, accordéons, chevaux de bois, moutons, poupées […]
Quand, interrogeant ma mémoire, je cherche à me souvenir de mon frère enfant, je vois un beau petit garçon de trois ou quatre ans, avec de larges yeux bruns, des cheveux châtains, un teint mat et des traits d’une exquise délicatesse.
[…] le repas constitué d’exquises friandises, croustades fabriquées par la vieille Sophie, brandade de chez Cadet, “estevenons” de chez Villaret, nougats de chez Barthélemy, confiseries à personnages, papillottes à pétard […]
Rarement enfants eurent plus de jouets que nous […]