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3.82/5 (sur 191 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Geoffroy de Lagasnerie est philosophe, sociologue et chargé de cours à l'IEP.

Source : babelio
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Rencontre animée par Antoine Idier Le sort réservé à Joseph K dans le procès de Kafka a de quoi épouvanter : on y découvre un monde régi par un pouvoir « omniprésent et sans règle, effrayant et illogique, tout-puissant mais insaisissable ». Très loin du nôtre a priori. Et, pourtant, nous y reconnaissons quelque chose. Quel est ce « quelque chose » ? Et n'y a-t-il pas matière à nous méfier de cette identification spontanée ? Ce qui nous semble kafkaïen (injuste, arbitraire et donc opaque et imprévisible) ne retrouve-t-il pas une terrible clarté quand on s'extrait de l'appréhension subjective pour penser avec la sociologie ? Joseph K n'est personne en soi ; mais à lui donner un visage, une classe sociale et le cauchemar kafkaïen devient funestement réel, permettant à Geoffroy de Lagasnerie d'interroger la nature même du système judiciaire dans nos sociétés, y compris la notion de jugement et de culpabilité. « Sans doute est-ce parce que chacun d'entre nous ressent au plus profond de lui-même que notre monde est opaque, que les institutions avec lesquelles nous devons composer pour vivre nos vies sont dotées de fonctions cachées et mystérieuses, (…) que nous cherchons sans cesse, dans la littérature ou la théorie, dans l'art ou la psychanalyse, des interprétations qui pourraient nous dire la vérité de ce qui est – nous révéler ce qui se joue derrière la façade trompeuse des apparences. » Geoffroy de Lagasnerie, Se méfier de Kafka À lire – Geoffroy de Lagasnerie, Se méfier de Kafka, Flammarion, 2024.

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Citations et extraits (72) Voir plus Ajouter une citation
"La relation amicale n'existe réellement qu'à condition que l'ami se pense comme être disponible à l'autre. C'est une relation structurée par la possibilité permanente de l’interruption si l'autre en a besoin."
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Depuis une vingtaine d'années, la volonté de réguler les pratiques intellectuelles s'est faite de plus en plus forte et de plus en plus hégémonique.

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[ L’amitié comme lieu d’une avant-garde : l’exemple de Manet ]

Notre culture n’a-t‑elle pas tort d’associer la figure du créateur à la solitude ? Et s’il fallait au contraire la lier à l’amitié ? L’amitié pourrait apparaître comme un dispositif de subjectivation qui donne une possibilité concrète de maintenir une certaine extériorité par rapport aux champs culturels institués, de conquérir une relative autonomie par rapport aux injonctions qui s’adressent à tout producteur de biens symboliques, en termes de thématiques, de modes d’écriture, de formes.

Entre 1998 et 2000, Pierre Bourdieu a consacré deux années de cours au Collège de France à Édouard Manet et à la révolution symbolique qu’il a opérée. […]

Bourdieu soulève le problème de ce qu’il appelle la « solitude de l’hérésiarque ». Lorsque quelqu’un décide de rompre ou est de fait conduit à rompre avec les attentes du champ dans lequel il est inscrit, il doit a priori accepter, pour un temps du moins, de se retrouver seul et isolé. Il défie les lois de la reconnaissance et de la sociabilité telles qu’elles fonctionnent dans son champ, il promeut une nouvelle norme de production qui n’est pas encore acceptée comme telle, et il se retrouve donc, mécaniquement, mis à l’écart de tout. Bourdieu dit de Manet qu’il a dû « sauter dans le vide ». Et que, sociologiquement, le problème qui se pose est de savoir comment il est parvenu à « ne pas devenir fou », à tenir « sous une avalanche de violences, d’insultes de mises en questions ».

Prendre de la distance avec les formes instituées de la production et de la circulation des œuvres suppose nécessairement une forme de confiance en soi. Même s’il est insulté, ignoré, rejeté, l’hérétique doit se persuader qu’il n’est pas un artiste raté, mais un artiste maudit. Il doit se donner le droit de dire à l’institution, tout en étant isolé et attaqué : c’est moi qui ai raison, c’est moi qui vous le dit. Un acte hérétique suppose une capacité à défier les lois de la reconnaissance sociale, à se défaire au moins provisoirement de la force de leurs verdicts pour persévérer dans son être malgré l’absence de signe mondain d’élection.

C’est la raison pour laquelle une avant-garde est toujours collective. Celui qui veut rompre avec le nomos du champ auquel il appartient (la définition académique de la peinture dans le cas de Manet) va nécessairement, au moins dans un premier temps, se couper de l’institution et de ses espaces de sociabilité. Il doit donc trouver du soutien ailleurs, à travers son inscription dans d’autres cercles. Il doit non seulement créer son œuvre, mais créer aussi son propre espace de soutien. Et Bourdieu insiste sur le rôle fondamental qu’ont joué pour Manet les quelques amis fidèles autour de lui qui l’assuraient de sa valeur et l’encourageaient (Zola ou Mallarmé par exemple) et des lieux alternatifs de sociabilité, d’exposition et de vente à l’Académie, comme les salons.

