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Critiques de Fabrice Humbert (429)
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Le monde n'existe pas

Cela démarre par des pages limpides et lumineuses emplies de mélancolie et de sensualité. Celle du narrateur qui se remémore son adolescence difficile, traversée par l'aura d'un être solaire qui sera son seul ami, son premier amour ( platonique ) aussi : Ethan, star du lycée, sportif accompli, beau et blond comme Redford dans Nos plus belles années.



C'est cet être parfait qui est accusé vingt ans plus tard d'avoir violé et tué une jeune fille de 16 ans. Inconcevable pour le narrateur , devenu journaliste, qui part enquêter au fin fond du Colorado, à Drysden pour prouver l'innocence d'Ethan. S'en suis une première partie, à énigme, classique mais avec une tonalité douce et étrange qui flotte au fil des pages.



Petit à petit se révèle une petite ville métaphore de l'Amérique profonde qui voue un culte à la virilité, à la norme, aux apparences, qui hait les déviants, les différents, au point de légitimer la violence. Petit à petit, se révèle le passé du narrateur, un passé qui remonte, empreint de souffrances et douleurs, et qui forcément biaise la recherche de vérité.



A mi-chemin, Fabrice Humbert fait basculer l'enquête vers une quasi dystopie ultra réaliste. le récit se complexifie, frise par moment l'hermétisme car il devient de plus en plus en exigeant qui sollicite l'intelligence du lecteur et sa capacité à réfléchir de façon large sur notre société. Et si Ethan et sa victime supposée n'étaient que des personnages ? Et si nous nous nous étions changés tous en personnages ? Des personnages de fiction à l'ère de la dématérialisation accélérée derrière nos écrans.



L'auteur s'interroge sur la vérité, sur l'identité à notre époque pourrie par les fake news et l'omniprésence des réseaux sociaux. Pas un hasard si le roman s'ouvre sur les écrans géants de Times Square qui renvoient l'image du supposé criminel en fuite.



Ce changement de braquet du récit est passionnant, l'auteur développant sa thèse à coup de références intelligemment disséminées ( Hitchcock, Hewingway, Welles, Garcia Marquez )



C'est aussi très déstabilisant aussi car on perd le fil de l'enquête avec une mise en abyme qui en devient vertigineuse, avec des décalages de plus en plus décalés. Les bots qui envoient des messages, les fermes de clics, les logiciels de retouche indétectables ... et si la jeune fille américaine assassinée n'existait même pas ? Est-on coupable de quelque chose qui ne s'est pas passé ? Le dénouement, abrupt, m'a laissé, tout de même, un goût d'inachevé. J'avais sans doute envie, très scolairement, de mieux comprendre. Je n'ai pas tout compris. Il faudra que je m'y plonge à nouveau. Le matériau littéraire est riche et le mérite/



J'ai donc refermé le livre avec beaucoup plus de questionnements que de réponses, et je pense que c'était le but de l'auteur que de nous livrer ainsi un roman exigeant, éminemment contemporain, prenant sans cesse le lecteur à contrepied, incapable de démêler le vrai du faux jusqu'à la paranoïa. le titre prend tout son sens dans cette réflexion pertinente sur l'illusion de nos vies.
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L'expérience des fantômes

Pas de magasin Picard sur la Banquise.

Pourtant, beaucoup d'aventuriers du Grand Nord y ont fini en plats surgelés. Magnums pour ours polaires. Ce fut la destinée d'un célèbre explorateur anglais du 19 ème siècle, John Franklin, qui embarqua en 1845 avec 133 hommes pour découvrir le mythique passage du Nord-Ouest, qui relie les océans Pacifique et Atlantique. Les deux navires portaient les sympathiques pédigrées d'Erebus (Ténèbres en grec) et Terror, ce qui entre nous n'augurait rien de bon. Pourquoi pas Naufrage ou Cale sèche ? C'est déjà mieux que les rafiots de course actuels qui portent les noms de banques ou de légumes en conserve.

Agé de 59 ans, Franklin n'en était pas sa première recherche d'emmerdements. Il avait participé à plusieurs batailles dont Trafalgar et il avait cartographié une grande partie des côtes canadiennes dans une précédente expédition qui avait failli mal se terminer puisque la légende raconte que les marins auraient mangé le cuir de leurs chaussures.

Ses petites escapades maritimes duraient plus d'un an et sa seconde épouse ne pouvait pas trop se plaindre de la place qu'il prenait dans le lit conjugal. Néanmoins, en l'absence de nouvelles durant plusieurs mois, Jane Franklin commença à remuer ciel et terre et surtout mer pour que l'on retrouve son aventurier de mari. A la recherche du glaçon perdu.

Persuadée qu'il était toujours vivant, même après plusieurs années coincé dans un congélateur, la jeune femme finança des expéditions de secours, harcela les politiques, y compris le tsar russe et transforma son mari en légende, quitte à réécrire l'histoire. Elle consulta des voyantes, qui virent ce qu'elle avait envie de voir et sollicita le grand Charles Dickens. Ce dernier orchestra une campagne de presse contre un goéland de mauvais augure qui avait piaillé l'idée que Franklin et ses hommes étaient morts et s'étaient rendus coupables de cannibalisme.

L'originalité du roman de Fabrice Humbert, c'est qu'il ne suit pas les aventures de l'explorateur mais qu'il se concentre sur l'épouse restée au port et sur les campagnes de recherche pour le retrouver. Il faut dire que Jane avait beaucoup plus de charisme que son mari et presque autant de détermination. le fantôme apparait un peu falot et ectoplasmique, ce n'est pas Indiana Jones dans l'igloo maudit, il n'avait rien d'un meneur d'homme et son portrait ressemblait davantage au commandant de la Croisière s'amuse.

Mais ce qui fait la force de ce récit, fait aussi sa faiblesse. Durant les cent premières pages, on ne sent pas l'écume de l'océan mais celle de l'ennui, on ne traverse pas les tempêtes mais les angoisses et les souvenirs de l'épouse, on ne voyage pas dans le Grand Nord et on reste un peu à quai, casanier de cette histoire. Pourquoi tant de « on »? Parce que mon « je » me lâche dès qu'il s'agit d'être désagréable. Mais assumons, j'attendais du Walter Scott et j'ai eu droit à une cup of tea avec Jane Austen.

