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Critiques de François Laruelle (11)
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Théorie des étrangers

F. Laruelle reproche très clairement aux sciences humaines de n’être ni suffisamment humaines ni suffisamment rigoureuses, de méconnaître tout autant l’essence de l’homme que celle de la science. Or l’essence de l’homme n’est autre que l’Un, puisque l’homme en tant qu’Un, identité ou immanence radicale, est le seul Réel en-dernière-instance. Laruelle rejette toute idée d’aliénation de l’essence de l’homme en tant que séparée, exploitée, idéalisée, et substitue à ce rapport (à) soi catastrophique le principe même de la causalité unilatérale qui inverse le rapport traditionnel de l’homme à sa science. “Plutôt que plusieurs sciences pour un homme unique, idéal et transcendant, qui n’est que l’un des universaux philosophiques, une science bien fondée pour les hommes dans leur multiplicité ; plutôt que les “sciences de l’homme”, la “science des hommes”. L’être-humain de l’homme étant une donnée initiale, il n’y a pas lieu de se demander “Qu’est-ce que l’­homme?” ; en revanche nécessité est faite pour la science de re­cevoir sa cause de l’homme, donc de ne jamais prendre celui-ci pour objet. Plus exactement il convient de séparer et d’ordonner rigoureusement trois niveaux de “réalité humaine” : “1) L’identité humaine radicale, le Moi-en-Moi comme cause de la nouvelle science de l’homme ; 2) l’Essence (d’)homme comme l’objet de cette science ; enfin 3) la philosophie anthropologique et les Sciences humaines réduites à l’état de simples matériaux sur lesquels cette théorie prélève un double apport, philosophique et scientifique" (Théorie des Etrangers, p. 60). Cette distinction lève la toute dernière ambiguïté de la notion d’objet, en faisant droit à une dualité de donations hétérogènes : d’une part les “données objectives” telles que les sciences de l’homme les décrivent tout en les présupposant, en se projetant sur celles-ci, d’autre part la cause réelle, l’essence phénoménale immanente que la science des hommes admet également comme unique cause. Enfin le concept d’Identité humaine se laisse lui-même analyser ou plutôt dualyser, puisqu’on distinguera 1) le non-donationnel pur, qui définit l’Ego comme donné-sans-donation, et 2) le non-auto-donationnel, ou non-donationnel (de) soi qui définit l’Etranger, soit les multiplicités humaines concrètes données par une donation qui n’est pas elle-même donationnelle (de) soi, étant inférée prioritairement de l’Ego.



Tout comme l’Un immanent, l’Ego-en-Ego est une découverte pour la pensée (une hypothèse plutôt qu’une thèse ou un principe) ; la pensée philosophique ne découvre rien car elle fait couple avec ses objets (où elle finit toujours par se retrouver), tandis que la pensée-en-Un et maintenant en-Homme se découvre radicalement étrangère au Réel. Entre le Réel et la pensée, ou entre l’Ego comme donné et la pensée comme donation, il y a plus qu'une dualité unilatérale : plutôt une forclusion radicale. Le mixte dont l’Ego représente la contre-épreuve initiale est justement celui de “donné-donation”. L’Homme ou l’Ego “est le seul être qui apporte avec soi une Identité réelle ou anté-logique" (p. 71), une expérience vécue d’immanence à jamais inintelligible pour la philosophie et inacceptable pour la psychanalyse, en quoi il mérite le nom d’“Idiot trans­cendantal”.



Seulement “l’homme est cet Idiot qui existe aussi comme Hu­manité universelle ou Etranger" (p. 78) écrit Laruelle. L’homme existe donc comme Etranger, c’est-à-dire comme dualité unilatérale et pas seulement en identité : ainsi se forme le concept intégral d’“individualité”. La dualité de l’Etranger est dépourvue d’analyse (forgeant l’individu des sciences humaines) comme de synthèse (le sujet des philosophes), et ne se réduit pas à une torsion des deux (comme le sujet disséminé ou divisé de l’inconscient). Là encore il s’agit d’éviter le mixte identificateur de l’homme et de l’Humanité : l’homme fait l’expérience de son humanité par une transcendance simple, une structure d’univer­salité non-décisionnelle et non-positionnelle (de) soi. L’Humanité est donc habitée d’Etrangers.



