Washington Black - Esi Edugyan
La lumière était éblouissante;
elle descendait par vagues tremblantes des toits
qui ponctuaient la plaine blanche.
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Ecoute, le jazz, c’est pas juste de la musique. C’est la vie.
J'ai fermé les yeux.
Ensuite, je me réveille dans une autre pièce, une pièce froide qui m' est étrangère, dont les fenêtres donnent sur une vieille rue de Baltimore que je reconnais à peine. Allongé sur un lit, dans les draps moites d'une dame qui n'est pas ma femme. Dans la chambre blanche comme les blés sous le soleil du matin, une odeur sèche comme celle de la braise se dégage de son corps. Je voulais me tourner vers elle, ramener ses membres menus contre mon flanc comme je l'avais fait à peine quelques heures plus tôt, en embrassant sa gorge, là où ses clavicules se rencontrent, ses boucles sales et humides. Mais je l'ai pas fait. Quelque chose se soulevait en moi, comme une mauvaise digestion. De la poussière sur la table de nuit, un verre d'eau à moitié vide. Les cris des mouettes dehors. J'étais couché à côté de cette femme, lourd de malheur, en pensant à la mienne.
Un homme a jamais rien vu de grand tant qu'il a pas posé les yeux sur un type de la trempe d'Armstrong. Voilà la vérité. Ces paupières tombantes, ce sourire aveuglant : le bonhomme était immense, majestueux. Mais autre chose aussi : il avait l'air rudement humain, comme s'il avait connu la souffrance pour son propre compte. Sa bouche était stupéfiante. Il s'était ruiné les mâchoires, avec la pression de toutes les notes aiguës qu'il atteignait depuis des années. Sa lèvre inférieure était légèrement entrouverte, comme un tiroir de velours rouge. Il a porté un mouchoir à sa bouche, essuyé un filet de salive. J'ai vu quelque chose en lui à ce moment-là : une sorte de patience dévastée, une terrible fatigue. Je connaissais cet air-là. Ma m'man l'avait eu toute sa vie.
Les mois passaient comme rien. Tout Paris paraissait cuver sa cuite, cette lente guerre pour de faux qui ressemblait pas du tout à une guerre. Les Mangeurs de grenouilles campaient toujours derrière la ligne Maginot. Leurs soldats, avec leurs fines moustaches, bien sapés dans leurs treillis, s'étaient mis à jouer au football et à cultiver des roses assez robustes pour supporter le froid. Des militaires en permission erraient dans les rues dans la brume du matin, frissonnants et moroses comme des poètes privés de vin. Des fois on en voyait dormir sur les bancs des jardins publics, blottis dans la lumière grise. On dormait comme des morts en ce temps-là.
Telle était l’époque. Je me vois m’endurcir, devenir amer, acquérir une fébrilité qui me privait de sommeil. Un après-midi que je marchais dans la rue, je ramassai un bout de métal et, y examinant mon reflet, je vis dans mon regard une absence de lumière, un désir de violence systématique. Je sus alors qu’il fallait que je parte de là, sinon je tuerais ou je serai tué.
Il dit seulement : " Nous la regardions, Erasmus et moi, l'après-midi quand elle prenait ses leçons d'italien. Elle était la plus belle créature que nous connaissions.
- Vous étiez des enfants, dit son père. Vous ne saviez rien de la beauté.
- Les enfants savent tout de la beauté, répliqua doucement Titch. Ce sont les adultes qui ont oublié."
Elle n'avait aucune tolérance pour tout ce qui n'était pas anglais.
Bien qu'étant elle-même une femme originale,
son regard sur le monde était rigide, implacable et démodé.
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- Vous étiez des enfants, dit son père. Vous ne saviez rien de la beauté.
- Les enfants savent tout de la beauté, répliqua doucement Titch. Ce sont les adultes qui ont oublié.
Oh, ce que je vis alors ! La lune était énorme, aussi orange que le jaune d'un œuf d'oie. Et clairement dessinés dessus étaient les profonds cratères et les crêtes dont monsieur Wilde avait parlé. C'était, penserais-je plus tard, une terre sans arbre, ni buisson, ni lac, une terre sans habitants. Une terre avant que le Seigneur commence à la remplir, une terre du troisième jour.