En revanche, dans la seconde partie de ce récit tragique qui suit enfin les traces de l'expédition, l'auteur trouve sa vitesse de croisière, dépasse mon cap de désespérance et j'ai ainsi pu me laisser embarquer dans la folie de cette femme et dans ce voyage en terre inconnue, mais sans la nuit dans la yourte (ici l'igloo, captain), le ragout aux yeux de bébés phoques et le présentateur ravi de la crèche avec son générique de cour d'école.

Depuis l'Origine de la violence, j'ai lu presque tous les romans de Fabrice Humbert et son obsession pour les ressorts troubles de l'héroïsme constitue le fil de son oeuvre mais il me manque à chaque fois un petit quelque chose pour être totalement emballé. Je le trouve trop gentil, trop poli dans sa narration. Il ne rentre pas assez dans les entrailles de ses histoires, au demeurant intéressantes. Il garde toujours dans la narration une certaine distance qui m'éloigne de ses personnages. Un aventurier qui manque de panache.

J'ai d'ailleurs lu un article qui mentionnait que Fabrice Humbert avait réécrit six versions du roman avant d'aboutir. Comme son explorateur, je ne suis pas certain qu'il ait trouvé le meilleur chemin.

L'histoire de John Franklin, bien réelle et que je ne connaissais pas, est à priori très peu romancée ici et les deux navires ont été retrouvés en 2014 et 2016 par des explorateurs bien mieux équipés.

Jules Verne, qui fait une apparition dans le récit s'inspira de cette aventure pour un de ses romans: Les aventures du Capitaine Hatteras.

En parlant d'aventures avec un grand A, il faut que je n'oublie pas ma glacière avant de partir affronter l'océan... sur la plage !





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Le monde n'existe pas

La fiction ne dépasse pas la réalité. La réalité est une fiction.

Alors que notre quotidien nous donne l’impression d’être en ce moment les figurants impuissants d’un film catastrophe, la lecture du dernier roman de Fabrice Humbert nous plonge dans un polar métaphysique qui interroge la frontière virtuelle qui sépare sans droits de douane la vérité et la fiction.

Ce n’est pas par hasard que l’auteur transporte son récit aux Etats Unis dont notre représentation est formatée par les films, séries et reportages que nous engloutissons comme les menus King Size d'un Fast Food.

Adam Vollmann, journaliste de bureau plus que de terrain, découvre sur les écrans géants de Time Square le visage d’Ethan Shaw, l’ancienne star de son lycée, avec lequel il avait noué, puis emmêlé, une amitié particulière vingt ans auparavant. L’homme est devenu un fugitif, recherché par tout un pays, accusé d’avoir violé et tué une jeune Mexicaine de 15 ans.

Vollmann décide d’enquêter et de revenir à Drysden dans le Colorado, morne bourgade peu accueillante où il a passé une adolescence difficile, recroquevillée et solitaire. Sur place, les versions contradictoires se multiplient, la ville semble gouverner par la rumeur et le mensonge. Nulle trace du fantôme d’Ethan Shaw.

Côté ambiance, c’est comme si Philip K Dick et David Lynch avaient partagé un joint. Le journaliste ne parvient plus à démêler le vrai du faux et chaque rencontre lui donne un peu plus l’impression de se heurter à un scénario cadenassé.

Le récit intègre les souvenirs de cette enfance douloureuse, cloîtrés dans la mémoire du journaliste et qui descendent du grenier, lors de retrouvailles avec certains lieux ou d’anciennes connaissances.

L’auteur multiplie également les digressions passionnantes sans nuire au rythme du roman. Il évoque par exemple la question du son au cinéma. Il suffit d’avoir déjà pris un vrai coup de poing pour savoir que le son entendu dans un film ne correspond à aucune réalité. Mon nez pourrait en témoigner. De même, le bruit véritable d’une explosion d’obus n’a encore jamais été diffusée car il ne correspond pas aux attentes des spectateurs. « Il s’agit d’imitations d’illusions ».

Depuis « l’Origine de la Violence », tous les romans de cet écrivain évoquent également la question de l’identité. La victime ne semble être qu'un nom. Ethan Shaw ne projette que la caricature fuyante du sportif populaire dans son lycée. Un personnage volontairement inabouti. Le journaliste a changé d'identité quand il avait quitté Drysden. Fabrice Humbert écrit-il sous un nom de plume ?

J’avoue avoir été impressionné par la richesse de ce roman qui mêle sociologie et psychologie, suspense et manipulation. Griotte sur le pudding, c’est très bien écrit. Seule la fin m'a laissé un peu sur ma faim. On devient gourmand devant de telles friandises.

Imaginez les personnages de Twin Peaks dans les décors du Truman show…

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L'origine de la violence



J’ai trouvé ce livre excellent, très bien documenté sur le plan de la grande Histoire. Fabrice Humbert a effectué un travail de recherche assez précis, fouillé, faut-il y voir une part d’autobiographie ? Je ne sais pas, mais sa quête autour de la violence n’est pas anodine.

Il balaie énormément de thématiques et foisonne de pistes de réflexion : ce qui m’a valu quelques difficultés à canaliser ma pensée et j’espère que mon commentaire ne vous paraîtra pas trop embrouillé.



Cet ouvrage entre en résonnance avec une de mes dernières lectures, celle du livre de Géraldine Schwartz « Les amnésiques», non moins excellent, qui soulève aussi la problématique du transgénérationnel que ce soit chez les descendants de victimes du nazisme comme chez les descendants des tortionnaires. Rien n’est anodin, ce n’est pas pour rien que nous sommes nombreux et nombreuses à nous intéresser à cette période de l’Histoire car c’est de notre humanité dont il est question, c’est le miroir qui nous est proposé.





Fabrice Humbert nous convie à une réflexion sur le transgénérationnel, les secrets de famille, les mensonges, l’importance des racines, en mettant en scène un jeune professeur de français dans un lycée franco-allemand qui au cours d’un voyage de fin d’année scolaire, à Buchenwald, va découvrir une photographie exposée d’un déporté ressemblant trait pour trait à son propre père. A partir de cet instant, le narrateur ne laisse aucun répit à l’Histoire, à son histoire familiale et aux secrets de famille. Cette enquête l’amènera à tenter de mieux cerner l’origine de sa propre violence intérieure, ses terreurs nocturnes, lui qui est d’un naturel très doux. Pourquoi sa mémoire ne retient-elle que la violence et l’angoisse ?