Si l’Homme est dit “cause de la science”, en revanche l’Etranger peut représenter le “sujet de la science des hommes” (et “non-politiquement”, dès-avant le citoyen, le “sujet de la démocratie”), l’essentiel de la thèse non-philosophique étant que l’homme n’est pas sujet. L’Etranger est le sujet énonciateur de la science transcendantale des hommes, tout comme le sujet de la théorie démocratique, non parce qu’il dirait (en le représentant) le réel de l’Homme, mais au contraire parce qu’il se sait (ils se savent) identiques en-dernière-instance à l’homme : aucune intersubjectivité soutenant un pseudo-égalitarisme dans le discours de l’Etranger. Celui-ci déboute la logique “égo-xéno-logique” qui produit et entretient vicieusement les mixtes philosophiques du Moi et de l’Autre (à commencer par la figure mythique de l’alter-ego). Le théorème de l’être-Etranger s’articule d’une inférence unilatérale : “soit Je, alors je peux être ou Je suis éventuellement et, si Je suis, Je suis donc ou existe Etranger" (p. 137). Au niveau du “Je” (performé sans performation) se situe la cause réelle, et au niveau du “je peux” (performation ou existence) la cause occasionnelle qui infère l’être.



Après avoir rappelé ces quelques principes, précisons en quel sens l’on peut parler avec F. Laruelle d’une théorie unifiée de la philosophie et des sciences humaines. La première et les suivantes reposant toutes ensemble sur une décision de type philosophique, il est normal qu’on les emplace de façon égale au titre de matériau pour une science des hommes. Elles ne s’opposent pas (ou plutôt ne s’unissent pas) seulement comme le fondamental et le régional, elles s’opposent surtout au phénomène immanent de l’homme qu’elles jugent impensable. Une théorie “unifiée” ne fait donc pas la synthèse ou la hiérarchie des décisions anthropologiques ou humanistes, elle les disperse plutôt en extrayant à chaque fois la décision comme telle et les rend à un usage moins contraignant. Simplement, au-delà des doublets empirico-transcendantaux qui alimentent les sciences de l’homme, au point que leur objet de connaissance reste toujours problématique, mi-réel mi-idéal, la science des hommes (science d’essence) vise tout “uniment” la connaissance de l’Humanité comme telle au moyen du matériau méta-humain (les représentations philosophiques mixtes, qui constituent son “empirie”), et toujours à partir de l’expérience de l’antériorité de la cause (l’homme ou Ego-en-Ego) — laquelle n’est pas “en question”.



En résumé, l’aspect unifié de la théorie des Etrangers se déduit de l’identité en-dernière-instance que la posture scientifique admet entre la science et la science des hommes, qui lui permet ensuite d’identifier les sciences humaines et la philosophie en soulignant plutôt le manque d’humanité dans les sciences humaines et plutôt le manque de science dans la philosophie.
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Principes de la non-philosophie

Les "Principes de la non-philosophie" constituent l'un des ouvrages essentiels de la théorie "non-philosophique", par ailleurs il délimite nettement la "phase III", dite "philosophie III", de l'oeuvre laruellienne. Philosophies I, II et III correspondent à la découverte en trois phases de la non-philosophie et aux trois faces constitutives de la philosophie elle-même.

Philosophie I reste sous l'autorité du principe de philosophie suffisante tout en apportant, dans un style nietzschéen, des premiers éléments de non-philosophie (l'individu, l'expérience transcendantale de la pensée...).

Philosophie II marque la naissance de la non-philosophie avec la subordination de la décision non-philosophique à la Vision-en-Un, sa cause immanente, mais subordonne aussi la philosophie à la pensée scientifique.

