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Citation de AnneBoulangerPecout


Cet homme avait renoncé à être un père. Je le savais, mais le deuil d’un père aimant n’est jamais acquis. Toujours subsistait un dérisoire, misérable espoir qu’il me prenne dans ses bras sans malice et respectueux. Qu’il m’appelle par un petit nom coutumier, par exemple un « ma chérie » tout bête, tout simple, apparemment très commun selon ce que je constatais dans les autres familles mais qui ne m’était jamais arrivé […]. Qu’il marque son autorité, une exhortation à faire des choses utiles, des remontrances pour mes incartades, mes excès, ma désinvolture connue, quel que soit le domaine, quel que soit le sujet. Qu’il exprime un intérêt, voire un scrupule pour mes résultats, mes nombreux accidents, mes anniversaires, mes drames si modestes en comparaison des siens. Mais rien de tout cela n’était et ne serait jamais. Comme pour Laurent, il était un père idéalisé mais inexistant. […] J’étais une adulte avant l’heure ou plutôt une adolescente mal grandie, sans tuteur, poussant sauvagement dans la rosée du matin. (p 146-147)
A l’adolescence, Laurent montrait déjà une ambition illimitée, sans cadre mais aussi sans réalisme d’aucune sorte. Il nourrissait de grands fantasmes puisés dans l’atelier des grandeurs passées. Tout projet était apprécié à l’aune de l’exploit de l’Annapurna ou de la grandeur des Schneider. A l’heure où les jeunes hommes de son âge pensaient aux prépas pour entrer dans les grandes écoles, Laurent avait pour objectif d’être un capitaine d’industrie ou un grand banquier sans imaginer les étapes à franchir. C’était un fantasme, pas un objectif. Lors de leurs rares discussions, mon père encourageait ses souhaits qui n’allaient pas tarder à devenir délirants, sans examiner la situation de Laurent de manière posée.
La mégalomanie du fils renvoyait à la mégalomanie du père, qui n’hésitait pas à rapporter dans un de ses livres : « D’égal à égal, je dialoguais avec les 8.000, les géants qui m’entouraient. » Il y avait entre mon père et mon frère, dans cette inconscience, un écho : l’ignorance des réalités, d’eux-mêmes et des autres. (p 167)
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