Ce roman se décompose en deux parties. J’ai trouvé la seconde partie bien qu’intéressante, parfois un peu longue. Mais elle était nécessaire pour étayer le propos.



Dans cette fiction, j’y ai retrouvé les mêmes questionnements et les mêmes conséquences sur l’inconscient familial des ascendants. Cette fameuse éducation silencieuse qui s’est transmise aux enfants nés après le retour des camps, la deuxième génération, et à qui personne n’a soufflé mot, il fallait oublier et vivre. Ensuite est arrivée la troisième génération, celle qui a fait appel à la psychothérapie afin de tenter de comprendre comment cette éducation silencieuse s’était subrepticement infiltrée dans son inconscient, altérant ainsi la perception du monde, et empêchant cette génération de redevenir « un Homme debout ». Toute persécution, tout traumatisme, doit être élucidé afin de pouvoir tenter de reprendre sa vie en mains. Cette quête vers l’authenticité est salutaire à celui qui veut se comprendre même si c’est un long chemin. Comme me disait une amie « ce n’est pas le chemin qui est difficile mais c’est le difficile qui est sur le chemin ».



Le narrateur évoque Dante, dans quel cercle de l’enfer sommes-nous ? Ou le Jugement dernier de Jérôme BOSCH. Le Mal pourquoi de Mal. Il associe l’enfer moyenâgeux aux camps de concentration :



« Les camps de concentration sont l’enfer réalisé parce que le terrible mélange d’un ordre de fer et des plus affreuses pulsions humaines a fait surgir sur la terre tout ce que des représentations séculaires avaient imaginé. Les camps sont l’Homme. Entrer dans un camp c’est pénétrer dans un délire glacé dénué de toute autre signification que la destruction, la souffrance et la mort. » (page 89)



C’est exactement ce que j’ai ressenti à la lecture de la première partie. Je voyais la porte de l'enfer du baptistère de Florence, la porte de l'Enfer de Rodin. Le Mal traverse les siècles sans jamais s'alléger. Fabrice Humbert regarde le mal absolu droit dans les yeux et son écho à travers les générations, il met en scène le traumatisme de ce jeune professeur et je l’ai suivi même si par moment, devant autant de violence, je me suis retrouvée en apnée un peu comme dans Transit d’Anna Seghers : où est la sortie ?



C’est un livre brillant aussi philosophiquement. C’est un parcours personnel qui cherche à exorciser le mal et la violence, à trouver les réponses sur l’origine de sa propre violence mais malheureusement, le mal absolu fait partie intégrante de l’être humain, c’est juste une question de contexte, de choix conscient aussi, c’est évident que je me préfère du côté des Justes que du côté des collabos.



Note personnelle : La psychogénéalogie m’a beaucoup interpellée, je me suis passionnée pour la généalogie et j’ai fait des découvertes qui m’ont incitée à approfondir cette loyauté invisible qui nous pousse à répéter des évènements douloureux comme certaines pathologies qui finissent par être expliquées grâce à la généalogie ou bien des dates récurrentes sur plusieurs générations : ce que le professeur Anne Ancelin Schutzenberger appelle les syndromes d’anniversaire.



Si vous êtes intéressée par le transgénérationnel, je vous renvoie à l’étude particulièrement passionnante du professeur Anne Ancelin Schutzenberger dans « Aïe mes aïeux » qui se lit très facilement et n’ai pas réservé à un public averti.

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La fortune de Sila

Argent, flouze, fric, oseille, blé, grisbi, pognon (de dingue), pèze, radis, galette, ronds, sous, pépètes… c’est en résumé l'objet de La fortune de Sila.



Si de surcroît tu n’as pas tout compris à la crise financière de 2007, ou à l’avènement du système oligarchique russe sous l’ère Eltsine, voilà qui plus outre une captivante séance de rattrapage.



Et peu importe la crédibilité des passionnants destins croisés dévoilés dans ce roman à tiroirs, celui-ci s’appréhende avant tout comme un redoutable conte moderne, impitoyable observation politique, économique et psychologique de nos sociétés mondialisées.



Pour faire court, je me suis régalée.


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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

Tout juste un mois après les terribles événements qui ont changé la France et ont insufflé un élan citoyen incroyable, Le livre de poche sort ce recueil de textes. 60 écrivains unis avec la même volonté de défendre la liberté d’expression.



L’ensemble des acteurs du livre a donné de son temps et de son argent pour que vive cette belle initiative dont les bénéfices seront reversés à Charlie Hebdo. 5 euros, ce n’est rien pour un tel recueil.



Dans un délai incroyablement court, l’éditeur a réussi à rassembler cette meute d’auteurs, regroupés sous une même bannière et brandissant leurs stylos comme arme. Leur intelligence et leur liberté de penser aussi.



60 textes forcément inégaux, certains se contentant d’une ou deux maigres lignes, d’autres de plusieurs pages. De l’analyse au cri de ralliement, du souvenir au texte très personnel… il y a de tout dans ce recueil.



L’éditeur a eu la bonne idée d’entrecouper les textes des auteurs actuels, d’extraits de Voltaire, Diderot ou encore Hugo. Pour prouver que le sujet de la liberté d’expression n’est pas neuf et qu’il faut défendre cette liberté jour après jour contre l’obscurantisme.



Sans vouloir détailler tous les textes proposés, j’ai une pensée plus particulière pour les mots de Maxime Chattam qui résonnent cruellement par rapport à son roman en cours d’écriture, pour Ian Manook et son texte si touchant, pour Frédérique Deghelt qui pense à la mère de ces terroristes, pour Dominique Fernandez et Marc Lambron qui nous font prendre conscience à quel point cet événement a touché le monde entier, pour Fabrice Humbert et Romain Puértolas avec leur belle idée de parler du sujet à travers une fiction (grave ou drôle), pour Katherine Pancol et son poème enjoué, pour BHL et son texte très juste, pour Eric-Emmanuel Schmitt et son mordant manuel du fanatique…



Quoi que vous cherchiez, et même si vous ne cherchez rien, vous en trouverez un bout dans ce livre. Une lumière contre l’obscurité qui tente de nous éteindre. Voilà ce qu’est ce recueil. Continuons à allumer de telles lumières.
Lien : https://gruznamur.wordpress...
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Eden Utopie

Éden utopie possède la force tranquille de ces récits qui revisitent la mémoire familiale. Nulle colère, nul règlement de compte, nulle glorification dans ce texte autobiographique qui se déploie dans un mouvement de balancier entre deux familles de la fin de la guerre à nos jours.