Philosophie III se libère de cette conception encore "scientifique" du Réel et affirme la forclusion radicale de celui-ci. Philosophie III affirme (et suspend) le tout de la suffisance philosophique (science comprise). Ce n'est plus la pensée, notamment scientifique, qui détermine le "non-" de la non-philosophie mais le seul Réel - les théories scientifiques peuvent maintenant servir de matériau, comme n'importe quelle philosophie, à la non-philosophie.

Les deux nouveautés de philosophie III : 1) la distinction radicale de l'Un et de la pensée, ou du Réel et du transcendantal, ou encore de l'Ego et du sujet, grâce au concept de force (de) pensée comme organon transcendantal du Réel ; 2) à l'affinité supposée de l'Un et de la science, la non-philosophie substitue désormais le concept de théorie unifiée, qui signifie une égalité de-dernière-instance entre d'une part la philosophie et la science, très généralement, et d'autre part entre la philosophie et chacune des sciences ou des pratiques qui la composent.

Ne dépendant que du seul Réel (sans "faire Un" avec lui : elle se distingue des "philosophies de l'immanence", comme l'europanalyse) la non-philosophie peut d'autant mieux accorder à la philosophie une autonomie relative, et se fait moins critique à son encontre.

Philosophie III apporte trois autres concepts fondamentaux : 1) le Réel clairement distingué du transcendantal, et de leur confusion dans la "Vie" ou l'"auto-affection" ; 2) un concept de "résistance philosophique" renouvelé, sur la base de la forclusion du Réel imposée par lui-même, et par-là une autonomie plus grande de la non-philosophie (hors polémique définitivement) ; 3) le concept de "clonage transcendantal" qui reprend et améliore l'ancien concept de "reflet non-thétique".

Avec les Principes la non-philosophie est désormais accomplie, gommant certaines abstractions excessives des étapes antérieures (comme le thème des trois a priori constitutifs de la "Transcendance non-thétique").
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La lutte et l'utopie à la fin des temps philo..

(...) Il existe dans le monde un Principe de Rébellion Suffisante, faisant cercle avec la Maîtrise, stipulant qu'on a toujours de bonnes "raisons" de se rebeller... Ce principe présuppose avant tout l’existence du Mal et la nécessité absolue de s’en défendre. C’est ainsi que la résistance est confondue avec une simple défense ; comme position (elle-même mondaine) et non comme posture (subjective immanente) elle ne peut que se poser en s’opposant, et ne sait agir autrement qu’en réagissant.



Qu'elle soit de défense ou d'attaque, au service des forts ou au service des faibles, la lutte a toujours été pensée comme agôn (dirigée contre quelque chose) mais jamais comme telle, de façon immanente. Cette confusion originelle, cette interprétation grecque de la lutte est donc clairement aussi bien le fait de la philosophie.



Il faut régler le problème de la maîtrise et de la rébellion, d'abord avec la philosophie car la philosophie est la véritable maîtrise ou pensée-monde.



Dans le cadre de cette pensée-monde, la maîtrise et la rébellion se déterminent réciproquement en une dyade qu'on peut appeler "Surmaîtrise".



La philosophie est le Surmaître en ceci qu'elle se divise "volontairement" entre un maître et son rebelle ; faisant ainsi le rebelle elle s'assure de l'avoir toujours vaincu. Le refus de la croyance propre au Surmaître caractérise inversement la posture en-lutte, ou esprit de lutte, au-delà du Principe de Révolte (-Suffisante). (...)
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Ethique de l'étranger

Depuis Platon, les philosophes ont toujours considéré l'Etranger comme une modalité éthique somme toute dérivée de la problématique ontologique de l'Autre, ce dernier étant plus ou moins dialectiquement ramené au Même. Pour une non-philosophie au contraire, l'"Altérité" en général n'est qu'une modalité éthique et surtout symptomatique du sujet-existant-Etranger. Or c'est l'Etranger et non l'Autre dans sa généralité qui révèle la dimension radicalement humaine (et non "éthique") du problème.



