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Citation de Furtif


Prague, début avril 1922
(...) Tout le malheur de ma vie - je ne le dis pas pour me plaindre, mais pour en tirer une leçon d’intérêt général - vient, si l’on veut, des lettres ou de la possibilité d’en écrire. Je n’ai pour ainsi dire jamais été trompé par les gens, par des lettres toujours ; et cette fois ce n’est pas par celles des autres mais par les miennes. Il y a là en ce qui me concerne un désagrément personnel sur lequel je ne veux pas m’étendre, mais c’est aussi un malheur général. La grande facilité d’écrire des lettres doit avoir introduit dans le monde - du point de vue purement théorique - une terrible dislocation des âmes : c’est un commerce avec des fantômes, non seulement avec celui du destinataire, mais encore avec le sien propre ; le fantôme grandit sous la main qui écrit, dans la lettre qu’elle rédige, à plus forte raison dans une suite de lettres, ou l’une corrobore l’autre et peut l’appeler à témoin. Comment a pu naître l’idée que des lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? On peut penser à un être lointain, on peut saisir un être proche : le reste passe la force humaine. Ecrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes ; ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route. (...)
(p. 266)
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