A priori, ce bouquin est de l'ordre de l'insignifiance. le style est lisse, la narration exhaustive, l'histoire adoucie par le temps qui patine ; c'est en premier lieu un récit à hauteur d'homme pour celui qui tente à travers son enquête familiale de se débarrasser des fictions auxquelles il s'abandonnait facilement lorsqu'il était plus jeune.

Mais en déroulant le fil ténu de la vie de trois générations, le texte est l'occasion d'une méditation intéressante sur le milieu social et ses codes, ses références politiques et culturelles, ses idéaux et le poids de l'héritage.

Car on constate que si la trajectoire de la famille maternelle de l'auteur est assez stable, celle de la famille de la cousine germaine est plutôt chaotique, et fascinante d'un point de vue romanesque.



Malgré tout cela, je suis bien démunie pour émettre un quelconque avis définitif sur cette lecture. Peut-être parce qu'il m'est difficile de porter un jugement de synthèse à propos d'un récit intuitif, un peu vain mais qui n'exclut pas diverses réflexions fort intéressantes, des remarques justes, des idées pour lesquelles on ne peut que hocher la tête...

Et ce bouquin illustre quelque chose de fascinant au niveau de la politique française : la faculté de la gauche à se laisser piéger par les forces centrifuges qui s'exercent en son sein et les rapports conflictuels et inconciliables que cela génère.
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Le monde n'existe pas

"Le monde n'existe pas", titre mystérieux, pour un livre qui ne l'est pas moins.



Un bled étasunien, un meurtre, un coupable désigné, un journaliste enquêteur de retour au pays, voilà réunis les ingrédients classiques d'un vrai polar à l'américaine.



Mais sous couvert d'énigme policière, Fabrice Humbert en réalité propose une habile réflexion sur notre perception du monde face au pouvoir de l'image et de la mise en scène. Comme une métaphore de notre conscience collective saturée d'apparences et de fictions, le fil de l'enquête voit ainsi mensonges et vérités se mêler, dans une torsion vertigineuse de la frontière entre illusion et réalité.



Roman complexe et singulier, "Le monde n'existe pas" te permettra d'employer à bon escient ce qu'il te reste de temps de cerveau disponible. C'est toujours ça de gagné.




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Comment vivre en héros ?

Voici un roman à la prose élégante qui explore le Destin et le non- Destin ...



Il interroge inlassablement sur nos vies possibles, les moments qui décident ou non de notre existence , nous interroge à propos du couple et de la constance de l'amour, sur les multiples manières de concevoir la vie en se référant toujours au père——-figure incontournable —— centrale de ce récit où l'émotion, la connaissance , surgissent au fil des pages.





Il brasse des histoires personnelles , celle de Marcel, le père , ouvrier et militant communiste qui aimait la boxe, dit «  un héros de guerre » , à Tristan le fils qu'il a élevé dans l'idée qu'il devait être un héros ....

Malheureusement , à l’âge de seize ans , à la première occasion qui lui est accordée de prouver son courage , il s'enfuit ....

Tristan qui se pense « lâche, » sous- homme, traître, dans ses relations et promis à rien....



Las, plus tard, lorsqu'il sauve Marie, agressée par une bande, il se grandit, il mue.



Il rencontre alors son destin et son prénom et se montre à la fois courageux et habile.



L'âme faible qu'il avait toujours regrettée et méprisée se mua en âme forte....

Tristan passa toute sa vie à «  ruminer » ses choix et à imaginer les futurs possibles ...





Ce livre difficile à critiquer creuse tout au long l'idée des destins possibles...

«  Notre sort reste toujours entre nos mains ».Le hasard et les « rêves »qui se fracassent sur la réalité ou non ?

Quelles rencontres faites ou à faire?

Quelles possibilités explorer?

Lors de la rencontre avec Marie la vie de Tristan prendra un tour nouveau , il deviendra le maître de sa vie, muera, connaîtra la gauche caviar aux côtés de son beau - pére qui le mènera à la mairie de la ville ...Je n'en dirai pas plus...

Pouvons - Nous nous reconnaître dans l'histoire que l'auteur nous conte dont j'avais lu avec bonheur « L'origine de la violence  » ?

Quelle vie aurions - Nous eu si l'on avait accompli ceci ou cela?

Vais -Je savoir qui je suis ?

Vais - Je être à la hauteur?

Est - il plus simple d'être un héros ou un làche ?

Frustration sociale, haine de soi, mythe des âmes pures, expiation, châtiment , rêve de pureté et d'héroïsme , Comment vivre en héros dans les sociétés modernes ?

Comment s'adapter dans ces vies possibles qui décident en un instant d'une existence ?



Bien écrit, passionnant de bout en bout , à la fois philosophique et politique cet ouvrage fin, intelligent et ambitieux, profond, donne au lecteur l'impression d'avoir traversé la vie d'un honnête homme.



Un livre très fort et riche , qui pose interrogation et réflexion à propos de l'amour, de l'ambition, la responsabilité des parents envers leurs enfants et vice versa , les contradictions et l' aléatoire des choix cruciaux , la culpabilité et l'erreur ...les compromis et le remords, l'humiliation ......

Un ouvrage introspectif qui émeut et interroge.

Pétri de réflexions multiples et fines.





L’auteur décrit de façon ironique et tragique le rêve de l'héroïsme, de la pureté et de l'harmonie dans une société moderne ... pas simple ..



Il dresse un tableau assez pessimiste de notre société ..

«  Ce qui est supérieur à tout prix , ce qui par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité ».







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Comment vivre en héros ?

Quand on sent les larmes monter à la fin d'un livre et qu'on lutte pour les refouler parce qu'on est debout dans un tram, c'est qu'il s'est passé quelque chose qui mérite qu'on s'y attarde. Cela m'est arrivé pour Comment vivre en héros, et cela m'a plutôt surprise car je n'avais pas été transportée à chaque page du livre. Alors que s'est-il passé ? Qu'est-ce que c'est que ce livre ? Que vient-il donc remuer de si intime ?