Dans un premier temps, une Non-Ethique met à jour la syntaxe invariante – dite par Laruelle "ego-xéno-logique" - réglant les diverses oppositions philosophiques du Moi et d'Autrui, du Sujet de l'Autre, etc., logique finalement dominée par l'Autre et la Différence dans le plus complet déni de l'Un ou de l'Identité. Le principe d'une intersubjectivité première et auto-positionnelle n'est jamais remis en question ; il stipule que l'Autre et le Moi se déterminent tous deux réciproquement en se divisant (d')eux-mêmes : comme on le voit dans l'"alter ego", Autrui est un autre moi en même temps qu'un autre que moi, tandis que le Moi est aussi un autre pour Autrui, etc. Or quelle est la validité théorique de ce schéma de la convertibilité et de la réversibilité ? fait-il autre chose que refléter la banale réalité "sociale" et sa guerre intestine, transformant subrepticement l'état de fait en règle de droit ?



Une Non-Ethique vide ensuite de toute positionnalité ces structures empirico-idéelles et véritablement "sur-réelles" de l'Altérité, c'est-à-dire qu'elle affecte d'occasionnalité l'ensemble de l'Ethique philosophique et de ses problèmes. L'instance déterminante en-dernière-instance de la Non-Ethique, son équivalent pour le Réel, est le "malheur radical" ou la "solitude humaine". De quoi rendre à l'Autrui ontique, cet Autre homme-que-voici, son identité (d')Etranger ou de Prochain dans sa Transcendance et son Extériorité radicale. Avec l'Etranger comme Autre non-éthique, il ne s'agit plus de l'Autre de (alter-ego) mais d'Un autre-que …l'Autre éthique justement. C'est à ce titre, justement, que celui-ci peut être dit le symptôme de celui-là.
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Introduction au non marxisme

Avec le non-marxisme, il ne s'agit pas de proposer une nouvelle interprétation du marxisme ou d'y ajouter un nième amendement ; il s'agit au contraire de retirer au marxisme ses postulats philosophiques, l'appauvrir philosophiquement. La prolétarisation du marxisme n'a pas encore eu lieu, à cause même de ses divers amendements philosophiques. Seule une pratique (théorique) non-marxiste peut nous éviter le cercle (théoriciste) d'un marxisme appliqué à lui-même. Le projet est de mettre en évidence un noyau non-marxiste universel pour le marxisme et à partir de lui, comme matériau, symptôme et modèle. Cette universalisation porte autant sur son objet (le capitalisme et ses conditions philosophiques) que sur lui-même en tant que science et philosophie, ou théorie et pratique. Cet objet, le marxisme lui suppose toujours une certaine universalité, mais liée à l'histoire (le "monde moderne", par ex.) ; le non-marxisme le transforme en Monde au sens le plus universel : il comprend désormais le capitalisme et ses modes de fonctionnement (la contractualité par exemple) plus l'ensemble, structuré en essence, de ses conditions philosophiques. Le capitalisme universel se soutient désormais de l'Idée même de la philosophie. Sa forme de pensée apparaît ensuite comme identiquement scientifique et philosophique. Dans le marxisme cette identité reste dialectique et donc philosophique (y compris sous sa forme maoiste : contradiction principal/secondaire) puisque la philosophie y apparaît deux fois, comme terme de la synthèse et comme synthèse. Tandis que le non-marxisme est une théorie unifiée (et non unitaire) du marxisme et de la philosophie, unifiant les moyens théoriques (scientifiques) et philosophiques depuis une identité réelle comme cause-par-immanence, et sous l'égide d'une logique spécifique non-dialectique : la détermination-en-dernière-instance.
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Une biographie de l'homme ordinaire. Des Au..

Une biographie de l’homme ordinaire (1985) est sans doute l’un des livres les plus réussis de François Laruelle. Il appartient à la seconde période de son œuvre, et en appelle à une “science des hommes” dont le concept est repris différemment dans Théorie des étrangers (1995). Dans ce dernier ouvrage, l’auteur se donne les moyens de distinguer l’Homme réel de l’Individu ou du Sujet, ces deux derniers pouvant renvoyer encore à des fantasmes de division ou de synthèse. Plus exactement, à l’identité radicale de l’Homme que Laruelle nomme par exemple “Ego-en-Ego”, s’ajoute nécessairement un terme second, justement une dualité unilatérale appelée Etranger. Il s’agit d’un concept structural et transcendantal — rien de moins que celui d’Humanité universelle — qui est enraciné dans l’Ego-en-Ego tout en prenant appui sur le Monde donné. (...)
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Philosophie et non-philosophie

