Anne hoche la tête. "C'est la vie!" Elle a toujours était un peu agacée par cette expression qui dissout le malheur dans l'eau rassurante de la fatalité et favorise ainsi toutes les résignations. On use ses meilleures années à des taches fastidieuses et épuisantes; il faut bien: c'est la vie! A l'âge de la retraite et de la sérénité, on vous impose de nouveaux soucis, de nouvelles fatigues. Rien à dire : c'est la vie! On vous exploite, vous gruge, vous pressure : c'est la vie! On peine, on souffre, on pleure: c'est la vie! Mais ce qui est beau, généreux, agréable, c'est la vie aussi, non? Alors pourquoi ne le dit-on pas? Pourquoi nos misères, c'est elle, et nos joies, c'est nous? Pourquoi ne prendre la responsabilité que du bien qui nous échoit? C'est injuste et un peu lâche aussi.