Ma réputation de soleil noir vogue à travers la planète, mais celle de l'écrivain tarde à prendre des assises. Seul le discours intérieur à l'Afrique pourra libérer le mien, enchaîné par un des sophismes dont seuls les Occidentaux ont l'art. Il existe une vie souterraine en nous. Le freudisme l'a apprise aux Occidentaux ; les primitifs, eux, ne l'ont jamais ignorée. Depuis des temps immémoriaux, la vie intérieure des individus est réglée par cette instance inférieure que l'Europe commence à peine à redécouvrir.
- Maître, j'ai toujours dit, que vous étiez né trop tôt, avec un siècle d'avance sur notre temps. Apprivoiser le discours africain pour libérer le discours occidental paralysé, refoulé, me paraît vraiment génial !
- Mais attention ! Pas d'ambigüité ! Je suis de la race qu'on ne peut assimiler aux écrivains africains ordinaires. Nous n'avons de commun que le biologique. Ma place se trouverait à Paris, à Genève. C'est un accident de l'histoire qui m'a fait naître en Afrique. Recours n'est pas assimilation. Picasso, Juan Gris, Litchiz se sont entourés de masques nègres uniquement dans le but de définir leurs intentions esthétiques ; un Apollinaire proclame sa volonté d'aller vers les fétiches de Guinée et d'Afrique. S'y méprendra qui voudra. Un moyen est un moyen. Ne pas perdre cela de vue.
La raison fondamentale qui m'interdit de vous interpeller directement est que nos univers ne se rencontre pas ; la parole et l'écriture.Vous avez irrévérencieusement mis entre vous et nous un abîme.
Vous avez choisi l'univers du livre...........
Le langage écrit n'est donc pas une variante du langage oral. Deux univers ayant chacun une histoire qui se perd au fond des âges.
Trajectoires opposées.
Deux types d'humanité, cependant... non inconciliable !