En premier approche il s'agit d'une idée intéressante : étudier les bases d'une non-philosophie qui, loin d'être une anti-philosophie, en serait plutôt son ouverture radicale, en-deçà de toute décision philosophique. En seconde approche le détail est beaucoup plus problématique : il est cocasse que la compréhension de la philosophie par l'auteur est elle-même issue d'une (mauvaise) décision philosophique. Si je devais résumer cette vision : "La philosophie est conservatrice, stérile et trop auto-référentielle. La non-philosophie se fonde sur la science et en soumettant la philosophie à cette dernière la non-philosophie peut être vraiment ouverte, via un usage non-philosophique de la philosophie. On se débarrasse du délire idéaliste de la philosophie. Si cela n'a pas de sens pour le philosophe ca en a pour l'homme". Comment être d'accord sur les présupposés eux-mêmes ? La science repose conceptuellement nécessairement sur une métaphysique implicite comme l'ont plus ou moins montré Duhem et Bachelard (chacun à leur manière) même si elle est procéduralement autonome. L'idéalisme n'est un délire que si l'on suppose dogmatiquement le réalisme au préalable (par une décision philosophique précisément). La philosophie législative revient d'elle-même en vertu du non-philosophique même : son droit n'est pas que circulaire mais s'impose en ce qu'il y a constitution de règles d'usage (soi-disant) "non-philosophique" du philosophique, et in fine des règles de décisions philosophiques, sans qu'il n'y ait ainsi, comme "fondement", un quelconque chaos faisant de la philosophie une "soumise" à la "science" puisque la science elle-même nécessite une normativité (certes dynamique). Le conservatisme a aussi sa nécessité. Ces présupposés ne sont pas démontrés et le texte, un peu répétitif, se concentre sur la non-philosophie comme si elle était d'ores et déjà plus "utile" que la philosophie. Il est cependant remarquable qu'il s'agit de théoriser scientifiquement la philosophie et non d'altérer son discours logocentrique. Par là la philosophie garde son autonomie. Mais c'est alors une autonomie dangereuse...

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L'ultime honneur des intellectuels

François Laruelle ne déclare pas la guerre aux "intellectuels", plutôt il leur adresse un ultimatum qui se veut une déclaration de paix universelle. D'abord identifier l'intellectuel-type : il tiendrait à la fois du philosophe, par ses ambitions et sa manière générale de penser, et du sophiste, par sa pratique effective du discours et sa recherche peu scrupuleuse d'effets immédiats. Se voulant de connivence avec l'Histoire et l'Actualité, l'intellectuel les aborde toujours au nom de valeurs abstraites (vérité, liberté, droits de l'homme, démocratie) empruntées à la philosophie ; puis il dégage de cette combinaison ce qu'il croit être sa responsabilité, ainsi que celle de ses concitoyens, face à l'Histoire. Son obsession est de parler au nom des victimes. Mais que sait-il des victimes réelles, lui qui se contente de les utiliser comme de simples pièces à conviction dans le Grand Procès de l'Histoire ? Or les victimes n'ont pas besoin des intellectuels pour se savoir victimes ; elles le savent en tant que simplement humaines. Il s'agirait donc de rappeler aux intellectuels ce qui les détermine en dernière instance, soit cette humaine victime que les discours volontiers humanistes ne font qu'assommer une dernière fois. L'histoire et les discours sur le sens de l'histoire, qu'ils émanent des philosophes directement ou des intellectuels, dans la mesure où ils redoublent la violence des faits en forçant leur signification, ont finalement une fonction bien précise : faire oublier les victimes, voire les effacer en tant que telles. (...)
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Le Christ futur : Une leçon d'hérésie

Le Christ Futur est le sujet d'une science hérétique et « non-chrétienne » du christianisme, un organon pour une explication et une pratique nouvelles du phénomène religieux chrétien. Le non-christianisme défend et illustre un christianisme recentré sur son identité humaine radicale, condition pour qu’il cesse enfin d'être une religion-monde, autoritaire et suffisante.