C'est un livre écrit avec beaucoup d'élégance, où on retrouve la même émotion que dans L'origine de la violence, le même sentiment que l'auteur y a mis son expérience personnelle bien qu'il ait revêtu un masque de fiction, avec tout de même un peu plus de distance, comme dans Eden Utopie. Il explore cette idée fascinante que d'autres ont explorée avant lui, et à laquelle tout le monde a rêvé : quelles sont les vies que nous aurions pu avoir, mais que nous n'avons pas vécues, parce que le destin n'en permet qu'une seule ? J'ai repensé bien sûr au film La vie est belle (celui de Capra), même s'il traite le sujet très différemment.



Tout cela est fascinant, c'est entendu. Mais je crois que ce qui m'a émue profondément, c'est autre chose : c'est le sujet qui donne son titre au livre, celui du héros. Il en est question de multiples manière dans le livre ; et l'une d'elle est un fil conducteur : c'est celui du père. Comment vivre en héros est un livre sur le père, les pères, les relations avec tous les pères que nous croisons dans notre vie, même si ces pères sont notre propre fille. Mais oui : un livre sur toutes ces rencontres dont le prototype est la rencontre qui s'est faite, ou pas, avec notre propre père. Un livre sur la manière dont toutes ces rencontres entrent en résonance avec la rencontre originelle, et dirigent notre vie. Voilà pourquoi ce livre ne peut que toucher très profondément chacun de ses lecteurs... cette rencontre, nous l'avons tous faite, que nous la considérions réussie ou ratée, et Fabrice Humbert nous en propose une lecture qui explore une à une toutes les conséquences contradictoires de ce que c'est qu'avoir un père, toutes les entraves que cela représente, mais aussi toutes les possibilités de sortir par le haut des pièges dans lesquels ces entraves nous font tomber. Un livre très fort.
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La fortune de Sila

Il est de coutume de dire que l'argent ne fait pas le bonheur , soit . Personnellement et dans ce cas précis , j'aurai plutôt tendance à citer Jules Renard : si l'argent ne fait pas le bonheur , rendez-le !

Postulat judicieux s'il en est mais qui ferait , cependant , doucement rigoler les divers protagonistes à tendance légèrement arriviste de ce magnifique roman polyphonique .



Bienvenue dans le monde si délicieux qu'est celui de la réussite à tout crin , du pousse-toi là que je m'y mette . de cette réussite qui fait fi de tout sentiment , de toute morale , aliénant les corps et les esprits et balayant d'un revers de la main vos convictions les plus profondes de sa morgue et de sa suffisance , vos toutes nouvelles meilleures amies désormais érigées en préceptes de vie inébranlables !



Un restaurant . Un serveur d'origine africaine , Sila . Dans la salle , des personnages hétéroclites forts de leur irrésistible ascension sociale . Et là , c'est le drame ! Sila ne supportant plus d'avoir constamment dans les pattes un gamin aussi inéduqué que turbulent , se fait violemment agressé par son bourrin de paternel sous les yeux ébaubis d'une clientèle au mieux totalement amorphe , au pire foncièrement indifférente !



Loin d'être moralisateur , un bouquin méchamment à charge malgré tout . L'objet de cette vindicte : l'argent roi et son cortège inhérent de dérives .

Véritables incarnations d'un ultra-libéralisme pleinement assumé , trois nationalités différentes évoluant dans les trois univers emblématiques que sont le pétrole , la finance et l'immobilier – subprimes inclus .

Lev , le Russe , passant d'ancien universitaire respecté à personnage incontournable du régime Eltsine qu'il soutint sans failles , lui assurant ainsi une belle promotion pétrolifère...

Simon , le Français , brillant chercheur en mathématiques , effacé et timide , total opposé de Mathieu , son coloc , qui finira par le convaincre que la City n'attend que lui...

Ruffle , l'Américain , ex-espoir de football brillamment reconverti en vendeur du mois récidivant de crédits hypothécaires...



Trois archétypes , trois trajectoires , trois modèles de corruption personnelle et professionnelle .

De ce à quoi ils aspirèrent à ce qu'ils devinrent , un fossé abyssal où honnêteté , courage et respect se perdirent à jamais . Un monde impitoyable de la finance magnifiquement dépeint . Un ton didactique jamais rébarbatif . Un livre rythmé malgré la gravité et la teneur du sujet . Une écriture racée qui , au début , ne laissa pas de me questionner pour finalement m'emporter .

A noter les personnages féminins , véritables cautions morales de cette histoire , qui , à force de droiture et de véracité , laissent finalement entrevoir un mince espoir quand à une éventuelle rédemption de leurs chers et tendres...



La Fortune de Sila : l'argent n'a pas d'odeur vs contentement passe richesse ! Faites vos jeux , rien ne va plus...
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Les mots pour le dire

Dans ce "Tract" d'à peine 45 pages, Fabrice Humbert pose un constat décourageant : "Nous sommes pris en étau entre une parole politique dévitalisée, perdue dans les habiletés rhétoriques et les ruses, et un hurlement systématique, dénué de raison, sinon d'habileté démagogique, d'une partie de la société civile. le piège de cette double parole, c'est qu'elle est intéressée mais sans vraie signification pour une démocratie. Or une société ne peut subsister si elle n'a pas de sens".



A partir de là, il formule dix "propositions" dans lesquelles il tente d'expliquer les origines du malaise actuel du débat démocratique, avant de montrer que le dialogue est précisément la condition sine qua non d'une société démocratique.



Pourquoi une partie de la société civile s'acharne-t-elle à déverser haine et insultes sur tout qui ne partage pas son avis? Pour Fabrice Humbert, cela s'explique, d'une part, par la dévitalisation du langage politique : fondé sur "le rêve d'une parole en acte", c'est-à-dire sur l'idée que parler suffirait pour régler les problèmes, le langage politique déçoit (ne peut que décevoir), puisque ses mots ne sont/font pas la réalité. Ils sont impuissants, tournent autour du pot (la langue de bois), ne rendent pas compte de la complexité du réel, simplifient, et dans le pire des cas, sont mensongers. Utilisés à tort et à travers, leur sens est galvaudé, dilué, perdu. L'abstraction et la technicité du discours (parler de chiffres et statistiques plutôt que des individus) n'aident pas vraiment. C'est dans cette faille que s'engouffrent les populismes, qui ont beau jeu de dénoncer les manquements du système et de compenser cette dévitalisation en sortant (hurlant) d'autres grands mots, les majuscules, l'emphase et les superlatifs.



