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Payot - Marque Page - Georges Corm - Pour une lecture profane des conflits
La nostalgie de la « communauté organique » idéalisée sert à critiquer la société individualiste et bourgeoise, démocratique, dont l’évolution en Europe de l’Ouest, notamment en France et en Angleterre, donne le modèle. Les Considérations d’un apolitique de Thomas Mann, que nous avons déjà citées, peuvent nous servir à nouveau ici pour exprimer cette intensité de sentiments. Les pages écrites par Mann pour défendre la cause allemande au cours de la Première Guerre mondiale sont un plaidoyer vibrant en faveur de la conception nietzschéenne de la vie qui hait la démocratie bourgeoise : « Cette forme d’État et de société est la république radicale, la république des avocats et des littérateurs, avec philanthropie et talent littéraire. […] »
(…)
Thomas Mann explique tout au long des pages de cette chronique fiévreuse le choc d’univers mentaux différents qui entraîne la Première Guerre mondiale : d’un côté celui d’une Allemagne spiritualiste, enracinée dans la mystique protestante, imprégnée de l’unité de la chrétienté médiévale ; une Allemagne héroïque au sens nietzschéen et wagnérien ; une Allemagne qui refuse la démocratisation bourgeoise et les assauts rationalistes venus de l’extérieur ; une Allemagne qui ne refuse pas de regarder en arrière, « par-delà la frontière interdite du XVIe siècle » marquant la modernité utilitaire et matérialiste, qui dépersonnalise et déracine l’être humain. De l’autre côté, celui de l’ « Occident civilisateur, littérateur, rhétoricien, humaniste et impérialiste, cosmopolite, sûr de lui moralement, endurci et grossier » et qui veut ôter à l’Allemagne « sa vérité et son esprit ».
Thomas Mann, tout comme Oswald Spengler que nous évoquerons ci-après, fait une distinction fondamentale entre culture et civilisation : « La culture concerne le plan spirituel et la civilisation le plan matériel. » (pp. 175-176)
Les progrès fulgurants réalisés dans le domaine de la communication médiatique, loin d’amener à des analyses un peu fouillées et objectives des données d’un conflit, entraînent au contraire une généralisation de quelques idées simples et mobilisatrices destinées à justifier le conflit. Il est malheureux que les recherches académiques, au lieu de prendre leurs distances par rapport au discours des médias, lui fournissent le plus souvent la matière qui alimente ce discours et le légitime
Par ailleurs, le développement de l'industrie pétrolière au Moyen-Orient a fait de la région le plus vaste réservoir mondial d'énergie à bon marché, dont le contrôle est jugé vital pour le bon fonctionnement des économies occidentales.
au-delà de la chronique des hostilités et des violences, islam arabo-berbère et christianisme européen ont communiqué et dialogué ensemble. Combien chacun est redevable à l’autre de ses progrès et de la richesse enfouie de ses cultures et de ses arts, qu’il s’agisse de l’Andalousie, des royaumes latins du Levant, de la Sicile, de la Méditerranée italienne façonnée par Gênes et Venise, des bienfaits du "régime des capitulations" [...] C’est qu’en pratique les mémoires traumatiques l’ont largement emporté sur les mémoires conciliatrices et ouvertes sur l’Autre.
Est-ce parce que les colons immigrés d’Europe sont de confession juive que les Palestiniens leur résistent ? Ou bien est-ce parce qu’il s’agit de colons venus d’outre-mer depuis les débuts de l’aventure israélienne et qu’une colonisation bouddhiste ou hindouiste eût rencontré la même résistance ? Sont-ce les religions ou les civilisations ou les cultures qui provoquent guerres et violences ou bien est-ce l’ambition des hommes, des États et des intellectuels en mal de gloire facile ?
Disons aussi qu’une religion est ce que les hommes en font.
En vertu de ce principe, toute vision d’une hiérarchie des civilisations, des races, des cultures et des religions est bannie. Derrière chaque civilisation, il y a des hommes qui se valent dans leur humanité, quelles que soient les spécificités de nature anthropologique et historique qui caractérisent les différents groupes humains collectifs
La laïcité laïcisée, c’est l’acceptation du pluralisme, mais non celle de la différence de statut juridique, c’est l’affirmation de valeurs communes qui transcendent les différences entre les origines sociales, ethniques ou religieuses des citoyens, leur niveau de fortune matérielle ou culturelle.
Et pourtant, si, dans une société démocratique, les différences ethniques et religieuses cherchent à s’affirmer, c’est bien parce que l’égalité de chances économique, culturelle et sociale ne fonctionne plus et que le repli identitaire devient l’expression de la protestation politique
La religion redevient ainsi la forme facile de gouvernement arbitraire et autoritaire.