[…] Plutôt qu’être appréhendés comme des contre-espaces de la reconnaissance, les cercles amicaux ne devraient-ils donc pas être vus comme des espaces qui font exister une autre éthique de la création, fondée sur les notions d’affirmation et d’autonomie, et qui tentent de donner la possibilité de vivre au-delà de la reconnaissance ?
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[confiance en soi et amitiés vs. cadre institué et humilité ]

Didier [ Eribon ] et Bourdieu étaient amis, leur amitié se déroula en dehors du champ académique et selon d’autres normes. Et lorsque Bourdieu a fait lire à Didier son manuscrit, Didier raconte lui avoir dit qu’il n’était pas assez radical, qu’il devait se donner plus de liberté. : « Vous êtes trop réservé, il faut aller plus loin, Relisez Genet, relisez Le Miracle de la Rose. » Tout en acceptant l’idée qu’il aurait été important de se livrer d’avantage et de porter plus loin l’entreprise auto-analytique, Bourdieu résistait. Il répondait : « Je ne suis pas écrivain. » Puis il écarta ces suggestions en disant à Didier « Mais que penseraient mes collègues ? Que je suis devenu fou. » Ce à quoi Didier objectait : « Mais comment peut-on écrire une auto-analyse si on se préoccupe de ce que vont penser ses collègues ? »

Ce récit illustre la manière dont Bourdieu était confronté à deux possibilités d’être, à deux manières opposées de se penser comme auteur et d’écrire. Et chacune était liée à des espaces relationnels opposés. L’une était soutenue par la relationnalité amicale et les libertés qu’elle donne, l’autre par le rapport à l’institution universitaire, avec tous les effets de censure que l’obsession du statut et de la reconnaissance comporte. Bourdieu n’avait pas construit l’amitié comme un mode de vie, comme le lieu central de sa subjectivité, et la censure académique l’a donc emporté dans ce projet sur l’incitation affective. En tout cas, pour ce livre-ci, il n’a pas sauté dans le vide.
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[ L’amitié inter-générationnelle ]

L’âgisme est une passion extrêmement puissante : le style de vie étudiant est l’un des plus homophiles du point de vue de l’âge et les études montrent d’ailleurs que les relations amicales traditionnelles tendent à être les relations les plus homogènes du point de vue de l’âge (elles le sont plus que le couple).
[…]

Très souvent, ces arrangements intergénérationnels sont décrits à travers un vocabulaire familial : ils sont appréhendés comme des « familles alternatives ». Mathieu Lindon parle de « famille amicale » ou de « famille fictive » qui serait devenue sa « vraie famille ». Le plus âgé dans la relation est alors présenté comme une sorte de « père de substitution » ou de directeur de conscience. Didier mentionne que, lorsqu’il écrivait à Dumézil dans les années 1950, Foucault commençait ses lettres par « Mon père ». Et il m’a raconté que, lorsqu’il téléphonait à Pierre Bourdieu au cours de la relation qui l’a lié à lui pendant plus de vingt ans et que c’est sa femme qui décrochait, elle appelait son mari en disant : « Pierre, c’est ton quatrième fils à l’appareil. »
[…]

Il est fréquent d’interpréter la culture de la relation inter-âge comme une manière pour les plus âgés d’essayer de rester au contact de la jeunesse afin de résister aux forces puissantes du vieillissement social. C’est évidemment une donnée importante. Mais cette donnée psychologique n’est pas suffisante pour comprendre ce qui est en jeu dans ce type de relation. L’une des expériences que rend possible la relation inter-âge est aussi pour les plus jeunes d’être en contact avec des plus âgés. Alors, chacun y trouve en quelque sorte une possibilité de prendre une distance avec les identités et les comportements associés ordinairement aux différents âges de la vie, de ne pas être prisonniers de certains rôles ou de certaines images de soi et des limitations qu’elles induisent. Le type de relation que nous vivons permet de vivre des expériences ou d’adopter des attitudes d’ordinaire éprouvées à des âges différents de la vie : avoir en même temps 20 ans, 30 ans, 50 ans… Il ne s’agit pas de « prolonger la jeunesse » ni de vieillir prématurément. Vivre intensément avec des personnes d’âge différent ouvre un accès à une cumulativité des expériences et des rapports au monde que n’autorise pas une relation à l’intérieur de laquelle tout le monde a le même âge. Il ne s’agit donc pas ici d’homogénéiser, mais au contraire de pluraliser. Didier peut rentrer chez lui à 4 heures du matin en ayant trop bu après avoir chanté des chansons et ri à des blagues, comportement qu’on attribue d’ordinaire à l’adolescence, et Édouard a pu, dès ses 19 ou 20 ans, adopter une attitude sérieuse et exigeante par rapport au travail et à l’écriture qui caractérise plutôt, dans les perceptions communes, l’âge adulte – ne pas fréquenter les bars, passer des soirées seul à lire plutôt que sortir les week-ends, etc.
[…]

