"En règle générale, un homme se présente de deux façons selon qu'il est au travail ou chez lui. Moi qui vous parle [Hokusai], je considère le travail comme la réalité et la famille comme de la fiction, tandis que pour Bakin la famille est réalité et le travail fiction. Toujours selon moi, tous deux sont fiction pour un saint ermite ou une épave d'humanité, et réalité pour un idiot ou un bienheureux. Et maintenant, jeune homme, je vous pose la question : Lequel êtes-vous ? [...]"
Ces jours lui avaient paru si long qu'il se demandait s'ils n'appartenaient pas à une existence précédente.
Qui ignorer tout de rien ne doute : le plus fort est celui qui ne connaît pas la vérité.
[Les Sept Guerrières d'Hori]
On dit généralement qu'il faut contempler un tableau dans un lieu approprié. Un lavis à l'encre ne sied pas à un salon meublé à l'européenne, de même qu'une peinture à l'huile bouleverse l'harmonie d'un pavillon de thé.
Dans la scène qui nous occupe, les spectateurs avaient sous les yeux une image dont le motif principal était en totale dissonance avec le fond. Les hauts cryptomères aux couleurs automnales voilaient le ciel et projetaient leurs ombres sur l'armée de samouraïs en costume d'apparat du cortège seigneurial. Or, dans ce décor solennel, une image pornographique d'un goût douteux venait de faire irruption.
[Les Sept Lances d'Aizu]
Bakin a enfin achevé de lire à Hokusai le passage où le dernier des guerriers chiens fait son apparition.
- Ça alors, je n'en reviens pas ! soupira Hokusai.
- De quoi ?
- On n'a pas encore vu son grain de chapelet mais cet Inuzaka Keno dont vous venez de parler, il fait bien parti des huit, pas vrai ?
- Eh bien ... mais certainement.
- Porté noir sur blanc, quand cela paraîtra-t-il ?
- Là ... Dans deux ans, je dirais.
- Deux ans, ce qui veut dire que notre ère Bunsei en sera à sa dixième année. Et étant donné que vos Huit chiens ont commencé à paraître en onze de Bunka... - il compta sur ses doigts -, les huit guerriers chiens seront au rendez-vous quatorze ans après que vous en aurez eu écrit le premier mot.
- Comme vous dites.
C'était une fin de journée, début septembre huit de Busei. Bakin avait maintenant cinquante-neuf ans, Hokusai soixante-sept.
-Bon ,j'ai fini.
Hokusai tendit son dessin. Baki en eut le souffle coupé.
On y voyait Akaiwa Ikkaku chevauchant une monture fantomatique au milieu des à-pics du mont Koshin et dévorant un mulot embroché sur un bâton de bois mort.Son visage tenait à la fois de l'homme et du chat.
Lorsqu'ils levèrent les yeux ,étonnés de cette averse puisqu'il n'y avait aucun nuage dans le ciel ,ils aperçurent la silhouette de la jeune fille debout sur la cime d'un grand pin qui se découpait contre le ciel bleu. D'une main elle s'accrochait à une branche au-dessus de sa tête et , de l'autre, elle tenait son kimono retroussé bien haut.-
-Eueurgh ! C'est dégueulasse
O-Tone éclata de rire devant les mines ahuries des samouraïs qui se frottaient les yeux d'incrédulité.
[Les sept filles du clan Hori] étaient cachées dans le dernier endroit auquel ils auraient pensé : le Tôkaiji de Shinagawa, le temple de l’école zen dont l’accès était interdit à toutes les choses impures susceptibles de dévoyer les hommes, ce qui, en principe, comprenait le saké et les femmes.
(p. 183)
Le seigneur est le seigneur et peut bien manquer,
Le vassal est le vassal et ne saurait lui manquer.
(p. 43)
Les domestiques se renseignèrent auprès d’un page qui rêvassait dans le couloir. Ils apprirent que Takuan était sorti dans le jardin afin d’exposer aux samouraïs la stratégie à employer pour prendre le château d’assaut.
- C’est insensé ! Ils l’ont suivi comme des crottes au cul d’un poisson rouge !
- Forcément. Ils pouvaient difficilement décliner une telle proposition.
- Imbécile ! Tu appelles ça comment, toi, un vassal d’Aizu qui apprend à prendre d’assaut son château ?
(p. 224)