Interview de Farah Pahlavi
Cinquième mesure qui allait, elle aussi, se révéler lourde de conséquences : ouverture aux femmes du droit de vote et du droit de se présenter aux élections. Une partie du clergé, radicale et obscurantiste, devait rapidement s'en offusquer. En 1936, Reza Shâh, qui souhaitait vivement donner aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes, s'était déjà attiré les foudres des religieux en interdisant le port du voile et, circonstance aggravante mais bien dans la nature de cet homme de fer, en ordonnant à la police d'arracher aux récalcitrantes leur tchador.
Les soirs voulus par l'âyatollâh, à vingt heures précises, les gens commencèrent à monter sur les toits pour clamer ensemble : «Allâh-o-akbar!» (Allâh est le plus grand!) Pour moi, depuis ma plus petite enfance, cette prière avait un effet apaisant, or je me fis la réflexion que désormais, pour la population, ce serait un mot guerrier et angoissant, et mon sang se glaçait en l'entendant. Les hommes qui ont réussi cela, me dis-je, à transformer une prière en un cri de haine, ces hommes font du tort à la religion.
Ça me faisait mal d'entendre à l'extérieur ou à l'intérieur des frontières qu'il n'y avait pas de liberté en Iran, ni liberté politique, ni liberté d'opinion. Injustes procès faits au roi. Combien de temps fallut-il à la France, à partir de 1789, ou aux Etats-Unis, pour entrer dans les eaux calmes de la démocratie ? Près d'un siècle. Et on demandait à l'Iran de passer sans transition du Moyen Âge au raffinement démocratique de l'Europe contemporaine...
Maman baignait dans la poésie : pour chaque événement de la vie il lui venait un poème qu'elle récitait, le visage subitement illuminé. Ma joie était alors de pouvoir lui répondre par un autre poème. C'était plus qu'un jeu, c'était une façon d'admettre que nous étions de passage sur cette terre et de nous inscrire modestement dans la sagesse de nos penseurs.