D'autre part, il y a, dans une démocratie, la puissance de l'opinion publique, qui de nos jours s'exprime largement par le biais des réseaux sociaux. Souvent bruyamment, à l'emporte-pièce, dans une cacophonie assourdissante. Il ne suffit pas de parler fort pour être entendu, il faut parler plus fort que le voisin sous peine de ne pas l'être. "Les réseaux révèlent le besoin de chacun d'exprimer son individualité [...]. La quête d'égalité qu'on lit partout, égalité sociale, sexuelle, raciale, est une lutte pour la reconnaissance de chacun à exister en lui-même". Or le rôle de la démocratie et du politique "consiste à harmoniser [...] l'affirmation des désirs individuels". Mais comment harmoniser lorsque l'Autre, forcément différent puisque chacun est unique, est considéré d'emblée comme un ennemi et à ce titre, systématiquement disqualifié, éliminé symboliquement (cf la cancel culture), dans l'outrance et l'hystérie ? Ajoutons à cela que le débat public est un théâtre, avec ce que cela suppose de spectacle, de posture, de rôle à jouer et donc d'illusion. Ajoutons-y aussi que tout discours nuancé devient inaudible dans cette surenchère de violence verbale, et on ne sait plus trop comment s'y prendre pour résoudre cette quadrature du cercle.



Face à ce déferlement polémique, la clé serait de (ré)admettre le doute. Sauf que personne n'aime l'incertitude, guère rassurante. Mais les affirmations assenées avec aplomb nuisent au dialogue, à force de rhétorique puissante mais creuse, et versent rapidement dans l'arrogance et le dogmatisme. le doute au contraire est la condition de la liberté de penser, et la bride à l'agressivité verbale. Avec une cerise sur le gâteau : le rétablissement de l'écoute de l'autre.

Le dialogue et le compromis comme solution/résolution de la haine et de l'insulte dans le débat démocratique, c'est un idéal difficile à atteindre, et l'auteur en est bien conscient : le compromis exige temps, patience, gestion d'intérêts contradictoires, bonne volonté générale et une forme d'empathie. Alors, voeu pieux ? Quoi qu'il en soit, Fabrice Humbert, lucide, termine sur une boutade désabusée : "Ce texte sera annulé. Ce texte n'insulte pas. Ce texte ne hurle pas. Ce texte ne crie pas au scandale. A ce titre, il ne sera ni lu ni pris en compte. C'est sa limite et son éthique".



Bon en fait, il y a quand même quelqu'un qui l'aura lu, et pris en compte, moi; mais qui suis-je...  Toujours est-il que "Les mots pour le dire..." est un texte dense, riche, intelligent, étourdissant de finesse et de subtilité. Peut-être vain (comme le sous-entend l'auteur) mais indispensable pour qui voudrait prendre un peu de hauteur pour réfléchir posément au monde comme il va (mal).
Lien : https://voyagesaufildespages..
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L'origine de la violence

Un jour, un jeune professeur découvre lors d'un voyage en Allemagne avec une de ces classes, la photo d'un homme qui ressemble étrangement à son père, nous sommes à Buchelwald. Le jeune prof dès lors, va tenter de découvrir l'histoire de cette photo. Qui est cet homme ?, la recherche jusqu'à l'obsession du narrateur va bouleverser ces certitudes. Quand le drame se cache sous les sourires de composition. Remarquablement documenté, le roman brille par son intelligence, par sa force narrative, par ces questions sur le mal qui aura traversé ce vingtième siècle avec une telle barbarie. Fabrice Humbert nous rappelle de ne jamais taire l'innommable pour nos générations futures. Un très grand roman.
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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

J'ai enfin lu Nous sommes Charlie, après (déjà!) Toutes ces années.

Je me souviens...

Ces soixante textes, certains brefs et d'autres plus longs, me ramènent encore à ce jour funeste, cette matinée maudite du 07 janvier 2015. Matinée de mort, cauchemar éveillé, et ce chagrin, ce chagrin!

Philippe Lançon, Chloé Verlhac, Riss et Patrick Pelloux sont passé avant.

J'avais laissé ce poche collectif noir sur l'étagère huit années entières avant d'enfin, tout de même, de l'ouvrir et de l'enfin lire.

Toute la sidération, l'incompréhension, la colère et la réaction me sont revenues intactes car à peines enfouies et toujours prêtes à ressurgir.

Ces soixante-là ont unis leurs voix, leurs mots, leurs cœurs pour parler et dire... Dire NON à la peur et à l'indicible. Tous.

Soixante voix qui, au final, n'en font qu'une riche et variée dans une cantate à la Liberté.

Horusfonck est Charlie, encore et toujours, à jamais.
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L'origine de la violence

En lisant voici deux semaines De la poussière et du vent de Cathy Borie, je me suis puissamment rappelé L'origine de la violence, de Fabrice Humbert, qui est également centré sur un représentant de la troisième génération après les camps. Je l'ai évoqué dans la chronique que j'ai écrite pour Babelio (https://www.babelio.com/livres/Borie-De-la-poussiere-et-du-vent/1008736/critiques/1485641), et je me suis demandé pourquoi je n'avais rien écrit sur L'origine de la violence. C'est un livre que j'ai tout autant aimé que celui de Cathy Borie, très brillant, avec une construction par paliers successifs qui ne lâche jamais son sujet avant de l'avoir exploré en profondeur. Il est écrit à la première personne, mais on n'a pas de raisons de penser qu'il s'agit d'une véritable autobiographie ; toutefois, c'est ce que l'auteur suggère dans Eden Utopie, un autre roman où il raconte l'histoire de sa famille maternelle (en son nom propre, cette fois). Disons donc que ce livre, comme celui de Cathy Borie, a été écrit "d'après une histoire vraie", la part d'autobiographie restant le secret de l'auteur.



Cela fait 72 ans que l'Allemagne nazie a capitulé et que les survivants des camps ont été libérés. 72 ans : le temps pour deux nouvelles générations après celle des survivants de devenir adultes. La troisième génération n'a pas été élevée directement par celle qui a vécu l'expérience des camps : elle pourrait donc voir le cauchemar s'éloigner, elle pourrait être libérée du poids qui pesait encore sur la deuxième génération, qui a grandi directement au contact de parents traumatisés. Pourtant, Fabrice Humbert, à l'instar de sa génération, éprouve le besoin de raconter la vie de son ancêtre dans un camp d'une manière réaliste. Il est encore plus frappant que cela sonne juste : pour une part parce que cela s'appuie sur de véritables témoignages, certes. Mais pour une autre part, n'est-ce pas parce que les émotions qui sont convoquées ne sont pas uniquement celles que les auteurs de cette génération ressentent indirectement, en tant que dépositaires d'une histoire dont nous sommes tous les héritiers, mais ce sont les leurs ? Celles qu'ils ressentent en écrivant, nourries de celles qu'ils portent depuis leur naissance, même sans savoir que c'était de "ça" qu'elles venaient ?



