"Entre deux mots la nuit" Georges Bonnet - lecture d'extraits .
Lecture d'extraits par Marie Vullo et Pierre Moulias du livre de Georges Bonnet "Entre deux mots la nuit", éd. L'Escampette, lors de la soirée de lancement de "La Voix des lecteurs" le 14 juin 2013 au Moulin du marais (Lezay -79) © Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes - Août 2013
Un ours en peluche
pendu par les oreilles sèche
sur le balcon, des œillets
se meurent dans un vase
autrefois très aimé,
une couture exalte la source vive
de doigts agiles.
On pressent sur toute vie
la lente berceuse du déclin,
des odeurs de terre remuée
errent sur les jardins.
Quelques cèdres atténuent
la transparence de l’automne.
Ce n'était pas une nuit pour dormir
mais une nuit souple et légère
où la douceur de la main livre
sans compter son savoir
une nuit à aimer
comme les arbres aiment la terre
Demeurent la silhouette blanche
des prés, ce vin d’oiseaux,
cet écartement entre deux appels
Le soir la plaine s’écoule
vers la vallée, l’attente
révèle ses navires
La mort d’un arbre
rassemble les vents
Il suffit parfois de se pencher
sur une fleur fanée
qui ne sait plus son nom
De surprendre dans son sommeil
un sentier
tiède de soleil
Un merle blessé dans une ruelle
sans lumière et sans voix
Une gargouille au bord du saut
une mousse aimée des insectes
Ou le sang d'une guerre
encroûté sur le couchant
Pour que soudain
respire un poème
(" Un seul moment")
Sur le jardin
le crépuscule éparpillé
Les murets à jamais
enseignés de patience
Tout au fond un arbrisseau
né par innocence
Un puits d'autrefois pour lire
la première étoile
Elle naît en moi
toujours de fatigues ou de désirs
trop longtemps amoncelés
d'une pitié d'une colère
de la conjuration des morts
parfois d'humbles choses
qui ont peur d'entrer dans le temps
d'une pomme précédée de son odeur
de bêtes cloîtrées
en leur vie de feuilles mortes
de terres et de collines solitaires
elle revient comme un chemin
où l'on repose chaque jour
ses pas dans ses pas
comme un setter à l'automne
retrouve en sa folie l'odeur du gibier
Cette merveilleuse
et terrible nécessité d'écrire
(" Dans une autre saison")
« La prairie entre dans les saisons sans hâte, par d’insensibles glissements, avec ordre et sérénité, belle en sa rotondité comme en ses brisures et déchirures. P 15
Il faudrait emporter
sa maison natale éclairée
par mille paroles
des odeurs de pain chaud et de café
greffées au vent sur une neige émerveillée
un champ de blé maître des étoiles
dans une nuit d'été
les heures d'une journée
en feuilleton banal
dans le bourdonnement des lassitudes
tous les êtres aimés et quelques animaux
restés près du coeur
pour que chante un rossignol
sur les routes de l'âme
dans une autre saison
Entre les fleurs un arrosoir
debout sur les graviers
Son fer blanc terni
cabossé sur le flanc droit
L'odeur des lilas
Rien d 'autre
A la fenêtre le soir
la sérénité de l'horizon
Et parfois
un espoir dans sa laine
les anémones d'un regret