[Les politiques] ne sont plus comme nous. Ils ont décroché du réel. Ils ne pensent qu'à être réélus.
L'impression que tout va toujours rouler. On avance, poussé par la foule et les idées reçues. On marche parce qu'il faut marcher. Le mouvement des autres nous entraine. Mais soudain, on est moins sûr que tout va rouler comme avant. Les politiques n'ont jamais paru si impuissants.
Comment sera l'avenir ? Le monde sera plus sauvage. La planète se réchauffera. Les ours auront disparu. Les usines aussi. Et les marchands de journaux. Par les banquiers qui resteront les tauliers du système. J'apprendrai à Woody [mon fils] à se méfier de ceux qui ont trop de certitudes. Je voudrais qu'il soit armé pour résister à la connerie ambiante.
Malgré la chute des ventes, l'avènement du web, les faits divers occupent toujours autant de place dans 'Le Républicain lorrain', qui reste un métronome ici en Moselle.
Il vient d'être racheté par une banque, le Crédit Mutuel, à la famille Puhl-Demange, qui le possédait depuis toujours. Il est aujourd'hui moins partisan, moins moraliste que sous le règne de Victor, le père, puis de Marguerite, la fille.
Moins vivant, aussi.
Le 'Répu' et Marguerite ont toujours été du côté du bien. La famille c'est bien, le divorce c'est mal. La musique classique c'est bien, le rock c'est mal. La Joconde c'est bien, Picasso c'est mal. De Gaulle et Pompidou c'est bien, Marchais c'est mal et Mitterrand pas terrible.
Marguerite dirigeait 22 agences et une armée de journalistes et de correspondants dévoués. C'était avant le grand chambardement du Crédit Mutuel. En six ans, la banque a acheté une dizaine de journaux des Ardennes à la Provence et dépasse un million deux cent mille lecteurs quotidiens.
A chaque rachat, on vire les vieux en leur donnant une prime de départ qu'ils sont contents de toucher. On embauche des jeunes qu'on paie deux fois moins pour le même job.
Le 'Répu' du Crédit Mutuel doit être rentable. L'identité régionale, le club de foot, les avis mortuaires, les horaires des pharmacies sont des moyens de conserver des lecteurs, donc des annonceurs.
(p. 82-83)
Je sais que l'horizon est bouché, qu'on s'emmerde dans ce coin, mais on s'emmerde partout quand on n'a plus de rêves. Et de ce bout de terre bordé par trois frontières... la vue est imprenable sur la folie du monde.
Seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde y parviennent.
Jack Kerouac, Sur la route
Boire c'était d'abord compenser les déboires d'une vie de merde.
Aucun livre contre quoi que ce soit n'a jamais d'importance ; seuls comptent les livres "pour" quelque chose de nouveau, et qui savent le produire.
Gilles Deleuze, L'abécédaire
Qu'est ce qui nous a collectivement échappé pour que la situation se dérègle à ce point ?
Les Vosges, c'est notre eldorado neigeux à nous les mosellans. Les Alpes du pauvre. C'est bossu, pelé en plaine et résineux en crête, mais c'est auss beau que les forêts de Twin Peaks.