Cette génération fait donc entendre une voix singulière, qui témoigne d'une expérience spécifique, organisée autour d'une constante : une souffrance d'une nature particulière, qui a du mal à dire son nom, et qui a besoin de faire ce détour par les ancêtres pour s’exprimer.



Pourtant – et je vais me répéter partiellement, des psychologues ont analysé la transmission intergénérationnelle des traumatismes, ce qui permet de comprendre que l'injustice du sort qui a frappé les ancêtres ne s'éteint pas avec eux, mais se trouve transmise à leurs descendants. Les mécanismes de cette transmission n'ont rien de magique : quand on est élevé par des parents traumatisés, qui ne peuvent rien dire de leur traumatisme, on grandit dans des non-dits inquiétants ; puis quand ces enfants deviennent parents à leur tour, ils font grandir leurs propres enfants de nouveau dans des non-dits, mais qui sont cette fois sans forme précise, sans contenu, ou avec un contenu vague et cauchemardesque. Cette troisième génération part alors en quête de son identité avec cette idée particulière en tête : il y a quelque chose que je ne sais pas, que peut-être personne ne sait plus, mais qui pèse sur moi.



Ensuite, le parcours de chaque famille s'en mêle et chaque histoire est différente. Le personnage principal de L'origine de la violence a ceci de particulier qu'il connaît son identité, depuis l'enfance. Elle n'est pas mystérieuse, il est le descendant d'une famille cohérente et unie, qui a eu son lot de souffrances, mais les a surmontées. Il connaît son identité, il connaît son histoire. Par contre, il ne se connaît pas, lui... Il constate en lui des accès de violence qu'il ne comprend pas, il vit des expériences dans des milieux violents où il ne sait pas prévoir ses propres réactions. Et finalement, ainsi qu'on le sait dès la quatrième de couverture, s'il ne se connaît pas, c'est parce qu'en fait, il ne connaissait pas sa véritable histoire non plus. Quand il part en quête de celle-ci, il doit se remettre en question, remettre en question les figures tutélaires de son enfance, et c'est à ce prix qu'il va pouvoir enfin connaître son identité.



On ne sait pas si cette quête a, aura des conséquences sur cette violence en lui, qui est finalement peu abordée dans le livre ; mais on sait, on éprouve avec le narrateur le fait que quête des origines et quête de soi sont une seule et même chose. Cette génération raconte les camps, mais malgré les apparences, son discours n'est pas un discours sur les camps, mais un discours sur l'effet que les camps font encore aujourd'hui. Il est important de l'entendre et de le lire, pour comprendre nos contemporains, mais aussi pour prendre conscience du fait que le mal que nous faisons ou tolérons aujourd'hui aura des répercussions bien longtemps après que nous aurons disparu...
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La fortune de Sila

Un livre émouvant. Merci à Babelio de m'avoir fait connaître cet ouvrage. La force de ce récit est les personnages, tous incroyablement attachant car tous avance dans leurs existences avec des doutes, des failles.

Le personnage de Sila me fait un peu penser à Candide, surtout au début où il doit quitter son pays chasser par un commandant tout puissant à qui il a refusé de vendre tout son poisson, comme Candide fut chassé du château par la seule volonté du baron. S'en suit une sorte de parcours initiatique avec une question servant de colonne vertébrale au roman : pourquoi ce Sila devenu serveur est agressé par un des clients, et surtout pourquoi personne n'a réagit?

Fabrice Humbert va alors décrire les parcours des clients présents dans un monde où l'argent fou devient la référence, dans un monde post communiste en Russie. L'auteur nous livre une passionnante plongée dans la transition suivant la fin de l'épopée soviétique ouvrant la voie au début du capitalisme sauvage avec la naissance des grandes puissances financières liées au richesse naturelle de la Russie. S'agrandir ou mourir, tel est le choix auquel est confronté Lev, un grand intellectuel conseiller du président Eltsine, devenant président d'une compagnie pétrolière à grand renfort de corruption.



Mais les personnages les plus intéressants sont pour moi Matthieu et Simon, deux jeunes amis que tout oppose. Matthieu le flambeur mais tenant un discours ultra critique contre le monde de l'argent tout en étant lui même fasciné par ce dernier et Simon le timide mathématicien. Je me reconnais assez en eux. J'ai l'impression de m'entendre quand Matthieu part dans mon monologue merveilleux prévoyant l'éclatement du système, la disparition de l’Etat effacé sous leurs dettes au profit de gang, de mafia. Cette lucidité ne l’empêche pas lui même de vouloir sa place au soleil précisément car il estime que seul l'argent pourra le protéger de la ruine.

Je me reconnais aussi en Simon, cet introverti maladroit dans les relations humaines mais en même temps capable de monter les échelons dans le monde de la City. Voila ainsi un autre atout de ce livre : ces 2 hommes ne sont pas caricaturaux, alors que Matthieu semble tout avoir pour réussir, il va être incapable de trouver un job à la City l'entrainant dans une forme de dépression contrairement à Simon enchainant les réussites et pensant à ce titre avoir enfin trouver sa place et un rôle social sur cette planète.

La fin du livre est sombre : le russe finit mort dans un attentat, son entreprise rachetée par son pire ennemi, Matthieu trahit Simon en épousant son ancienne petite amie et en l'abandonnant, Simon qui a participé inconsciemment à la chute de l'entreprise du russe démissionne et ce cher Sila lui est de nouveau tabassé par le client du restaurant, un riche héritier qui a fait fortune en vendant des prêts à des pauvres, le lecteur ne sait pas s'il s'en sort vivant.

Pour résumer le message du livre est d'une simplicité cruelle : les riches, les puissants s'en sortiront toujours surtout en temps de crises où il s’arrangeront pour préserver leurs positions dominantes tout en se vantant d'avoir sauvé le monde de la faillite, et au final ce sont les 99% de la population qui paye.



Ce livre mériterait une suite et je suis bien triste de devoir laisser tous ces personnages une fois la dernière page terminée.



