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Citation de fanfan50


J'aperçus Hohenfels devant moi. Il semblait hésiter et attendre quelqu'un. Je ralentis le pas - j'avais peur de le dépasser - mais il me fallait continuer mon chemin, car ne pas le faire eût été ridicule et il eût pu se méprendre sur mon hésitation. Quand je l'eus presque rattrapé, il se retourna et me sourit. Puis, d'un geste étrangement gauche et encore indécis, il serra ma main tremblante. "C'est toi, Hans !" dit-il, et, tout à coup, je me rendis compte, à ma joie, à mon soulagement et à ma stupéfaction, qu'il était aussi timide que moi et, autant que moi, avait besoin d'un ami.
Je ne puis guère me rappeler ce que Conrad me dit ce jour-là ni ce que je lui dis. Tout ce que je sais est que, pendant une heure, nous marchâmes de long en large comme deux jeunes amoureux, encore nerveux, encore intimidés, mais je savais en quelque sorte que, dès lors, ma vie ne serait plus morne et vide, mais pleine d'espoir et de richesse pour tous deux.
Quand je le quittai enfin, je courus sur tout le chemin du retour. Je riais, je parlais tout seul, j'avais envie de crier, de chanter, et je trouvai très difficile de ne pas dire à mes parents combien j'étais heureux, que toute ma vie avait changé et que je n'étais plus un mendiant mais riche comme Crésus. Mes parents étaient, grâce à Dieu, trop absorbés pour observer le changement qui s'était fait en moi. Ils étaient habitués à mes expressions maussades et ennuyées, à mes réponses évasives et à mes silences prolongés, qu'ils attribuaient aux troubles de la croissance et à la mystérieuse transition de l'adolescence à l'âge viril. De temps à autre, ma mère avait essayé de pénétrer mes défenses et tenté une ou deux fois de me caresser les cheveux, mais elle y avait depuis longtemps renoncé, découragée par mon obstination et mon manque de réceptivité.
Mais, plus tard, une réaction se produisit. Je dormis mal parce que j'appréhendais le lendemain matin. Peut-être m'avait-il déjà oublié ou regrettait-il sa reddition ? Peut-être avais-je commis une erreur en lui laissant voir à quel point j'avais besoin de son amitié ? Aurais-je dû me montrer plus prudent, plus réservé ? Peut-être avait-il parlé de moi à ses parents et lui avaient-ils conseillé de ne pas se lier d'amitié avec un Juif ? Je continuai à me torturer ainsi jusqu'au moment où je tombai enfin dans un sommeil agité.
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