François Lefèvre

la pensée et spécialement l’art grecs sont avant tout un humanisme et ont placé l’homme au centre de tout. Écoutons le chœur dans l’Antigone de Sophocle (441 av. J.-C.) :

Il existe bien des merveilles, mais rien n’est
plus merveilleux que l’homme.
Il va au-delà de la mer grise,
porté par le vent du sud tempêtueux,
fendant la houle qui le cerne de ses mugissements.
La plus puissante des déesses, la Terre,
Immortelle et inépuisable, il la fatigue
du va-et-vient de ses labours, année après année,
la retournant avec l’aide de la race équine.
La gente ailée au vol léger, les fauves de toute espèce
et la faune marine,
il les capture dans les replis de ses filets,
l’homme si habile.
Il maîtrise par ses pièges les bêtes des montagnes ;
leur faisant courber l’échine, il met sous le joug
le cheval chevelu et l’infatigable taureau montagnard.
La parole, la pensée vives comme le vent et les mœurs civilisées,
il se les est enseignées lui-même, comme à s’abriter
des gelées fâcheuses et des traits de la pluie importune,
plein de ces ressources dont il n’est jamais démuni
face à ce que l’avenir lui réserve.
À l’Hadès seul il ne peut échapper,
mais à des maladies incurables il a trouvé des palliatifs.
Habile et ingénieux au-delà de toute espérance,
il va tantôt vers le mal, tantôt vers le bien…

Ainsi le génie humain est-il source d’étonnement et d’admiration.

Pour l’humanité du XXIe siècle, l’Antiquité gréco-romaine tient au mieux à quelques statues aperçues dans les musées, un voyage en Italie, en Grèce ou en Turquie, un blockbuster venu d’Hollywood ou un jeu vidéo à succès, de plus en plus rarement à de très vagues souvenirs d’initiation dans l’une ou l’autre de ces langues déclarées mortes depuis longtemps.