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L'origine de la violence

A partir d'une photo du camp de concentration de Buchenwald, un jeune professeur découvre l'identité de son grand-père juif et et déporté, et déroule l'histoire de sa famille : quête d'identité, solitude et dualité de l'homme, le Mal qui l'habite, Fabrice Humbert développe ces thèmes en découvrant les destins croisés de deux familles pendant la 2nde guerre mondiale et par la même, le secret de sa famille.

Sans verser dans la littérature de la Shoah (il rend hommage à Primo Lévi et Jorge Semprun), Fabrice Humbert s'interroge sur le pourquoi de la barbarie et revient sur années monstrueuses du nazisme afin d'essayer de trouver une réponse aux questions qui le taraudent.

A la fois enquête policière et réflexion philosophique, un beau roman sur les questions que se pose la troisième génération post barbarie nazie.
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Eden Utopie

Sur la page de couverture est inscrit roman, pourtant j'ai bien eu l'impression de lire une biographie, ou plutôt une saga familiale qui démarre au début du vingtième siècle. Peut-être l'auteur s'est-il senti obligé d'écrire roman, par peur de ne pas forcément écrire la vérité sur ses ancêtres, cela aura le mérite de ne pas le mettre de travers avec des membres de la famille à l'esprit courroucé ?

L'histoire démarre juste après la seconde guerre mondiale, avec la construction d'un bâtiment qui se nomme la fraternité, érigé à la force du poignet et par les deniers de deux familles.

C'est le point de bascule entre l'ancien temps qui voyait solidarité et cohabitions familiale et le nouveau monde qui voit progressivement la rupture familiale pour toujours plus d'individualisme.

Ces deux familles se sont liées lorsqu'une jeune fille perd sa mère et se voit élevé par la famille de sa cousine. Les deux seront comme des sœurs et garderont des liens très proches lors de leurs existences.

Difficile de garder à l'esprit qui est qui, surtout au début du livre. Heureusement un arbre généalogique se trouve dans les premières pages. Ce roman s'éclaircit lorsque l'on arrive à l'existence de l'auteur trouvant un rythme nouveau un peu plus intéressant que la vie des anciens. Pourtant je n'ai pas vraiment réussi à m'accrocher à cette saga de gens très politiques dont l'un deux deviendra premier ministre.

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L'origine de la violence



Deux parties composent ce roman autofictionnel.

Un professeur et ses élèves d’un lycée renommé franco-allemand partent en voyage culturel à Weimar sur les pas de Goethe. Ils visitent aussi, à proximité de la ville, le tristement célèbre camp de Buchenwald. Dans le musée, une photographie d’un détenu captive son regard : la ressemblance avec son propre père, le sidère mais ce ne peut être lui.

De retour en France, le souvenir de ce cliché en noir et blanc le taraude. Son père, qui de toute évidence détient tout ou partie de la vérité, reste délibérément muet. Il décide, alors d’entreprendre des recherches. Il découvre que cet inconnu photographié aux côtés du Sturmbannführer Erich Wagner, le médecin tortionnaire du camp, est son grand-père biologique, un juif déporté, David Wagner, nom de famille courant en Allemagne. Mais son père Adrien, comme son aïeul paternel Marcel tout comme lui portent le patronyme de Fabre. Cette enquête va dévoiler un secret de famille bouleversant, qui devait rester hermétiquement scellé, mais va aussi permettre au narrateur de comprendre la source d’un traumatisme indélébile greffé dans ses gènes, de trouver, enfin, une explication plausible à son comportement, ce passé douloureux qu’a connu son grand-père, amant de sa grand-mère Virginie, est, de toute évidence, à l’origine de sa propre violence qui, quelque fois, reflue et le submerge . « Depuis toujours, la peur et la violence m’ont hanté. J’ai vécu dans ces ténèbres… La violence a répondu à la peur…. La peur m’avait saisi pour toujours, pour toujours j’allais me défendre »

Dans la seconde partie, le narrateur, au cours d’un autre voyage scolaire rencontre Sophie , petite fille d’un dignitaire nazi, le landrat Friedrich Lachmann « un nazi sans nazisme » qui accompagna Himmler lors de sa visite au camp de Buchenwald. Il s’éprend de la jeune-fille. Pour vivre à ses côtés , mais aussi pour continuer à mener son enquête afin d’écrire sur David Wagner, il quitte son emploi et vient s’installer à Berlin comme attaché culturel à l’ambassade de France…

Dans les dernières pages, sera dévoilée le nom de la personne à l’origine de la déportation de David.

Difficile de démêler la part du vrai, du vécu, de l’intime et celle de la fiction, de l’imagination romancée dans ce récit attachant, qui rappelle beaucoup de remugles, de faits tristement célèbres, qui évoque, met en scène des personnages qui sont, hélas, passés à la postérité par leurs crimes, d’autres, ont, été « réinventés », ont changé d’identité…







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Comment vivre en héros ?





Qu’est-ce qu’être un héros ? Mon pauvre Tristan, toute ta vie tu te poseras cette question. Parce qu’à seize ans tu as laissé ton prof de boxe seul face à trois lascars tu serais un lâche ? C’est du moins ce que dit ton père, ton père ce héros de la résistance, qui te veux héros comme lui. Comment vivre avec une injonction pareille ?



Et dans cette fin de XXe siècle, dans un pays comme la France, comment devenir un héros. Pour toi Tristan ce sera trente-huit secondes dans un train de banlieue qui te permettront peut-être d’en devenir un et qui changeront le cours de ta vie. Alors Tristan, un héros c’est quoi ?



Un professeur d’histoire dans un collège classé ZEP, un entraineur de boxe pour ados « difficiles », le maire d’une ville dortoir refusant les sirènes médiatiques et les pots-de-vin en tout genre ? Loin des grands discours et des grandes théories, Tristan, homme ordinaire, arrivera-t-il à transformer sa vie en existence héroïque ?



« Comment vivre en héros » est tout simplement un roman politique et philosophique ambitieux pour nous conter une vie française. Fabrice Humbert tire le fil délicat de son récit, tendrement et sans jamais le juger, il observe son héros se questionner, s’engager, se tromper, aimer ou se résigner.



On referme ce roman drôle, intelligent et fluide avec l’impression d’avoir traversé l’existence d’un honnête homme. Peut-on dès lors m’expliquer pourquoi « Comment vivre en héros » est passé inaperçu cette rentrée littéraire ?
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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