Françoise Cloarec - J'ai un tel désir : Marie Laurencin et Nicole Groult
Elle est hors du temps, étrangère aux autres, perdue dans ses fantasmes de gloire mondiale et d'opulence.
Quand rien de tout cela ne se produisit, il apparut qu'il n'y avait en elle nul ressort de résistance, elle avait dépensé, généreusement prodigué, toute la substance de son âme dans une oeuvre qui maintenant se dressait, détachée d'elle, dans sa splendeur.
Il ne restait plus que l'esprit dépouillé et le corps usé d'une pauvre vieille femme qui avait été un génie, une sainte et une héroïne.
Il faut toujours se méfier des opinions qu'on a, parce que ce sont des opinions qu'on reçoit, qu'on a apprises et qui nous sont diffusées aussi bien par les livres, l'école, l'université, la télé, les médias...et elles brouillent toute approche du pathologique ou de l'esthétique...Ce n'est pas parce qu'on est fou qu'on est génial. Par contre, il y a des potentialités, qui ne se seraient jamais manifestées s'il n'y avait pas eu de catastrophes schizophréniques.
Jean Oury, Création et schizophrénie.
Marie Laurencin et Nicole Groult se sont créé un univers féminin bien à elles, un havre de douceur. Leur complicité tendre et rieuse n'inquiétait personne. Et puis, quelle importance la sentimentalité entre femmes.
André Groult adorait Marie... Il ne l'a jamais prise au sérieux, même quand elle a gagné des fortunes avec ses toiles.
Ce n'est pas parce que Nicole aimait Marie qu'elle se masculinisait, elle portait d'élégantes robes, des escarpins, adorait les hommages venant des hommes.
"Nos amours plombent parfois presque autant que des haines"
Séraphine grandit comme grandissent les petites filles de la campagne, le regard vers le ciel, vers les arbres, vers la lumière, mais la mémoire est déjà bien lourde.
Il y a du tigré, du moucheté, du velu, du chevelu, du rayé, de l'écailleux, du cachemire, des pois, du bariolé, dans les tableaux de Séraphine. On dirait que ça ondule dans les nervures, que ça vibre dans la ramure, que ça grouille dans les fleurs, dans les arbres, les feuilles, les fruits. Des insectes, des oiseaux, des plumes, faisans, paons, pintades apparaissent, se bousculent. Séraphine fait vibrer les teintes, superpose les couches, les empâtements.
Elle se permet tout.
Il la regarde droit dans les yeux, n'essaie pas de lui plaire, juste de retenir son attention. Son regard la caresse déjà.
Les couleurs triomphantes, les formes surtravaillées, avec de plus en plus de finesse, se posent, se superposent. Il y a du tigré, du moucheté, du velu, de chevelu, du rayé, de l’écailleux, du cachemire, des pois, du bariolé, dans les tableaux de Séraphine. On dirait que ça ondule dans les nervures, que ça vibre dans la ramure, ça grouille dans les fleurs, dans les arbres, les feuilles, les fruits. Des insectes, des oiseaux, des plumes, faisans, paons, pintades apparaissent, se bousculent. Séraphine fait vibrer les teintes, superpose les couches, les empâtements
Séraphine peint sans relâche dans son appartement-atelier. Le jour, elle fait ses "travaux noirs", en gagnant sa vie comme bonne à tout faire, mais le soir ce sont ses travaux de couleur.
Des dizaines de milliers de malades isolés dans les hôpitaux psychiatriques meurent de faim, de tuberculose et autres fléaux. Ils sont abandonnés de leur famille, n’ont plus de contact avec le monde extérieur, voient tous leurs appels échouer.
Dans ces établissements, pendant la guerre, 4500 malades sont morts d’inanition, victimes de l’indifférence générale. Indifférence envers ces « gens de rien ».