Au fur et à mesure que la voiture s'enfonce dans la ville, puis dans ses faubourgs, l'espace s'élargit et la tension monte. Je mets un peu de musique pour détendre l'atmosphère. C'est pire, Summertime chanté par Janis Joplin me donne envie de pleurer.
Je suis en train de beurrer le pain de mie pour les croque monsieur quand il entre dans la cuisine et reste planté là à me regarder.
Je lui dis, Tiens, aide-moi, coupe le jambon et le fromage en carrés, comme ça, et fais des piles.
Nous avons quatre enfants.
L'ainée est affamée depuis sa naissance, il lui en faut au moins trois. La deuxième, deux. Les jumelles s'en partagent trois. Et nous deux chacun. Ce qui fait 3+2+3+4=12, et une salade verte pour faire passer le tout.
Je tartine, il découpe.
Puis il dit :
- Faut qu'on parle.
- Oui ?
- Ça fait longtemps que j'attends le moment.
- Ah ?
- Mais il n'y a pas de bon moment, je crois.
- Ah bon ?
- Tu m'écoutes ?
- Quoi ?
- Je m'en vais.
Un jour enfin on la remonte, on la couche dans un lit propre, elle a une fenêtre, elle peut voir les arbres et la lumière. Pas de voisine. Le soleil se couche et les branches sont dentelle noire.
On lui lave les cheveux. Un oreiller sous la tête.
Une fois, elle transpire comme un boeuf, sent l'écurie ou l'abattoir et vacille, l'infirmier, sans qu'elle ait proféré un son, penche sur elle son beau visage, Ne vous inquiétez pas, vous êtes une rose.
Tu me quittes, d'accord, mais d'abord tu fais ce que tu dois faire depuis dans cette maison depuis belle lurette. tu répares le robinet qui fuit. Tu changes la roue du vélo de Jojo. Tu consolides les étagères dans l'entrée, et tout le reste, tiens, j'ai la liste.
Et je lui mets sous le nez la liste de mes griefs, rangée dans le tiroir du haut et entamée il y a plusieurs années. En face de ce qui a été fait, j'ai mis des croix.
Il y en a deux.
Je suis à l'hôtel avec mes filles. Je regarde par la fenêtre en buvant mon café. Je vois ma maison qui brûle. Tiens, la maison brûle. (p.137)
Je suis en train de beurrer le pain de mie pour les croque monsieur quand il entre dans la cuisine et reste planté là à me regarder. (p.79)
On est dans le lit tous les deux. On se repose un peu. Les triplés dorment, à côté de nous, c'est l'heure de la sieste. (p.39)
Soudain, Jimmy n'est plus là. On se retourne, son père et moi, on ne le trouve pas. (p.99)
Il s'est levé très tôt pour fabriquer un gâteau avec une recette de sa mère.