La relation comme forme intergénérationnelle interne et externe, à l’intérieur d’elle-même et dans les rencontres qu’elle produit et rend possible (l’âge des personnes que nous fréquentons ensemble ou chacun de notre côté s’étend de 19 à 95 ans) instaure une culture du mélange, de l’hybridation, qui fait naître un mode de vie autonome aussi bien du mode de vie étudiant que du mode de vie adulte dont Benjamin a souligné la complicité sociale et psychique. Brouiller les frontières d’âge permet de vivre des attitudes normalement propres à des moments différents de la vie en même temps et non pas comme des phases – comme des parcelles de soi, qui constituent ensemble ce que l’on est, et qui peuvent pour cette raison persister dans le temps au sein d’un même être et devenir le foyer de l’invention d’une identité singulière.
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[Le faux anti-conformisme des amitiés étudiantes ]

Dans un texte sur la vie des étudiants, Walter Benjamin avance d’ailleurs que la construction de la jeunesse autour de l’amitié, de la sortie, de l’excès, etc., ne doit finalement pas être vue comme une rupture, même temporaire, avec la vie qu’il appelle improprement le mode de vie « bourgeois » – puisqu’on retrouve cette dynamique dans toutes les classes. Si l’on adopte un point de vue global, ce moment représente la mise en scène d’une parenthèse : la transgression étudiante comme phase, qui n’existe comme telle que parce qu’elle est appréhendée comme provisoire : « Ayant vendu son âme à la bourgeoisie, métier et mariage compris, on s’accroche fermement à ces quelques années de franchises bourgeoises. » Autrement dit, la vie étudiante n’est pas invention. Elle est négation de la vie adulte, et cette négation contient déjà en elle sa propre négation, elle est structurée par l’anticipation de son renoncement – raison pour laquelle les parents de la petite ou de la grande bourgeoisie contrôlent finalement très peu les excès de leurs enfants, voire les encouragent, car ils savent qu’au fond ces excès attestent un conformisme à ce qui est attendu d’eux à cet âge de la vie, qui lui-même préfigure leur conformisme à ce qui sera attendu d’eux plus tard.
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[ L’amitié vécue comme une phase passagère d’une existence programmée ]

Cette organisation cyclique de l’existence, cette assignation dominante de l’amitié à n’être qu’une phase avant l’entrée dans la vie sérieuse, la vie adulte, montre que nos sociétés sont gouvernées par une économie psychique dans lesquelles les inventions relationnelles créatrices, c’est-à-dire autonomes par rapport aux autres cadres de la vie, même lorsqu’elles atteignent leur intensité la plus grande, ont en fait toujours tendance à être vécues et éprouvées comme passagères, comme vouées à la disparition – comme si, au fond, un ami était toujours quelqu’un d’abandonnable, de sacrifiable – parce que, à un moment donné, il faudra entrer dans la « vraie vie », la vie conjugale et familiale. On voit cette logique affreuse et déprimante à l’œuvre dans Just Kids, où Patti Smith décrit sa relation avec Robert Mapplethorpe. Tout le début du livre est consacré à leur vie à deux à New York lorsqu’ils commencent à vouloir créer : les encouragements réciproques, la complaisance à soi qui est inhérente à toute démarche artistique qui n’a pas encore trouvé dans le monde des signes de reconnaissance, les premiers succès, les difficultés financières, le fait d’être toujours ensemble et même de dormir ensemble dans des petites chambres d’hôtel. Mais, vers la fin du livre, elle évoque comment s’opère tout à coup la rupture. Un jour, elle s’en va. Elle décide de partir, elle abandonne Mapplethorpe et elle déménage avec son mari loin de New York pour avoir des enfants et les élever au calme. Elle raconte la fin de cette relation tout simplement, sur le ton de l’évidence, elle n’y consacre que quelques lignes après plusieurs centaines de pages sur sa vie avec Mapplethorpe, peut-être parce qu’elle a honte, mais peut-être aussi – et ce serait encore plus triste – parce qu’elle considère cela comme un choix évident et non problématique. Comme s’il allait de soi depuis le début que l’amitié était temporaire, vouée à disparaître, que la vie familiale l’emporterait sur la vie amicale – dans son esprit plus que dans celui de Mapplethorpe en tout cas. Ce récit illustre à quel point même une amitié aussi intense peut malgré tout être vécue (par elle, et il n’est pas insignifiant qu’elle soit une femme hétérosexuelle et lui un homme gay) avec la certitude qu’il ne s’agit que d’un moment, une parenthèse (Just Kids), et donc comment les relations à part et inventées ne semblent pouvoir durer que tant que le destin familial et l’arrivée des enfants ne viennent pas produire leur éclatement.
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Nous ne devons jamais, comme dit Adorno, confondre ce que nous sommes et ce que la société a fait de nous. Nous ne sommes pas de toute éternité ce que nous avons été amenés à devenir.
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Ne vivons-nous pas dans un champ politique tel que l’expression de la dissidence est déjà inscrite dans le système et donc en un sens programmée par lui ?
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Combien épousent à 30 ans une vie qu'ils s'étaient promis à 20 ans ne jamais avoir – se marient, ont des enfants, s'installent dans un pavillon individuel...
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