Eve Lerner, editions-dialogues.fr
http://www.editions-dialogues.fr/ Rencontre avec Ève Lerner, qui a publié L'âme chevillée au corps aux éditions Dialogues. Réalisation : Ronan Loup.
J'ai appris que, contrairement à la mise en garde maternelle, les" jeux de mains" ne sont pas forcément des "jeux de vilains" et que certains mots vous pétrissent pour longtemps.
Oh, et puis c'est pas la peine de chialer, hein.
C'est pas ça qui va arranger les choses.
Oh et puis arrête de chouigner, hein! Tu sais faire que ça.
Ca y est, c'est les grandes eaux de Versailles!
On ne peut rien lui dire à cette gamine! c'est une vraie fontaine Wallace! Un vrai saule pleureur!
Faut une carte de travailleur de force pour soulever ce truc-là
Voilà bien une expression d'origine ouvrière à rallonge pour dire C'est trop lourd, qui peut aussi se reformuler par C'est pas léger, Ça pèse une tonne, ou pour d'autres Ça pèse une âne mort.
A l'époque, j'entendais de la bouche de ma mère le sens trivial et lui seul. Après, bien après, j'ai commencé à entrevoir un sens noble. Dans sa littéralité, l’expression devient quelque chose de grand. Car en y réfléchissant, on ne peut rien faire de bien sur le chemin de la vie si on n'a pas "l'âme chevillée au corps". Si le corps vit sa vie en lui et pour lui, s'il n'est concerné que par la seule exaltation des sens,sans la force de l'âme, on tombe très vite dans le superficiel et dans le dérisoire
"Elle confirme que le langage n'est pas uniquement un utilitaire de communication mais que l'invention et le principe de plaisir y sont presque toujours à l'œuvre."
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 4
Levés avant les oiseaux
nos jambes ne nous portent plus très loin
dans la tête mille réseaux
dont on ne sait que faire
tournent sur eux-mêmes
et nous empêchent de conduire
par ordre nos pensées
dont aucune ne vient
nous rappeler notre raison d'être
renouer notre fil conducteur
ou simplement nous dire
comment prolonger la vie.
p.19
(…)
extrait 3
On obtient tout par la douceur
plus de barrières
une fois encore je viens de naitre
vivante tremblante féconde
je retrouve la paix d’une mare de forêt
le calme d’une berge, la beauté d’une anse
le bercement des branches, je retrouve
le chatoiement du monde
(…)
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 2
La rivière qui nous traversait est un lit de cailloux
exquise oasis ramenée au néant, personne ne s'arrête
les voyageurs s'enfuient à sa vue
hantée par une odeur de tombeau, oubliée des
chercheurs
elle a perdu son sang, sa couleur,
la lumière qui sortait de sa peau a disparu.
p.16
Finistère
Impossible de détourner les yeux
du bouillonnement de la mer
ses tourmentes contre le roc
son hypnose, son invite
pour relever la tête
Quand on y parvient
le ciel en remous inversé, sa turbulence
la vélocité des nuages
donnent alors un second vertige
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 5
L'enfer me ment
Vide je voudrais voler
inventer les trous d'air, les nuages dorés
demander la grâce du passage
et ne plus sentir la prison de la terre
voler vers l'ailleurs, essouffler les vents
impalpable liberté de frôler les eaux
duvet, pennes, rémiges tout ensemble
extase de voir les cimes de canopée
nidifier sur les rochers de mer
oublier la dureté de l'hiver
revenir aux lacs d'Afrique
marcher sur la couche de chaleur
exactement comme un migrant.
p.20