Le non-christianisme réclame une cause occasionale et une cause nécessaire. La première, conjoncturelle, pourrait être indifféremment la persistance du christianisme ou au contraire son déclin, voire son éradication. La seconde, cause nécessaire mais non suffisante (justement puisqu'une cause occasionale est requise) n'est autre que l'Homme-en-personne, l'être a-religieux et non-métaphysique par excellence.



L'occasion d'un Christ Futur n’est autre que le Christ-monde comme synthèse du Christ et de l'Anté-Christ, paire infernale à laquelle on substitue la dualité unilatérale du Christ Futur et du Christ-monde.



Le Christ Futur est un nom possible du sujet en lutte contre l’Eglise – l’ancienne, idéologique, comme la nouvelle, économique -, c'est-à-dire la forme-monde en général.
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Mystique non-philosophique à l'usage des cont..

La mystique traditionnelle - dite ici "mystique-Monde" a occulté trois problèmes et trois vérités que tente de rétablir dans leur ordre unilatéral la mystique future ou "non-philosophique". Tout d’abord l’essence radicalement humaine du Réel, et la vision-en-Un comme acte performatif immanent, que l’on a confondu avec une entité divine transcendante, omnisciente et omnipotente ; puis la spécificité d’un authentique Sujet mystique, méconnu comme Christ futur et fils de l’Homme, confondu avec la Créature souffrante et désirante ; enfin l’amplitude et la définition du Monde, justement assimilé à l’Enfer mais qu’il fallait étendre jusqu’à la pensée-Monde en incluant précisément cet avatar philosophique qu’est la mystique-Monde elle-même.

La mystique future n’est rien d’autre que l’appropriation de la mystique religieuse selon-l’Homme. La mystique future se recentre sur l’Homme qui est sa cause réelle, elle pense en-Homme alors que la mystique traditionnelle, religieuse et philosophique, pense unitairement en-Dieu et/ou en-Monde.
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Introduction aux sciences génériques

L'enjeu de cet ouvrage n'est pas seulement de clarifier le concept de généricité mais de créer les conditions de possibilité d'une science générique.

Une science générique se caractérise comme une force-d'intervention interdisciplinaire foncièrement étrangère (aux savoirs concernés) ; la force du générique est la force-d'insertion de l'Etranger, en tant que nouveau type d'universel, dans une communauté constituée.

L'intérêt d'une science générique serait d'intervenir auprès des disciplines complexes, comme l'épistémologie ou l'esthétique, elles-mêmes massivement investies par la philosophie

L'investissement du générique dans les sciences se fait sans forçage et surtout sans recherche de plus-value philosophique. Le générique se contente de mettre en place une double causalité, occasionnelle d'une part sur la base des symptômes philosophico-scientifiques existants, "humaine" d'autre part en fonction de la détermination en-dernière-instance du sujet scientifique.

Le générique vaut univoquement pour toutes les disciplines et toutes les philosophies, mais en préservant leur autonomie relative ; son apport n'est pas de fondation ou de fécondation, mais purement de service et, indirectement, de transformation. C'est avant tout une arme pour lutter contre les apparences transcendantales, constituées par les mélanges philosophico-scientifiques.

L'intervention générique, quoiqu'interdisciplinaire, n'est pas une traversée ou une diagonale archéo-épistémologique, elle reste unilatérale car elle s'effectue précisément sur le bord unilatéral (ni intérieur ni extérieur) de chaque discipline. Etrangeté vraiment radicale, l'unilatéralité ne doit pas non plus être confondue avec la marginalité complice.

Le concept d'interdisciplinarité est lui-même transformé par la présence de cet Etranger qui ne se plie pas et qui se tient simplement au mi-lieu. S'appliquant à une division quelconque dans l'ordre philosophique, une identité générique n'est pas une moyenne ou une "solution" mais un mi-lieu.
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