« Je remarque à cette occasion que tous ceux qui ne sont jamais contents de rien, sont presque toujours des ignorants qui ne tranchent hardiment que parce qu’ils espèrent que leur audace pourra leur faire supposer des connaissances qu’ils n’ont pas eu le courage d’acquérir. »
Brillat-Savarin, La Physiologie du goût
« Un peintre ou un poète eût fait de cette truite au beurre de Montpellier frappé de glace un portrait enchanteur, dit le chanoine. Voyez cette charmante petite truite, à la chair couleur de rose, à la tête nacrée voluptueusement couchée sur ce lit d’un vert éclatant, composé de beurre frais et d’huile vierge, congelés par la glace, auxquels l’estragon, la ciboulette, le persil, le cresson de fontaine ont donné cette gaie couleur d’émeraude ! Et quel parfum ! Comme la fraîcheur de cet assaisonnement contraste délicieusement avec le haut goût des épices qui le relèvent ! Et ce vint de Sauternes ! Quelle ambroisie si bien appropriée, comme dit ce grand homme de cuisine, au caractère de cette truite divine qui me donne un appétit croissant ! »
Un déjeuner de chanoine d’Eugène Sue
"Quatre fois l’homme de courage
En un jour peut manger son saoul ;
Mais le trop boire fait un fou
De la personne la plus sage.
Que l’on vide mille tonneaux,
On n’a bu que la même chose,
Au lieu qu’en un repas on peut doubler la dose
De mille différents morceaux."
Scarron - Chanson à manger
« Une conversation animée, pendant le repas, n’est pas moins salutaire qu’agréable : elle favorise et accélère la digestion, comme elle entretient la joie du cœur et la sérénité de l’âme. Elle est donc sous le rapport moral, comme sous le rapport physique, un double bienfait, et le meilleur repas, pris en silence, ne saurait faire du bien au corps, ni à l’esprit. »
Grimod de la Reynière, Manuel des Amphitryons
« Les tripes furent copieuses, ainsi que je vous l’ai dit, et si succulentes que chacun s’en léchait les doigts. […] Le bonhomme Grandgousier y prenait un plaisir bien grand et ordonnait que l’on servît dans des écuelles. Il recommanda toutefois à sa femme qu’elle en mangeât le moins possible, vu qu’elle approchait de sa délivrance et que cette tripaille n’était pas viande très favorable. « Celui-là, disait-il, a grande envie de manger merde, qui en mange jusqu’au sac. » Nonobstant ces remontrances, elle en mangea seize muids, deux tonneaux, et six pots. Ô la belle matière fécale qui devrait boursoufler en elle. »
François Rabelais, Gargantua
« Article 4 – Le vase surtout chargé de fleurs est à jamais proscrit de la table d’un vrai gourmand ; valût-il mille écus, il faut lui préférer le modeste hors-d’œuvre dont il envahit la place. »
Horace Raison, le Code gourmand
« On fait toujours plaisir aux gens en venant les voir : si ce n’est pas en entrant, c’est en sortant. »
Dom Crochon
« Manger et aimer, chanter et digérer : tels sont à vrai dire les quatre actes de cet opéra bouffe qu’on appelle la vie, et qui s’évanouit comme la mousse d’une bouteille de champagne. Qui la laisse échapper sans en avoir joui est un maître fou… »
Rossini, Lettres.
Tiens, le vin cuit de Socquard vous ferait oublier le plus grand des malheurs. Figure-toi que ça vous donne des rêves! On se sent plus légère... Tu n'as jamais bu de vin cuit? Eh! bien, tu ne connais pas la vie!
Ce privilège, acquis aux grandes personnes de se gargariser de temps en temps avec un verre de vin cuit, excite à un si haut degré la curiosité des enfants au dessous de douze ans, que Geneviève avait une fois trempé ses lèvres dans un petit verre de vin cuit, ordonné par le médecin à son père malade.
« Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. »
Marcel Proust, Du côté de chez Swann