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Citation de Woland


Woland
28 septembre 2014
[...] ... Chabot et Delfosse traversaient la salle, passaient devant la table de l'étranger, répondaient au bonsoir du patron, poussaient la porte des lavabos. Là, ils s'arrêtèrent quelques secondes, sans se regarder.

- "J'ai peur ..." balbutia Chabot.

Ils se voyaient dans une glace ovale. Le jazz étouffé les poursuivait.

- "Vite !" fit Delfosse en ouvrant une porte et en découvrant un escalier noir où régnait une fraîcheur humide.

C'était la cave. Les marches étaient en brique. Il venait d'en-bas une écoeurante odeur de bière et de vin.

- "Si quelqu'un arrivait !"

Chabot faillit trébucher parce que la porte se refermait et supprimait du coup toute lumière. Ses mains tâtèrent le mur couvert de salpêtre. Quelqu'un le frôla et il tressaillit, mais ce n'était que son ami.

- "Ne bouge plus !" commanda celui-ci.

On n'entendait pas la musique à proprement parler. On la devinait. On percevait surtout la vibration des coups de grosse caisse. C'était un rythme épars dans l'air, qui évoquait la salle aux banquettes grenat, les verres entrechoqués, la femme en rose qui dansait avec son compagnon en smoking.

Il faisait froid. Chabot sentait l'humidité le pénétrer et il dut se retenir d'éternuer. Il se passa la main sur sa nuque glacée. Il entendait la respiration de Delfosse. Chaque souffle lui envoyait des relents de tabac.

Quelqu'un vint au lavabo. Le robinet fonctionna. Une pièce de monnaie tomba dans la soucoupe.

Il y avait encore le tic-tac d'une montre dans la poche de Delfosse.

- "Tu crois qu'on pourra ouvrir ? ..."

L'autre lui pinça le bras, pour le faire taire. Ses doigts étaient tout froids.

Là-haut, le patron devait commencer à interroger l'horloge avec impatience. Quand il y avait du monde et de l'entrain, il ne regardait pas trop à dépasser l'heure et à risquer les foudres de la police. Mais, quand la salle était vide, il devenait soudain soucieux des règlements.

- "Messieurs, on va fermer ! ... Il est deux heures !"

Les jeunes gens, en bas, n'entendaient pas. Mais ils pouvaient deviner minute par minute tout ce qui se passait. Victor encaissant, venant ensuite au bar faire ses comptes avec le patron, tandis que les musiciens remettaient les instruments dans les gaines et qu'on habillait la grosse caisse d'une lustrine verte.

L'autre garçon, Joseph, entassant les chaises sur les tables et ramassant les cendriers.

- "On ferme, messieurs ! ... Allons, Adèle ! ... Pressons-nous ! ..."

Le patron était un Italien râblé, qui avait servi dans les bars et les hôtels de Cannes, de Nice, de Biarritz et de Paris.

Des pas, au lavabo. C'est lui qui vient tirer le verrou de la petite porte accédant à la ruelle. Il donne un tour de clef, mais laisse celle-ci dans la serrure.

Ne va-t-il pas, machinalement, fermer la cave, ou bien y jeter un coup d'oeil ? ... [...]
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